Qui connaissait Daniel Kretinsky en France avant le printemps 2018 ? Sans doute quelques spécialistes de l’énergie, le domaine où l’oligarque tchèque a bâti sa fortune. Son irruption en France en avril 2018 rachetant l’édition française de Elle et l’hebdomadaire Marianne, le place dans une position privilégiée dans le monde médiatique français.
Au commencement était l’énergie
Dans son édition du 5 janvier 2018, le magazine américain Forbes estime la fortune du tchèque à 2,6 milliards de dollars. À travers principalement le groupe EPH, spécialisé dans la production et le transport d’énergie en Europe centrale et quelques autres pays. Le coup de génie de Kretinsky fût sans doute de racheter à vil prix des centrales à charbon et à lignite dont personne ne voulait. La décision allemande d’abandonner le nucléaire a rendu indispensables ces centrales dans la période de transition énergétique destinée à durer.
En 2016 Kretinsky vend 31% d’EPH au groupe australien Macquarie Infrastructures pour 1,6 milliards de dollars, conservant la majorité du capital.
Puis vinrent les médias
En 2013 Kretinsky rachète avec le slovaque Patrick Tkak la co-entreprise tchèque du groupe suisse Ringier-Axel Springer. La prise comporte – outre des radios et des sites internet – le quotidien populaire Blesk, le tabloïd Aha, le magazine Reflex et des titres centrés sur les sports mécaniques. Le groupe revendique plus de trois millions de lecteurs dans un pays de dix millions d’habitants. Kretinsky devient aussi propriétaire (en même temps ?) du premier diffuseur de presse et de livres en Tchèquie ainsi que de deux imprimeries.
En parallèle Kretinsky est copropriétaire d’un des clubs de football les plus célèbres de son pays, le Sparta de Prague, un bon moyen d’influence politique.
Pourquoi la France ?
Kretinsky, qui se veut francophone et francophile, se réclame d’une histoire d’amour avec la France. Il se veut respectueux des titres et des équipes, annonce des investissements pour Marianne. Toutes déclarations classiques après un rachat, généralement non suivies d’effet. Il s’assure aussi une tête de pont dans Presstalis et une autre autre dans son rival MLP (que Marianne a rejoint).
Dans une lettre à sa rédaction du 26 avril 2018, Henri de Chaisemartin, ex-propriétaire de Marianne (et maintenu pour le moment dans ses fonctions de PDG) s’extasiait devant les valeurs du nouveau propriétaire « L’Europe de la liberté, du partage, des droits de l’homme, celles que nous aimons ». On pourrait rajouter les pommes de terre frites, ça ne coûte rien et ça fait toujours plaisir. À suivre quand les journalistes choisiront de rester ou de partir en invoquant la clause de conscience lorsque la prise de pouvoir sera effective sur les nouveaux titres.
Photo : Capture d’écran vidéo Kryštof Raška. DR