Le Centre universitaire d’enseignement du journalisme est un centre de formation intégré depuis 1958 à l’université de Strasbourg. Il est reconnu par la convention collective des journalistes depuis 1968. Régulièrement classé parmi les 5 premières écoles de journalisme de l’hexagone, malgré des moyens financiers inférieurs à ceux des établissements privés, le CUEJ se targue d’être une institution « résolument tournée vers l’Europe » et offrant à ses étudiants « les connaissances et les outils intellectuels pour remplir le rôle social et culturel du journaliste ».
Estampillé conforme !
Classiquement ouvert aux étudiants à partir de Bac+3, sur concours pour la formation initiale ou sur dossier et entretiens pour la formation continue, le centre accueille des enseignants issus du monde universitaire ou des principaux médias « mainstream », nationaux ou régionaux (TF1, Le Monde, France Info, AFP, France 2, DNA, L’Alsace, France Bleu Alsace, France 3 Alsace…). Son directeur depuis 2019 est Christophe Deleu, spécialiste des médias radiophoniques, diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Lille et détenteur d’un doctorat de sciences politiques à l’Université de Lille 2. Un encadrement qui offre indiscutablement une garantie de conformité avec les standards du monde professionnel actuel à défaut d’un gage d’originalité et d’irrévérence envers les dogmes et conventions du temps.
L’Europe, l’Europe, l’Europe (de Strasbourg, pas celle des Européens)
Du fait de sa présence dans la « capitale européenne » qu’est Strasbourg, le CUEJ joue logiquement au maximum la carte de l’ouverture aux pays de l’UE et aux institutions de celle-ci. Ses étudiants couvrent notamment les sessions du Parlement européen à Strasbourg en temps réel, heure par heure, via le site internet de l’école. Un travail certes méritoire mais qui ne les occupe que quelques jours par mois. Rappelons en effet que les parlementaires européens ne sont présents à Strasbourg que pour les sessions plénières, soit moins d’une semaine par mois. C’est en effet à Bruxelles que se déroule l’essentiel des travaux, le « dédoublement » du Parlement entraînant une gigantesque et ubuesque migration mensuelle des personnels et des dossiers représentant l’une des nombreuses aberrations économiques et logistiques dont les institutions européennes sont si friandes. Mais ceci est une autre histoire.
Dans le cadre de son « ouverture sur l’Europe », Le CUEJ a également mis en place un Master Franco-Allemand qui permet, chaque année, à douze étudiants de suivre un double cursus, qui débouche sur l’obtention simultanée du master de journalisme délivré par le CUEJ et l’école de journalisme de Fribourg.
Par ailleurs, depuis 1994, le CUEJ délocalise la fin de son cursus à l’étranger, ses étudiants étant envoyés dans divers pays européens pendant plusieurs semaines pour être confrontés à l’actualité du pays et produire sur place un journal en langue française, des dossiers multimédias et des émissions de radio et de télévision.
Des étudiants dans le moule
Si l’ouverture géographique est grandement mise en avant par l’institution, cela ne semble pas être le cas pour l’ouverture idéologique. C’est en tout cas ce qui ressort du témoignage de Frédéric, étudiant au CUEJ à la fin des année 2010, qui met en exergue le grand conformisme qui règne dans les rangs des étudiants du centre. Selon lui, l’extraordinaire homogénéité idéologique des promotions tient essentiellement aux profils similaires des candidats. Ainsi, si la plupart des élèves ne sont pas à proprement parler des militants, ils sont pour la très grande majorité des bourgeois issus d’un « moule » de gauche, assez peu cultivés mais ayant de grandes difficultés à imaginer une quelconque altérité idéologique.
« Quand je suis arrivé, j’ai rapidement été amené à dévoiler que j’avais voté pour la droite nationaliste pour le premier tour de l’élection présidentielle de 2017. Le lendemain, tout le monde en parlait. J’étais le seul sur 50 à avoir fait ce choix » explique-t-il notamment. Un entre-soi encouragé par certains enseignants n’hésitant pas à dénigrer les titres de presse considérés comme « réactionnaires », en qualifiant, par exemple, le mensuel l’Incorrect de magazine « d’extrême droite catholique traditionaliste ». À ce compte, Valeurs Actuelles et le Figaro sont sans doute des brûlots crypto-fascistes… C’est certainement ce que le centre appelle, sur son site internet, une « pédagogie audacieuse ».
Écriture inclusive
Pour le reste, rien de très original ni de novateur dans le cadre des enseignements ni des « valeurs » défendues par le centre. D’un côté, on insiste sur les problématiques écologiques et climatiques (décroissance, zéro déchets, réfugiés climatiques…), de l’autre, on lutte – en écriture inclusive – « contre les violences sexistes, sexuelles et homophobes ». Un copié-collé d’autres institutions qui relativise l’intérêt d’une « décentralisation » de « la formation des élites », tant vantée par certains, mais qui ne semble nullement remettre en cause l’endogamie chronique des milieux médiatiques.
Bref à l’est, pas grand-chose de nouveau.