L’élection du futur directeur du Monde par les journalistes, qui aura lieu mi-mai, est un modèle d’intrigues et de coups bas. Trois, voire quatre candidats sont sur les rangs. Il s’agit de Gilles Van Kote (actuel directeur intérimaire), Jean Birnbaum (rédacteur en chef du Monde des livres) et Christophe Ayad (chef du service “International”). Pierre Morville, cadre chez Orange et ex journaliste au Matin de Paris, a aussi postulé. Le nom de l’un des trois premiers sortira du chapeau des actionnaires, Pierre Bergé, Mathieu Pigasse et Xavier Niel, lors du conseil de surveillance du 20 avril. Et sera probablement élu par la base au 60% requis.
Pour Gilles Van Kote, directeur intérimaire du quotidien du soir depuis mai 2014 (après le débarquement de Natalie Nougayrède en avril), la situation se complique. Il pensait encore fin mars être le seul à postuler dans la durée à la fonction suprême au sein du titre prestigieux. La procédure d’élection du directeur ne serait qu’une formalité, voire n’aurait pas lieu du tout. C’était sans compter avec les manœuvres de l’un de ses propriétaires, l’octogénaire Pierre Bergé, et du directeur général du groupe, Louis Dreyfus.
Tout en justifiant son attitude par “le nécessaire passage par une élection” conformément aux statuts du Monde, Pierre Bergé a tenté de susciter, en interne et à l’extérieur, d’autres candidatures. Il n’apprécie guère l’actuel directeur intérimaire du quotidien qui n’incarnerait pas suffisamment l’esprit du Monde. Surtout, l’affaire Swissleaks, le scoop sorti par Le Monde en février, lui resterait en travers de la gorge. Plusieurs amis du milliardaire, propriétaire également de la maison de haute couture Yves Saint-Laurent, figureraient sur la liste des évadés fiscaux publiée dans le journal. Un bon connaisseur des arcanes du Monde explique que si Bergé n’a pas trouvé le candidat providentiel, il n’est certainement pas étranger à la candidature de dernière minute de Jean Birnbaum. Le directeur du Monde des livres, dont Bergé fustige les choix littéraires à longueur de tweets, ne le gênerait plus, une fois promu en tant que patron du journal.
Si Bergé a beaucoup cherché à l’extérieur, Louis Dreyfus a lui ménagé ses arrières à l’intérieur du journal. Le fils de l’ancien maire socialiste du 10e arrondissement, Tony Dreyfus, a tout fait pour décourager certains postulants. Avec ou sans l’aide de ses actionnaires, il est parvenu à écarter au moins trois candidatures : celles de la directrice adjointe de la rédaction, Cécile Prieur, d’une des rédactrices en chef, Sylvie Kaufmann, et de l’ancien rédacteur en chef du Monde.fr, Boris Razon. A contrario, les trois postulants font partie de ses proches. Reste à savoir lequel se rapprochera le plus des trois qualités requise pour diriger Le Monde : animation, transformation, incarnation. Réponse dans une semaine.