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CQFD, le mensuel de l’extrême-gauche, crie famine

30 novembre 2017

Temps de lecture : 6 minutes
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CQFD, le mensuel de l’extrême-gauche, crie famine

Temps de lecture : 6 minutes

Le gauchisme ne trouve pas preneur, même auprès de ses abonnés. Après des manifestations riquiqui, que même la casse systématique ne permet plus de rendre attrayantes pour la jeunesse, le mouvement contre la Loi Travail et la « sélection » (toute relative) à la fac s’éteint sans même avoir brillé. Du côté des troupes de l’extrême-gauche, c’est morne plaine. Ainsi, le mensuel CQFD, basé à Marseille, crie famine et jure qu’il déposera le bilan en février 2018 si de prompts secours ne lui sont pas accordés.

Créé à Mar­seille en 2003 par des chômeurs et flan­qué des Édi­tions le chien rouge depuis 2006, CQFD a lancé un long appel au sec­ours dans le numéro 159 de novem­bre 2017, relayé par la sphère anar­cho-gauchiste, le site de cri­tiques de média proche de la France Insoumise Acrimed et – dans un entre­filet (on veut bien être généreux mais à let­tres comp­tées) – par le jour­nal sub­ven­tion­né Libéra­tion, qui fait pour­tant par­tie des « canich­es serviles de la presse main­stream » bro­cardés par le jour­nal mar­seil­lais dans son appel au sec­ours (ceci explique peut-être cela).

Il se trou­ve en effet que « CQFD ne va pas bien. Du tout. Son pour­tant très chiche mod­èle économique péri­clite dans les grandes largeurs. Pour plusieurs raisons. Il y a d’abord cet oukase jupitérien sur les emplois aidés qui nous affecte directe­ment ».

Ant­i­cap­i­tal­iste, CQFD n’al­lait pas faire l’af­front à l’a­n­ar­cho-gauchisme d’être rentable, même pour assur­er sa pro­pre survie. Résul­tat, il dépendait de l’E­tat – pour­tant hon­ni surtout depuis que le ban­quier jupitérien Macron est à sa tête – pour « deux emplois en CUI-CAE (une maque­t­tiste et un secré­taire de rédac­tion) […] pour 826 € par mois », comme com­plé­ment de salaire à des chômeurs. Par ailleurs, « pas de sub ni de pub, pas de patron ni d’affiliation à un quel­conque groupe poli­tique », donc pas vrai­ment de clien­tèle ni de sources de revenu. Et encore, « sans sub » (pour sub­ven­tions), ça oublie les emplois aidés. Qui sont bel et bien une sub­ven­tion ! Et « pas de pub » ne veut pas dire sans pro­duits dérivés à 16€. Mer­chan­dis­ing quand tu nous tiens !

Résul­tat, « actuelle­ment, la vente du jour­nal, qu’il s’agisse d’un achat en kiosque, de la main à la main ou d’un abon­nement, cou­vre le prix de l’impression et de la dif­fu­sion. Tout ce que vous ajoutez en sou­tien sert à financer un poste admin­is­tratif à mi-temps et le loy­er de notre local à Mar­seille. Sans le sou­tien, nous ne seri­ons rien. Et à la rue ».

Affil­ié à l’ex­trême-gauche poli­tique, il n’est pour­tant pas soutenu suff­isam­ment par celle-ci, s’é­tonne CQFD qui rap­pelle sa voca­tion : « c’est surtout le suivi de luttes (zap­atistes, kur­des, notre-dame-des­lan­distes, ouvrières, etc.) ». Et pleure des larmes d’en­cre : « au train où vont les choses, le Chien rouge ne passera pas l’hiver. En jan­vi­er ou févri­er 2018, il fau­dra fer­mer le local de la rue Con­so­lat, met­tre fin à l’aventure ». Et laiss­er donc les « les clébards fins de race de Valeurs actuelles » tenir le haut du pavé. Horreur !

Pour sa survie, CQFD recherche 1000 abon­nés sup­plé­men­taires – soit à 36 € l’abon­nement près de 36000 € (bigre!). En met­tant bout à bout tous les grou­pus­cules gauchistes, CNT, AL, CGA, mil­i­tants anars-autonomes, inter­sec­tion­nels et autres anar­cho-fémin­istes, ça doit pou­voir se trou­ver. A moins que ces derniers n’en­ga­gent des purges dans leurs rangs alors que les affaires de vio­ls et d’a­gres­sions sex­uelles ou physiques au sein de l’ex­trême-gauche devi­en­nent de plus en plus dif­fi­ciles à cacher. En tout cas, pour la CGT, c’est raté. CQFD est allé squat­ter la man­i­fes­ta­tion pour la recon­quête de l’in­dus­trie organ­isée au print­emps 2017 par la cen­trale syn­di­cale. En pure perte.

Déjà en 2008 puis en 2016…

Ce n’est pas la pre­mière fois que CQFD est dans la panade. La rubrique « ça brûle » du jour­nal est un long cortège de lita­nies, le Mur des Lamen­ta­tions démé­nagé à Mar­seille. En 2008 déjà il lançait un appel au sec­ours vibrant – relayé là encore par les anar­cho-gauchistes et l’Acrimed – pour trou­ver 2000 abon­nés sup­plé­men­taires. Avec que des bénév­oles, l’ar­gent manque : « dans ce foutu canard, nous n’avons pas un seul vrai salarié, la cheville ouvrière empoche à peine quelques cac­ahuètes occa­sion­nelles, nous nous usons sur des écrans aus­si effi­caces qu’une séance d’UV pour te griller les mirettes, nous peignons des cages d’escalier pour épargn­er nos finances, les dessi­na­teurs gri­bouil­lent pour la gloire, les rédac­teurs col­lec­tion­nent les queues de cerise »… et le cap­i­tal­isme est tou­jours là, de plus en plus tri­om­phant, tan­dis que les troupes de l’ex­trême-gauche s’a­menuisent et ne rem­plis­sent guère plus que les maisons de retraite voire les cimetières des illu­sions perdues.

A l’époque, « Vous êtes cinq mille à acheter CQFD, dont deux mille abon­nés. Nous savons per­tinem­ment que vous ne rechignez pas à gon­fler vos chèques de quelques euros de sou­tien ». Cepen­dant, « il est impératif que vous soyez deux fois plus nom­breux à acheter ce canard. Nous devons engranger de toute urgence deux mille abon­nés sup­plé­men­taires », en deux mois. Soit, à 22€ l’abon­nement (et 17€ pour le petit bud­get), 44 000 € sup­plé­men­taires à trou­ver. Moyen­nant quelques soirées de sou­tien dans les locaux et clubs anar­chistes, ils l’ont été.

Mais cela n’a pas suf­fi. Les abon­nements sont ain­si passés au fil des ans de 22 à 28 € (et de 17 à 22 € pour le petit bud­get), le jour­nal restant gra­tu­it pour les détenus et les déten­teurs d’une fiche S – sur présen­ta­tion de ladite fiche. En sep­tem­bre 2016, le cap­i­tal­isme con­tin­ue à ser­rer la gorge du chien rouge, nou­velle hausse dras­tique, de 28 à 36 € pour l’abon­nement nor­mal et de 22 à 29 € pour le petit bud­get. Et 4 euros le jour­nal au numéro con­tre 2,80 à la ren­trée 2014.

Bière tiède…

En effet, « nos aimables 28 euros ne per­me­t­taient plus de financer un jour­nal s’alourdissant de 8 pages et de 80 000 signes », se jus­ti­fie CQFD qui prend un tour­nant de plus en plus cap­i­tal­iste. Et comme chez les « canich­es serviles de la presse main­stream », le renchérisse­ment, jus­ti­fié par des dif­fi­cultés finan­cières, laisse des abon­nés sur le bord du chemin et jus­ti­fie de nou­velles dif­fi­cultés, donc de nou­velles augmentations.

Fin 2016, ça n’a pas loupé : une « légère » baisse des ventes (de 9,5% tout de même) et une aug­men­ta­tion du « chiffres d’af­faires » (oui, c’est bien un jour­nal ant­i­cap­i­tal­iste) de 8,4%. D’au­tant que la masse salar­i­ale reste pléthorique. En mars 2017, il s’ag­it de « trois salariés et qua­tre bénévoles renforcés aléatoirement par cinq extras payés en litres de bière tiède ».

Et la mutu­al­i­sa­tion de la dif­fu­sion avec les revues Jef Klak et Z au sein du pro­jet Palimpses­te – comme le font les grands groupes de presse qui regroupent la dif­fu­sion de leurs titres pour faire des économies d’échelle et de moyens – n’a pas changé la donne. Ni le site inter­net – 1000 vis­ites jour­nal­ières de moyenne, ce n’est guère beau­coup. Bref, à trop vouloir s’ériger en « erreur dans le mod­èle compt­able » du cap­i­tal­isme, CQFD con­naît le des­tin clas­sique d’une entre­prise cap­i­tal­iste mal gérée et dont le marché s’est effon­dré. Coulée par la ges­tion… et les litres de bière tiède.

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