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Crowdfunding en Allemagne pour aider Soros à financer les médias libéraux en Pologne

14 juin 2023

Temps de lecture : 10 minutes
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Crowdfunding en Allemagne pour aider Soros à financer les médias libéraux en Pologne

Temps de lecture : 10 minutes

Les Allemands veulent-ils donc gagner les élections en Pologne ? C’est la question que posait en titre l’hebdomadaire conservateur polonais Do Rzeczy dans un article de son correspondant en Allemagne, Jan Bogatko, publié le 14 mai. La Pologne aura en effet des élections législatives à l’automne 2023 et la banque « éthique » GLS Bank a choisi cette année pour lancer un « premier emprunt pour la liberté de la presse en Europe de l’Est ».

Les banques allemandes et le fonds Soros à l’attaque en Pologne

Dans son com­mu­niqué du 29 mars dernier annonçant son emprunt, la banque alle­mande s’inquiète d’une « vague de con­quête des médias » par les gou­verne­ments de cette Europe cen­trale qu’elle appelle « de l’Est », selon l’appellation de l’époque de la Guerre froide, et elle estime que cela met en dan­ger « les faibles struc­tures démoc­ra­tiques de la région ». C’est pour cette rai­son que GLS Bank et GLS Crowd ont lancé une souscrip­tion d’obligations pour le compte de la société néer­landaise Plu­ralis BV, elle-même issue du Media Devel­op­ment Invest­ment Fund (MDIF). Ce dernier est un fonds d’investissement sorosien dont nous avons plus ample­ment par­lé dans ces colonnes l’année dernière.

Le 7 mai, la télévi­sion publique polon­aise TVP pub­li­ait sur son site Web une vidéo tirée de son jour­nal télévisé et accom­pa­g­née d’un arti­cle inti­t­ulé : « Les Alle­mands veu­lent avoir une influ­ence sur le résul­tat des élec­tions en Pologne ? Qui est der­rière l’acquisition de Rzecz­pospoli­ta ? Cezary Gmyz à pro­pos du pedi­gree idéologique de GLS Bank. »

L’achat opportun d’un quotidien polonais début 2022

Cezary Gmyz est le cor­re­spon­dant de TVP en Alle­magne et Rzecz­pospoli­ta est un impor­tant quo­ti­di­en polon­ais. Anci­en­nement con­ser­va­teur, ce titre avait été jugé trop cri­tique de leur poli­tique par les libéraux au pou­voir au début de la décen­nie précé­dente. Il s’agit en effet d’un jour­nal jouis­sant d’un cer­tain pres­tige auprès de l’électorat libéral et il était lu notam­ment par les acteurs du monde économique. C’est pourquoi il avait été repris en main en 2011 par le gou­verne­ment de Don­ald Tusk avec l’aide d’un cer­tain Grze­gorz Haj­darow­icz, un homme d’affaires proche de son par­ti, la Plate­forme civique (PO).

Entre décem­bre 2021 et jan­vi­er 2022, la société Plu­ralis B.V. rachetait juste­ment 40 % des parts dans Rzecz­pospoli­ta à Grze­gorz Haj­darow­icz. TVP souligne aujourd’hui que c’est GLS Bank qui a assuré le finance­ment de la trans­ac­tion. De son côté, le média pub­lic alle­mand Deutsche Welle indique, dans un arti­cle pub­lié le 2 mai, que Plu­ralis et GLS Bank ne recherchent pas les béné­fices économiques mais veu­lent exercer une influ­ence en Pologne. L’article en ques­tion est d’ailleurs inti­t­ulé « Un emprunt ban­caire pour la lib­erté de la presse en Europe de l’Est ». La banque GLS y est décrite comme « la plus grosse banque socio-écologique d’Allemagne », ou encore, dans la ver­sion en anglais du même arti­cle, comme « la plus grosse banque éthique d’Allemagne ». « C’était la pre­mière banque en Alle­magne qui opérait sur la base d’une philoso­phie éthique », apprend-on sur Wikipé­dia, qui nous dit aus­si que « GLS Bank (nom com­plet GLS Gemein­schafts­bank eG) est une banque éthique anthro­posophe alle­mande fondée en 1974 à la suite d’une ini­tia­tive des anthro­posophes Wil­helm Ernst Bakkhoff et Gisela Reuther ».

Expli­ca­tion égale­ment prise sur Wikipédia :

« L’an­thro­poso­phie est un courant pseu­do­sci­en­tifique, ésotérique et philosophique s’ap­puyant sur les pen­sées et écrits de l’oc­cultiste autrichien Rudolf Stein­er, réal­isés après qu’il a quit­té la Société théosophique en 1913. Sa doc­trine syn­cré­tique mélange divers­es notions emprun­tées aux reli­gions indi­ennes et au théosophisme (tels que les con­cepts de kar­ma et de réin­car­na­tion), au chris­tian­isme et plus récem­ment au mou­ve­ment New Age. »

S’agirait-il donc, en plus d’exercer une influ­ence sur les prochaines élec­tions polon­ais­es au prof­it des libéraux et de la gauche, de con­ver­tir, sur le plus long terme, ces indécrot­ta­bles catholiques polon­ais au pro­grès de la société ouverte rêvée par George Soros ?

La stratégie de l’Open Society

En 2016, le site DCLeaks.com avait divul­gué des doc­u­ments internes de l’Open Soci­ety Foun­da­tions du spécu­la­teur phil­an­thrope améri­cain. Par­mi ces doc­u­ments, une stratégie 2016–2019 pour les droits des femmes de l’OSF met­tait en évi­dence la volon­té des fon­da­tions sorosi­ennes de con­duire à la légal­i­sa­tion de l’avortement en Irlande afin de pou­voir, par la suite, con­cen­tr­er les efforts sur la Pologne. C’est le média Catholic News Agency qui avait le pre­mier fait un arti­cle sur cette stratégie présente dans les doc­u­ments divul­gués par DCLeaks.com, sous le titre « Pour George Soros, le com­bat pour l’avortement en Irlande peut être un pre­mier pas con­tre les pays catholiques »,.

Et si les fon­da­tions sorosi­ennes sont der­rière la lev­ée de fonds par la GLS-Bank comme elles étaient der­rière le rachat des parts du quo­ti­di­en polon­ais Rzecz­pospoli­ta, elles ont égale­ment acquis des parts dans d’autres médias en Pologne, avec le rachat en 2016 d’actions du groupe médi­a­tique polon­ais Ago­ra, déten­teur notam­ment du jour­nal Gaze­ta Wybor­cza et de la radio Tok FM, deux médias gau­cho-libéraux très remon­tés con­tre les gou­verne­ments du PiS, puis le rachat par Ago­ra en 2019 du groupe polon­ais Eurozet, déten­teur de plusieurs autres sta­tions de radio.

Une Pologne plus pluraliste que l’Allemagne

Ain­si que le fai­sait remar­quer le cor­re­spon­dant de TVP début mai, la Pologne est net­te­ment plus libérale que l’Allemagne en ce qui con­cerne les acqui­si­tions de médias par des intérêts étrangers. En Alle­magne, « la grande majorité, presque 100 %, sont des médias alle­mands », explique Cezary Gmyz, et toutes les ten­ta­tives d’in­tro­duire des titres étrangers sur le marché alle­mand ont échoué. Gmyz rap­pelle la ten­ta­tive du Finan­cial Times de faire con­cur­rence au jour­nal économique alle­mand Han­dels­blatt sur son marché, qui s’est sol­dée par un échec à cause de l’hostilité des annon­ceurs alle­mands. « Un exem­ple encore plus spec­tac­u­laire est celui du Berlin­er Zeitung, qui a été racheté par le mag­nat de la presse bri­tan­nique David Mont­gomery au cours de la pre­mière décen­nie du XXIe siè­cle et qui a immé­di­ate­ment sus­cité une cam­pagne [con­tre lui]. (…) Au bout de trois ans, il a ven­du tous ses intérêts alle­mands à un édi­teur alle­mand. La sit­u­a­tion est sim­i­laire sur le marché alle­mand des médias élec­tron­iques », rap­pelle Gmyz.

Inverse­ment, les groupes médi­a­tiques alle­mands sont très présents chez leurs voisins ori­en­taux, et en par­ti­c­uli­er en Pologne. Les cap­i­taux alle­mands sont d’ailleurs la prin­ci­pale cible de la volon­té exprimée plusieurs fois par les con­ser­va­teurs au pou­voir à Varso­vie de repolonis­er leur presse écrite.

La Pologne repolonise ses médias

Mais pour le média pub­lic alle­mand Deutsche Welle, qui reprend les mots d’un « con­seiller senior » de GLS-Bank, le rachat par la com­pag­nie pétrolière polon­aise Orlen des jour­naux régionaux détenus par le groupe alle­mand Ver­lags­gruppe Pas­sau a été une prise de con­trôle de ces jour­naux régionaux par le par­ti Droit et Jus­tice (PiS). En out­re, Deutsche Welle explique à ses lecteurs que « Plu­ralis a con­staté que le gou­verne­ment polon­ais utilise égale­ment le finance­ment de la pub­lic­ité d’État pour pro­mou­voir ses intérêts par­ti­c­uliers. L’argent de la pub­lic­ité est don­né en par­ti­c­uli­er aux entre­pris­es de médias qui sou­ti­en­nent les poli­tiques du PiS, comme le jour­nal de droite Gaze­ta Pol­s­ka. »

C’est vrai, et les gou­verne­ments précé­dents des libéraux fai­saient exacte­ment la même chose, de même que Plu­ralis, même s’il est écrit sur son site que : « Plu­ralis investit dans des entre­pris­es d’in­for­ma­tion per­for­mantes qui four­nissent des infor­ma­tions indépen­dantes et de qual­ité dans les pays d’Europe où la plu­ral­ité des médias est men­acée. Cha­cun de nos investisse­ments repose sur la con­vic­tion que l’accès des citoyens à une plu­ral­ité de sources d’in­for­ma­tion est fon­da­men­tal pour le main­tien de la démoc­ra­tie européenne. Notre cadre d’investissement est explicite­ment non par­ti­san : nous investis­sons dans des entre­pris­es de médias indépen­dantes qui pra­tiquent un jour­nal­isme respon­s­able et de qual­ité, quelle que soit leur ori­en­ta­tion édi­to­ri­ale. »

On attend donc que Plu­ralis investisse dans un média de droite comme l’hebdomadaire Do Rzeczy, qui n’a pas droit au même sou­tien financier du gou­verne­ment polon­ais par l’argent de la pub­lic­ité que Gaze­ta Pol­s­ka du fait de ses posi­tions cri­tiques face aux poli­tiques mis­es en œuvre (poli­tiques économiques, restric­tions anti-Covid, sou­tien mas­sif à l’Ukraine…). Notons au pas­sage que le rédac­teur en chef de Do Rzeczy, ain­si qu’une par­tie de son équipe, vien­nent de l’ancienne équipe expul­sée du quo­ti­di­en Rzecz­pospoli­ta par Don­ald Tusk en 2011 : s’il est un média réelle­ment indépen­dant aujourd’hui en Pologne, c’est bien celui-là. Cet heb­do­madaire libéral-con­ser­va­teur a d’ailleurs été le seul grand média à s’offusquer du blocage sur ordre des ser­vices spé­ci­aux polon­ais des sites des médias Najwyższy Czas et wRealu24. On risque toute­fois d’attendre longtemps le sou­tien de GLS Bank…

La radio publique allemande soutient les investissements de Soros

Un autre prob­lème, c’est la pro­mo­tion qui est faite par les pou­voirs publics alle­mands, par l’intermédiaire de la radio publique Deutsch­land­funk, de l’emprunt de GLS Bank pour soutenir les investisse­ments sorosiens en « Europe de l’Est » (dans les pays post-com­mu­nistes d’Europe centrale).

Comme le remar­quait le jour­nal­iste alle­mand Nor­bert Häring sur son blog le 4 mai dernier, « ce que fait ici une sta­tion comme Deutsch­land­funk, dont le con­seil d’ad­min­is­tra­tion est com­posé de représen­tants du gou­verne­ment, n’est pas un bon signe pour la qual­ité et l’indépen­dance de nos pro­pres médias proches de l’État. Elle fait la pro­mo­tion de l’aide apportée à un mil­liar­daire améri­cain pour encour­ager les médias à dif­fuser des infor­ma­tions cri­tiques à l’é­gard du gou­verne­ment dans les pays où les gou­verne­ments ont des ori­en­ta­tions poli­tiques con­cur­rentes [du nôtre]. » Et il ajoute : « On peut aisé­ment imag­in­er com­ment cela serait perçu dans notre pays si des médias financés par des fonds étrangers proches du gou­verne­ment pub­li­aient des infor­ma­tions résol­u­ment cri­tiques à l’égard de notre gou­verne­ment. De tels médias feraient l’objet d’une inter­dic­tion. »

Pré­cisons que nous n’avons pas affaire ici à un jour­nal­iste de média « alter­natif » puisque, selon sa fiche Wikipé­dia, Nor­bert Häring est un jour­nal­iste économique tra­vail­lant pour le Han­dels­blatt, un jour­nal économique qui fait référence en Allemagne.

Les médias allemands indépendants peu soutenus

Pour­tant, il y aurait grand besoin de soutenir des médias réelle­ment indépen­dants en Alle­magne, remar­quait le cor­re­spon­dant de Do Rzeczy dans son arti­cle du 14 mai cité plus haut. Comme d’autres jour­nal­istes polon­ais, il n’a en effet pas man­qué de rap­pel­er non seule­ment la soumis­sion des médias alle­mands aux autorités après les agres­sions sex­uelles de masse com­mis­es par des migrants à Cologne lors de la Saint-Sylvestre 2015, mais aus­si le scan­dale, plus récent, des rémunéra­tions ver­sées par le gou­verne­ment alle­mand aux jour­nal­istes de nom­breux médias :

« L’achat de jour­nal­istes est une pra­tique courante (le ser­vice de ren­seigne­ment BND verse égale­ment des rétri­bu­tions aux jour­nal­istes depuis des années). Cepen­dant, le gou­verne­ment ne veut pas révéler le mon­tant des hon­o­raires, et encore moins les noms. Seule une inter­pel­la­tion par­lemen­taire déposée par le par­ti AfD (con­sid­éré comme d’extrême droite) a con­traint le gou­verne­ment à révéler qu’il avait dépen­sé 1,5 mil­lion d’euros en hon­o­raires de jour­nal­istes au cours des cinq dernières années. Le hic, c’est que plus de la moitié de ces jour­nal­istes tra­vail­lent à la radio publique (dont la Deutsche Welle, qui émet à l’é­tranger) et dans des jour­naux réputés. Bon gré mal gré, le gou­verne­ment a dressé une liste de 200 jour­nal­istes qui tient sur 20 pages. On devine aisé­ment qu’ils ne se sont pas mon­trés très cri­tiques à l’é­gard de leurs com­man­di­taires. »

En d’autres ter­mes, une banque « éthique » alle­mande aide Soros à soutenir finan­cière­ment des médias « indépen­dants » en Pologne et ailleurs en Europe dite « de l’Est », et les pou­voirs publics alle­mands sou­ti­en­nent cette ini­tia­tive pour pro­mou­voir l’indépendance et le plu­ral­isme des médias chez ses voisins ; c’est vrai­ment l’hôpital qui se moque de la charité…

Pour le Polon­ais Jan Bogatko, « Cela rap­pelle le finance­ment par l’URSS du tor­chon com­mu­niste français “L’Hu­man­ité”. Cepen­dant, même les Sovié­tiques de l’époque n’é­taient pas aus­si arro­gants que la banque alle­mande et ses action­naires : le Krem­lin plaçait des pub­lic­ités pour des mon­tres Poljot dans le quo­ti­di­en com­mu­niste, plutôt que de vers­er de l’argent directe­ment pour la lutte “con­tre le régime”. »

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