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Cour constitutionnelle polonaise contre CJUE : la Pensée unique européiste se fissure (revue de presse)

25 octobre 2021

Temps de lecture : 8 minutes
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Cour constitutionnelle polonaise contre CJUE : la Pensée unique européiste se fissure (revue de presse)

Temps de lecture : 8 minutes

Même si la Pologne fait régulièrement parler d’elle depuis que les électeurs polonais se sont choisis une majorité conservatrice pour gouverner le pays (en 2015 et à nouveau en 2019), rarement un tel intérêt lui aura été porté que depuis la décision de son Tribunal constitutionnel, adoptée le 7 octobre, remettant en cause la primauté du droit européen.

Les titres de la presse françaises ont été éloquents à ce sujet : « Pologne : la plus haute juridiction juge certains articles des traités européens incompatibles avec la Constitution » (Le Figaro, le 07/10), « L’Europe face au défi que lui adresse la Pologne » (Le Figaro, le 08/10), « Comprendre le bras de fer engagé par la Pologne avec l’Union européenne » (Le Figaro, le 08/10), « La remise en cause inédite de la primauté du droit européen par la Pologne ébranle l’Union » (Le Monde, le 08/10), « La Pologne conteste la primauté du droit de l’UE : ‘un débat sur les valeurs’ et un ‘tournant pour l’Europe’ » (Le Monde, le 08/10), « Tensions – Pologne : après le ‘Brexit’, le ‘Polexit’ ? » (Libération, le 07/10), « La Pologne provoque une crise juridique majeure en Europe » (Les Échos, le 08/10), « UE : la Pologne déclare un ‘Polexit’ judiciaire » (Le Point, le 08/10), « Pologne : Julia Przylebska, le bras armé des ultraconservateurs du PiS contre l’Europe » (L’Express, le 15/10 – Julia Przyłębska est l’actuelle présidente du Tribunal constitutionnel polonais), etc., etc…

De quoi s’agit-il en fait ?

Presque toute la grande presse française explique sous ces titres et bien d’autres encore, qui sont sou­vent dans le même style, que « La plus haute juri­dic­tion polon­aise a décidé jeu­di que cer­tains arti­cles de traités européens étaient ‘incom­pat­i­bles’ avec la Con­sti­tu­tion du pays » (dix­it Libéra­tion), que « le Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel polon­ais a mis hors la loi la Cour de jus­tice de l’UE » (dix­it Le Point), que « La plus haute juri­dic­tion polon­aise a décidé jeu­di 7 octo­bre que cer­tains arti­cles des traités de l’UE étaient ‘incom­pat­i­bles’ avec la Con­sti­tu­tion de la Pologne, dans une déci­sion his­torique qui pour­rait men­ac­er le finance­ment européen prévu pour ce pays et même remet­tre en ques­tion sa présence dans l’UE » (dix­it Le Figaro), et que « jamais un État mem­bre n’avait à ce point défié les fonde­ments de l’Union. » (re-dix­it Le Figaro). On remar­quera au pas­sage deux for­mu­la­tions qua­si-iden­tiques dans Libéra­tion et Le Figaro : cela nous vient bien sûr d’une même dépêche de l’AFP.

S’il reprend la thèse d’une cour con­sti­tu­tion­nelle polon­aise aux ordres du pou­voir poli­tique pour en dis­créditer les déci­sions, un arti­cle du Monde co-rédigé par son cor­re­spon­dant à Varso­vie est plus nuancé et plus proche de la vérité dans sa descrip­tion en chapô : « Le Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel, proche du gou­verne­ment nation­al-con­ser­va­teur, à Varso­vie, a estimé que « les organes de l’UE fonc­tion­nent en dehors des com­pé­tences qui leur sont con­fiées dans les traités ».

L’UE sort des compétences des traités

Car il est vrai que si on lit bien la déci­sion pub­liée par le Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel polon­ais qui est en ligne depuis le 7 octo­bre (en langue polon­aise, bien sûr), on con­state que ce que cette cour con­sti­tu­tion­nelle nationale remet en cause – et elle n’est pas la pre­mière –, c’est la pri­mauté des arrêts de la CJUE sur la con­sti­tu­tion polon­aise quand ces arrêts sor­tent du champ des com­pé­tences con­férées à l’Union européenne en ver­tu des traités. C’est ce qu’a très bien expliqué Char­lotte d’Ornelas sur CNews.

Con­crète­ment, comme on a pu le lire dans dans le quo­ti­di­en Présent, dans un arti­cle inti­t­ulé « Le Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel polon­ais con­tre les usurpa­tions de pou­voir par la CJUE », « la CJUE a voulu, dans un arrêt adop­té au début de l’année, don­ner aux juges polon­ais le droit de ne pas recon­naître les nom­i­na­tions de juges faites sur recom­man­da­tion du Con­seil nation­al de la mag­i­s­tra­ture (KRS) après la réforme de ce dernier en ver­tu d’une loi de 2017. Si la Pologne devait appli­quer ce juge­ment, ce serait l’anarchie juridique, car toutes les déci­sions pris­es par les juges nom­més après 2017 pour­raient alors être remis­es en cause en fonc­tion des vues poli­tiques de tel ou tel juge nom­mé avant 2018. »

Comme expliqué dans un autre arti­cle du cor­re­spon­dant varso­vien de Présent pour le Viseg­rád Post, qui est vis­i­ble­ment allé se ren­seign­er directe­ment dans le texte de la déci­sion du Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel polon­ais qu’il cite plutôt que de se con­tenter des dépêch­es de l’AFP, ce qui a été con­sid­éré comme con­traire à la Con­sti­tu­tion polon­aise, c’est que  « ’les organes de l’Union européenne agis­sent au-delà des lim­ites des com­pé­tences déléguées par la République de Pologne dans les traités’, que les arrêts de la CJUE par­tent du principe que ‘la Con­sti­tu­tion n’est pas la loi suprême de la République de Pologne’ et que, de ce fait, si ces arrêts sont appliqués, ‘la République de Pologne ne peut pas fonc­tion­ner comme un État sou­verain et démocratique’.

Solidarnosc en renfort

Un autre média qui a expliqué de quoi il retour­nait vrai­ment, c’est Tysol.fr, le site français de l’hebdomadaire du légendaire syn­di­cat polon­ais Sol­i­dar­ité, tan­dis que Valeurs Actuelles ouvrait ses colonnes à l’historien belge David Engels, qui passe le plus clair de son temps en Pologne (il est enseignant-chercheur à Poz­nań), et qui a lui aus­si démon­té la thèse de la Pologne qui remet­trait en cause les traités qu’elle avait signés. L’éditorial d’Engels est inti­t­ulé : « Le com­bat de l’Europe con­tre l’Union européenne ».

On ne peut donc pas dire que les jour­nal­istes français n’avaient accès qu’aux seules infor­ma­tions fournies par une agence de presse française con­nue pour sa ten­dance à faire par­fois pass­er la pro­pa­gande (libérale lib­er­taire, pro­gres­siste, européiste et en fait anti-européenne) avant l’information.

Le juge­ment du Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel polon­ais ne remet pas en cause les arti­cles des traités mais leur inter­pré­ta­tion abu­sive par la CJUE, en vio­la­tion des con­sti­tu­tions nationales.  C’est aus­si ce qu’a ten­té d’expliquer le pre­mier min­istre polon­ais Mateusz Moraw­iec­ki le 19 octo­bre devant le Par­lement européen et devant une Ursu­la von der Leyen qui, à en croire son inter­ven­tion, n’avait rien com­pris ou feignait en tout cas de ne rien com­pren­dre, ce qui rap­pelle beau­coup son atti­tude face au bobard médi­a­tique des fameuses « zones sans LGBT » en Pologne.

Nombreuses réactions hostiles à l’activisme de la CJUE en France

Cepen­dant, en France, la déci­sion des juges con­sti­tu­tion­nels polon­ais ne sem­ble pas déplaire à tous, comme le déplo­rait Le Monde dès le 8 octo­bre dans un arti­cle inti­t­ulé « Réac­tions en cas­cade après la déci­sion de la Pologne de con­tester la pri­mauté du droit européen », où il était fait état du sou­tien à la déci­sion polon­aise apportée, sous dif­férentes formes, par tous les can­di­dats de droite, des can­di­dats à la can­di­da­ture LR au sans doute futur can­di­dat Éric Zem­mour en pas­sant par Marine Le Pen, et aus­si chez un can­di­dat de gauche en la per­son­ne d’Arnaud Montebourg.

Libéra­tion a d’ailleurs fait la place à une tri­bune d’Arnaud Mon­te­bourg qui estime, ain­si qu’on peut le lire dans le chapô, qu’« il est faux d’affirmer que le droit européen prime sur la Con­sti­tu­tion des États mem­bres (…), la Cour de jus­tice de l’UE comme la Com­mis­sion n’ont fait qu’agir par ‘des coups de force juridiques’ depuis des années. »

« Pologne : la pri­mauté du droit européen con­testée par Valérie Pécresse », titrait l’hebdomadaire Le Point le 13 octo­bre en se bas­ant sur une dépêche de l’AFP : « ‘L’Europe exerce son mag­istère dans le cadre des traités qui sont au-dessus de nos lois mais ne peu­vent pas être au-dessus de nos iden­tités con­sti­tu­tion­nelles, ni celle de la Pologne ni celle de la France’, a estimé Valérie Pécresse. »

L’ancien con­seiller de François Hol­lande Aquili­no Morelle, auteur de « L’Opium des élites – Com­ment on a défait la France sans défaire l’Europe », était inter­rogé par Mar­i­anne dans un entre­tien pub­lié le 16 octo­bre sous le titre « Aquili­no Morelle :La Com­mis­sion défend son dogme con­tre la Pologne comme celui d’une reli­gion’ ». Il y explique com­ment, ain­si que ses pro­pos sont résumés par Mar­i­anne, « le con­flit entre le tri­bunal con­sti­tu­tion­nel polon­ais et la Com­mis­sion européenne (…) ne pose pas une sim­ple ques­tion de droit, mais révèle le ‘véritable coup de force juridique’ que la Cour de Jus­tice de l’Union européenne a établi con­tre les nations au nom d’une croy­ance de nature religieuse dans la con­struc­tion européenne. »

Du côté de chez Causeur, dans  un arti­cle inti­t­ulé « Quand Macron brade la sou­veraineté du peu­ple français », on remar­quait d’ailleurs le 11 octo­bre que « Si les insti­tu­tions européennes, soutenues par le gou­verne­ment de M. Macron, impo­saient leur vision du droit, cela sig­ni­fierait que la moin­dre direc­tive européenne primerait sur la Con­sti­tu­tion ! Cela sig­ni­fierait aus­si que les États européens auraient renon­cé à leur sou­veraineté. » Or « au lieu de soutenir la Pologne dans son bras de fer avec l’Union européenne, la France sac­ri­fie la sou­veraineté du peu­ple français »

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