Ce troisième article poursuit le focus entamé dans le deuxième article du dossier que l’OJIM consacre à la recension du rapport sur les grands enseignements tirés par les auteurs du rapport du CESE de la participation citoyenne aux États généraux de l’information (EGI).
6 questions fermées
Il se focalise sur les 6 dernières questions fermées qui ont trait successivement aux contenus préférés par les participants, aux solutions censées être les plus pertinentes pour amener les médias à traiter des sujets qui intéressent davantage les citoyens, à celles censées permettre de lutter contre les manipulations de l’information (y compris par des puissances étrangères), à celles censées être les plus pertinentes pour former dès le plus jeune âge les citoyens de demain pour une « information éclairée », et, enfin, aux solutions censées être les plus pertinentes pour lutter contre les « fake news » et la désinformation ; tous les solutions abordées ici étant elles préétablies par les organisateurs de cette consultation.
Les contenus
Trois types de contenus emportent la préférence des participants, chacun mobilisant plus de 50% des répondants. Arrivent en tête les articles analytiques longs (58%), les contenus visuels (55%) et les dépêches neutres et factuelles (50%). Les informations positives et le journalisme de solution affichent un taux de 44%, reflétant un intérêt significatif pour des nouvelles constructives.
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Dossiers thématiques pouvant mêler différentes formes (interview, articles…) ou en plusieurs épisodes permettant d’apporter des éclairages, données, faits… sous différents angles ou points de vue »
- « Emission de radio, entretiens »
- « Podcasts, entretiens avec des experts »
- « Reportages et enquêtes approfondies avec travail d’investigation labellisée par plusieurs médias. »
- « Interview thématique de spécialiste »
- « Entretiens questions-réponses »
- « Débat experts et acteurs. Analyses historiques et géopolitiques »
- « Les articles de synthèse qui mettent en exergue les tenants et les aboutissants d’une information afin de partager la dimension systémique (multi-dimension) d’un événement (idéalement sous la forme de cartographies synthétiques) »
- « Les débats d’idées »
La production de l’information
Tout d’abord, des médias qui adressent les préoccupations et l’intérêt des citoyens sont des médias qui placent l’humain au cœur du dispositif de production de l’information plutôt que de recourir à l’Intelligence artificielle (soutenu par 63% des participants). Ensuite, pour intéresser davantage le citoyen, les médias doivent davantage co-construire leurs sujets et contenus en recueillant les attentes de leurs lecteurs (44%) mais également être au plus près des citoyens et citoyennes, favorisant ainsi davantage une information locale (42%) L’inclusion de citoyennes et citoyens dans les comités éditoriaux ou les rédactions, est appuyée par 30 % des répondants
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Tirer des enseignements des enquêtes d’opinion »
- « Développer l’interactivité dans certaines émissions »
- « Choix des sujets en fonction du retentissement de l’événement sur la vie du citoyen : direct ou indirect »
- « Avoir un journalisme de qualité, fondé sur des études en profondeur et factuels sans sensationnalisme »
- « Équilibrer les informations locales, nationales et universelles sur un même sujet (vision globale d’un problème) »
- « Veiller à donner une information sur ce qui est le plus significatif en nombre, et non pas sur des situations exceptionnelles »
- « Diversifier l’information et arrêter les séquences “mono-sujet” (guerre en Ukraine puis guerre en Israël par exemple) ».
La lutte contre les manipulations, vérifications et IA
Les principales actions de lutte contre les manipulations se concentrent autour de la vérification (67% des participants soutiennent le fact-checking et la vérification des sources), l’éducation dès le plus jeune âge (62%) ou encore la transparence (61% soutiennent la publication des déclarations de conflits d’intérêt des experts et éditorialistes). Dans une moindre mesure, d’autres solutions recueillent le soutien des participants telles que la labellisation des informations non générées par une intelligence artificielle (35%), la mise en avant de comptes vérifiés sur les réseaux sociaux (26%) ou l’identification de tiers de confiance (17%).
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Je pense qu’une des meilleures manières de lutter contre les manipulations de l’information seraient au maximum croiser les sources, cela pourrait être sur les réseaux sociaux par une proposition d’autres sources qui parle du même sujet lorsqu’on lit un article sur un sujet »
- « Créer un directoire dans chaque média pour vérifier les contenus éditoriaux et leur impartialité »
- « Prévoir les moyens de poursuivre pénalement la diffusion de fausses informations »
- « Possibilité d’attaquer en justice avec aide juridictionnelle les sources d’information manipulée »
- « Définir (et appliquer) un processus de validation de l’information “réalisée par l’intelligence artificielle” »
- « Intégrer cette éducation à l’information tout au long de la scolarité y compris en université, et diffuser via les employeurs des notices rappelant les sites où vérifier / analyser les informations » • « Durcir les conditions d’accès et de maintien au statut de journaliste »
- « Renforcer les moyens étatiques pour lutter contre les influences et main mises de pays étrangers sur les médias (cf. influence Russie / périodes de vote) ».
Les manipulations étrangères
En matière de lutte contre les manipulations de l’information par les puissances étrangères, près des deux tiers (65%) des participants plébiscitent la lutte contre les campagnes de désinformation. En seconde position apparaît la mise en place d’un système d’alerte rapide au niveau européen (57%). Le renforcement de la coopération entre États en matière de renseignement obtient un solide appui de 48%. Enfin, le durcissement des réponses réglementaires et diplomatiques, ainsi que le renforcement de la protection des journalistes au niveau européen, affichent des taux respectifs de 40%.
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Durcissement via la censure de ce qui provient de pays non démocratiques en termes de liberté de la presse »
- « Neutraliser les lobbies qui contrôlent la publicité »
- « Interdire toute subvention ou propriété étrangère. »
- « Exiger davantage de transparence de la part des plateformes en ligne concernant les publicités politiques et les comptes opérés à l’étranger. »
- « Parler plus explicitement et plus régulièrement des campagnes de désinformation dont nous avons les preuves qu’elles proviennent de puissances étrangères ».
L’éducation à l’information
La nécessité de former les citoyens, notamment les élèves, à « l’attention » et aux biais cognitifs reçoit un soutien massif de 4/5ème des répondants, figure la. La formation des enseignantes et enseignants à l’éducation à l’information est également fortement valorisée (71%). Arrivent ensuite la mise en place de partenariats entre journalistes, médias et écoles (54%) et la possibilité pour les individus de réguler eux-mêmes les algorithmes et bulles de filtres (35%).
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Former à l’esprit critique »
- « Favoriser l’émergence et la pérennité des médias scolaires »
- « Donner plus de place aux professeurs documentalistes qui sont les spécialistes de l’EMI dans les établissements scolaires »
- « Créer un référent EMI dans chaque établissement »
- « Renforcer l’histoire et l’instruction civique à l’école, bases de la construction du sens critique »
- « Intégrer une formation d’une heure par semaine à l’information et aux médias à partir du collège (avec exemples et exercices à partir de différents médias (photo, vidéo, écrit, réseaux sociaux …) »
- « Abonner des classes entières à des journaux avec visites des sièges de journaux et organisation de jeux-concours avec participation des journalistes aux côtés des enseignants »
- « Prévoir des réunions pour les parents d’élèves sur les médias, organiser des événements incluant les parents ».
Les désinformations
Le niveau des participations à la question relative à la lutte contre les « fake news » et la désinformation reflète une importance quasiment équivalente de l’ensemble des solutions proposées. Légèrement en tête (53%) figure l’impératif d’apprendre à tous à repérer les fausses nouvelles. Les solutions visant à renforcer les sanctions pour les plateformes diffusant de fausses informations (50%) et à sanctionner plus sévèrement les producteurs de fausses informations (49%) révèlent une attention forte au pouvoir de la sanction. D’autres idées sont mentionnées autour de la transparence des sources, telles que la généralisation de la vérification des faits (49%) ou encore la garantie de la transparence des sources (27%).
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Renforcer les sanctions pour les plateformes diffusant des fausses informations »
- « Mettre en place un signal “vérifiez l’info !” rendu obligatoire sur tous les sites, réseaux sociaux et plateformes d’information »
- « Une des clés importantes est de former à l’esprit critique. Mieux acculturer le public aux enjeux de l’information et aux conditions de la production de l’information sert à développer l’esprit critique des citoyenn-e‑s. »
- « vérification des faits via l’IA »
- « Rendre l’info-documentation et l’EMI obligatoires pendant la scolarité, dans l’emploi du temps des élèves et dispensés par les professeurs documentalistes »
- « Développer des médias publics de qualité (avec des moyens) dont on garantit l’indépendance et qui communiquent sur la “fabrique de l’information”. Renforcer et valoriser l’éthique journalistique (sexisme, parité, pluralisme, indépendance des rédactions). »
- « Les réseaux sociaux possédés par des sociétés étrangères ne devraient pas dépendre d’une juridiction étrangère. Ils devraient avoir l’obligation de créer une filiale dans le pays avec un Conseil d’Administration en partie formé de membres nationaux. ».
S’achève ici la recension abrupte des contenus des réponses apportées par les participants à ma consultation publique aux 13 questions fermées proposées par les organisateurs des EGI.
Les 2 articles suivants complètent cette recension en se focalisant sur les questions ouvertes.
Patrice Cardot