Depuis septembre 2019, France Culture diffuse une émission, intégrée dans la catégorie « savoirs », intitulée « Mécaniques du complotisme ». Son objet : traquer et dénoncer les théories du complot. En avril 2020, elle s’intéressait aux conceptions « complotistes » autour du covid-19. Or, voilà qu’en novembre 2020, ce que l’émission voulait dénoncer refait surface dans la presse, non plus comme un potentiel complot mais comme une potentielle réalité. A traquer le complot, France Culture serait-elle allée trop vite, au point de voir des complotistes partout ?
Le caractère orienté de l’émission « Mécaniques du complot » de France Culture est indiscutable. La radio libérale-libertaire et bien-pensante traque des théories forcément de droite, d’extrême-droite, issues des rangs des populistes ou des « sans-dents », dont le QI ne permet justement pas de comprendre l’intelligence de ce qui est diffusé sur les ondes de France Culture. Les trumpistes à la française, en somme, telle est la menace que veut dénoncer « Mécaniques du complot ».
Une obsession qui a pour conséquence de générer une véritable paranoïa dans des milieux où France Culture est particulièrement écoutée, ainsi dans l’Education Nationale. Une obsession qui peut conduire à vouloir aller trop vite et à tomber à plat, voir à asséner des contre-vérités (fake news dans le jargon des médias officiels) qui s’inscrivent profondément et durablement dans le schéma de pensée de ses auditeurs. Il en est allé ainsi d’un podcast consacré au coronavirus.
Retour sur l’émission « Mécanique du complot », sur son podcast consacré au coronavirus et sur ce que dit maintenant la presse de ce qui fut alors, en avril 2020, dénoncé par France Culture.
Présentation de l’émission par elle-même
Présentation de « Mécaniques du complotisme » sur le site de France Culture :
« 11 septembre, sionisme, grand remplacement… Les enquêtes d’opinion le montrent : sur un nombre grandissant de sujets, les Français sont friands de complotisme. Hier cantonnées aux marges, les théories les plus improbables ont gagné en audience et en respectabilité. De l’internaute anonyme au chef d’Etat populiste, des librairies spécialisées aux plateformes de streaming, des cafés du commerce aux plateaux télé, on les retrouve désormais dans toutes les strates de la société. Par quelle mécanique une théorie complotiste née dans l’imagination de quelques-uns parvient-elle à devenir un phénomène culturel majeur ? Pour comprendre cette progression, appréhender leur attrait et, peut-être, atteindre leurs relayeurs crédules, il faut en revenir à leurs origines et identifier leurs concepteurs. »
Les auteurs de la série :
Roman Bornstein, Alain Lewkowicz, Victor Macé de Lépinay, David Servenay et Romain Weber. Réalisation Thomas Dutter, Guillaume Baldy et Alexandre Manzanarès. Coordination : Baptiste Muckensturm.
Des complots ? Oui, mais… d’une seule sorte
Pour France Culture, les théories du complot ont un fonctionnement unique : elles visent automatiquement les conceptions libérales libertaires, de gauche et mondialistes. Il n’existerait aucune théorie du complot contre les conceptions du monde de droite, conservatrices ou autres que de gauche. Les thèmes abordés depuis 2019 le montrent :
- Les protocoles des sages de sion
- La théorie du complot sur le 11 septembre 2001
- Le génocide Rwandais
- Le covid-19
- Bilderberg
- Le négationnisme
- La révolution française
- Le grand remplacement
- Le faux complot des jésuites
Ainsi, aucun complot, aucune théorie du complot, rien à se mettre sous la dent culturelle et intellectuelle ne saurait porter sur des sujets autres que ceux considérés comme des obsessions d’une « extrême droite » que France Culture ne s’est par ailleurs jamais préoccupée de définir selon des critères propres à la science politique (sauf en invitant des intervenants marqués à gauche).
France Culture se précipite sur le covid-19 durant le premier confinement
Le 28 avril 2020, France Culture diffusait donc un ensemble de trois podcasts visant à dénoncer et démonter toutes les théories circulant alors ici et là, sur internet essentiellement, remettant en cause ou plus simplement interrogeant la version officielle de l’origine animale du virus.
Le titre ? « covid 19, une épidémie de fausses informations ». Trois thèmes :
- Complot et fake news made in China
- Le complot des blouses blanches
- A la recherche de boucs émissaires
À l’issue de l’écoute des trois podcasts, des « certitudes » :
- la Chine aurait accusé les États-Unis d’avoir délibérément apporté le virus sur son territoire afin de masquer sa responsabilité ;
- les Français pensent (en avril 2020), selon l’IFOP, que le virus a été « fabriqué intentionnellement (17 %) ou accidentellement (9%) ». Près d’un français sur cinq penserait donc à cette date que le virus est issu d’un laboratoire de recherche. Le second podcast a pour fonction de démonter cette thèse considérée comme un complot.
- A propos du covid-19 : « son caractère naturel ne semble pas satisfaire tout le monde. Il faut un coupable, un bouc émissaire, alors on en a inventé ».
Le bât blesse dans ces certitudes, en particulier la dernière, au vu de ce qu’écrivent les médias français début novembre 2020.
Le covid-19 et son origine ? On recommence à en parler
Entre le 8 et le 11 novembre 2020 :
BFMTV, avec la photographie d’un laboratoire de Wuhan : « L’émergence du SARS-CoV‑2 chez l’homme est encore inconnue, et parmi les hypothèses étudiées par les scientifiques, la possibilité d’une contamination dans un laboratoire de Wuhan est étudiée. » Plus précisément : « Le travail publié depuis une quinzaine d’années par [l’Institut de virologie de Wuhan] et notamment le laboratoire de Shi Zhengli (virologue chinoise spécialisée sur les virus de la chauve-souris, ndlr) a consisté à échantillonner des virus dans la faune sauvage dans le but d’essayer de comprendre les mécanismes de franchissement de la barrière des espèces pour essayer de s’en prémunir », explique à France Info Etienne Decroly, virologue au CNRS. Il s’interroge sur la « possibilité d’échappement d’un laboratoire d’un échantillon qui aurait été collecté dans la faune sauvage ».
« Aujourd’hui on n’a pas vraiment de piste, ce qui fait que les chercheurs, en toute objectivité, ont remis sur la table la question : est-ce qu’il n’y aurait pas eu un accident, une contamination, puisque l’on sait que ce laboratoire P4 à Wuhan est spécialisé dans les coronavirus. Est-ce que quelqu’un n’aurait pas pu se contaminer? », interroge également Alain Ducardonnet. « C’est possible. Ce ne serait pas la première fois », explique à France Info le biologiste Serge Morand. »
Par contre, la chaîne insiste bien sur une « vérité » : le virus n’a pas été créé en laboratoire. De même, le pangolin, longtemps star des médias, est tombé dans les oubliettes de l’information.
« On ne sait toujours pas comment le Covid-19 a émergé dans le monde. « Au départ, on nous a raconté que c’était une chauve-souris, que c’était passé par un animal intermédiaire, en l’occurrence le pangolin », explique le journaliste Julien Pain. Le pangolin était en réalité innocent. Tout aurait également commencé sur un marché de Wuhan, en Chine, « sauf que maintenant, on sait que c’est faux ». Alors, quelles sont les hypothèses ? Un autre intermédiaire est toujours envisageable, même si on ignore encore lequel. Il pourrait également s’agir d’un virus dormant, qui a muté et est devenu dangereux pour l’homme. Enfin, le virus est peut-être sorti d’un laboratoire, où un laborantin se serait infecté avant de contaminer la population de Wuhan. » Franceinfo
Le « on nous a raconté » est particulièrement savoureux : qui a raconté, sinon les médias tels que Franceinfo ?
Au sujet du marché ? « On se rappelle, on nous a montré les images de ce marché de Wuhan, sauf que maintenant on sait que c’est faux ».
Mais qui a montré les images ? Franceinfo, entre autres.
Franceinfo s’interroge mais n’interroge pas ses propres pratiques. Et ce questionnement de novembre a lieu dans l’émission « Vrai ou Fake ? ». Voilà donc que Franceinfo démonte ses propres fake news sans jamais préciser en être, entre autres, l’auteur.
Fait important : le questionnement est de retour suite à la parution d’une étude du CNRS menée par Etienne Decroly.
Il en va de même dans nombre de médias en ce début de mois de novembre (Techno-Science, Top Santé, La Nouvelle Tribune, Libération, L’express, Futura, Le Parisien…), la même question est posée mais personne ne revient sur la diffusion des fausses informations depuis des mois. Par eux-mêmes. Ni sur les accusations portées quotidiennement ou presque contre tous ceux qui émettaient des doutes au sujet des thèses officielles (pangolin, marché de Wuhan…). Par eux-mêmes. Aucune remise en question ni auto-critique. Aucune compréhension par ces médias que les principaux diffuseurs de fake news, ce sont eux.
Dans cette affaire, soucieuse de délation de qui réfléchit différemment, France Culture risque fort d’avoir dégainé trop vite. Qui sait ? Peut-être que dans quelques mois France Culture devra faire un podcast de « Mécaniques du complot » sur la façon dont la radio aurait (peut-être, qui sait ?) défendu une thèse complotiste (?) : la thèse d’un virus qui ne serait pas sorti d’un laboratoire alors que ce serait le cas.
Voir notre portrait de Rudy Reischstadt, le complotiste anti-complots.
Voir également le portrait de Tristan Mendès-France, proche du même registre.