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Crise des migrants : l’Union Européenne récompense les « bonnes pratiques journalistiques »

15 juillet 2017

Temps de lecture : 5 minutes
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Crise des migrants : l’Union Européenne récompense les « bonnes pratiques journalistiques »

Temps de lecture : 5 minutes

[Red­if­fu­sions esti­vales 2017 – arti­cle pub­lié ini­tiale­ment le 17/03/2017]

Il y a quelques semaines, l’Ojim vous révélait l’initiative du Conseil Économique et Social Européen visant à définir les « bonnes pratiques » dans la couverture médiatique de la crise des migrants. L’heure des travaux pratiques a commencé. C’est maintenant l’Union Européenne qui récompense les journalistes qui adoptent une présentation de la crise migratoire conforme à sa vision favorable à l’immigration.

L’UE a en effet lancé en début d’année un Prix des médias pour pro­mou­voir « un jour­nal­isme sur la migra­tion basé sur des preuves ». Par­tant du con­stat que « le dis­cours actuel qui entoure la migra­tion a pris une tour­nure dra­ma­tique­ment néga­tive durant la dernière décen­nie en Europe et ailleurs » et que « la cou­ver­ture des médias des phénomènes migra­toires joue un rôle impor­tant dans la for­ma­tion de l’opinion publique », les organ­isa­teurs de ce prix ont comme objec­tif de « ren­forcer le rôle posi­tif que les médias peu­vent jouer quand il s’agit d’influencer le réc­it actuel des migra­tions ». Cette com­péti­tion per­me­t­tra de réu­nir 72 réc­its qui pour­ront être util­isés et dif­fusés grâce à des droits d’auteurs partagés. La remise des prix aura lieu le 22 juin 2017 « sous les aus­pices de la Prési­dence mal­taise de l’Union Européenne ».

Quand Bill Gates finance les médias favorables aux migrants

Hasard du cal­en­dri­er, lEuro­pean Jour­nal­ist Cen­tre est quant à lui à l’origine d’un pro­jet, financé notam­ment par la fon­da­tion Bill Gates, qui vise à assur­er la cou­ver­ture pen­dant dix-huit mois de l’arrivée et de l’intégration de familles de migrants. Qua­tre grands jour­naux européens vont par­ticiper à l’opération, Le Monde, le quo­ti­di­en anglais Guardian, le quo­ti­di­en espag­nol El Pais et l’hebdomadaire alle­mand Der Spiegel.

Selon Le Monde, « le pro­jet s’inscrit dans l’approfondissement de notre cou­ver­ture des ques­tions migra­toires ». Le Directeur de l’European Jour­nal­ism Cen­tre indique sur le site de l’EJC qu’« avec 10 élec­tions nationales en 2017 sur le con­ti­nent, des pro­jets de cette enver­gure sont vitaux ». On n’en con­naitra pas plus sur les « enjeux vitaux » de ces élec­tions, mais l’angle des arti­cles pub­liés dans le cadre de cette ini­tia­tive, des réc­its de vie, vise à dévelop­per l’empathie vis-à-vis des migrants, indépen­dam­ment de toute autre considération.

Et l’UE prône d’ouvrir les vannes en grand

Le com­mis­saire européen aux Migra­tions et aux Affaires intérieures l’affirmait récem­ment à la Tri­bune de Genève, «  L’Europe va avoir besoin de 6 mil­lions d’immigrés ». «Nous allons ouvrir des bureaux (pour les per­mis de séjours) dans tous les pays de la rive sud de la Méditer­ranée et en Afrique de l’Ouest ».

L’Union Européenne utilise donc la carotte pour influ­encer une opin­ion publique de plus en plus réti­cente à accueil­lir une immi­gra­tion mas­sive dans une Europe qui compte 21,4 mil­lions de chômeurs et 29 mil­lions de tra­vailleurs pau­vres. Mais elle pour­rait aus­si manier le bâton, comme le relate France Soir le 2 mars : « la Com­mis­sion européenne a dur­ci le ton jeu­di face aux États mem­bres de l’UE, en menaçant de sanc­tions ceux qui refusent d’ac­cueil­lir des réfugiés ».

Politique de la compassion

Les réc­its de vie des migrants sont de plus en plus nom­breux dans les médias et l’espace pub­lic : out­re l’initiative des 4 grands jour­naux européens, le Télé­gramme relate le 5 mars que des bénév­oles se sont suc­cédés à Rennes pour un marathon de lec­ture de 24 heures pen­dant lequel ont été lus 400 témoignages de migrants, « con­tenus dans une ency­clopédie des migrants, recueil­lis de Brest à Gibral­tar ». Le 8 mars, Arte dres­sait dans un doc­u­men­taire le por­trait de trois femmes qui ont choisi la France.

Ces réc­its peu­vent par­ticiper de l’information sur les migra­tions actuelles vers les pays européens. Mais des mono­gra­phies, aus­si touchantes soient elles, ne peu­vent résumer à elles seules les dif­férentes dimen­sions de l’accueil des migrants. Ce type d’enquête fréquem­ment util­isé en soci­olo­gie soulève, selon le soci­o­logue J.C. Passeron, cité dans un arti­cle con­sacré aux recherch­es qual­i­ta­tives deux problèmes :

- « Le réc­it de vie se veut exhaus­tif et par-dessus tout sig­nifi­ant, ce qui donne l’impression de tout com­pren­dre au risque de faire dis­paraître toute approche théorique per­me­t­tant de décrire le prob­lème étudié.

- Le risque est grand de céder à l’illusion de ce que le soci­o­logue appelle la “pan­per­ti­nence” : tout est per­ti­nent et fait sens, le monde ne peut être décrit ».

Il est vrai que la pres­sion migra­toire a tout intérêt à être min­imisée, enjo­livée ou car­ré­ment passée sous silence. Les pas­sages en force de clan­des­tins à Ceu­ta relatés par Ouest-France, les mil­lions de can­di­dats qui atten­dent dans les pays africains l’occasion de pass­er la méditer­ranée cités par Il Tem­po, le nom­bre tou­jours crois­sant de deman­deurs d’asile arrivés en France, 100 000 en 2016 selon Le Figaro, et dont les déboutés ne sont qua­si­ment jamais recon­duits dans leurs pays : autant d’événements qui pour­raient accréditer l’idée d’une sit­u­a­tion hors de contrôle.

Vouloir influ­encer le juge­ment des citoyens en récom­pen­sant des jour­nal­istes qui se con­for­ment à la vision hors sol des peu­ples et de l’économie de l’Union Européenne, indépen­dam­ment des impli­ca­tions sociales et cul­turelles de l’accueil mas­sif de migrants : une nou­velle étape dans le for­matage des esprits.

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