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Déconfinement : les libertés publiques reviennent timidement dans le débat médiatique

12 mai 2020

Temps de lecture : 5 minutes
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Déconfinement : les libertés publiques reviennent timidement dans le débat médiatique

Temps de lecture : 5 minutes

La fin de la première phase du confinement, prévue pour le 11 mai 2020, entraîne de nombreuses interrogations, abondamment relayées dans les médias, concernant notamment le retour à l’école, la reprise du travail, la fréquentation des transports en communs ou la mise à disposition de matériel de protection à la population. Néanmoins, la fin d’une période de confinement strict ne signifiant pas « le retour à la vie d’avant », selon les termes répétés par le Gouvernement, c’est bien la question plus générale des libertés publiques qui va se poser au cours de la période post-confinement. Pourtant, malgré quelques remous dans l’opinion, en particulier à l’annonce d’une éventuelle utilisation des données médicales personnelles dans le cadre d’opérations de traçage, la plupart des grands médias sont restés relativement timides quant à la question des libertés publiques.

Mesures exceptionnelles mais durables ?

L’un des pre­miers à s’être réelle­ment inquiété de cette sit­u­a­tion de manière explicite a été Jean Qua­tremer, jour­nal­iste spé­cial­isé sur les ques­tions européennes à Libéra­tion — et lui-même européiste con­va­in­cu — par un bil­let sur son blog le 30 avril 2020 (mis à jour le 7 mai), dans lequel il estime que « (…) croire que les lib­ertés publiques, la démoc­ra­tie, sor­tiront intactes de cet épisode est juste un doux rêve. L’État d’urgence san­i­taire va rester inscrit dans notre droit pour longtemps exacte­ment comme l’État d’urgence, déclenché en 2015 a finale­ment été inté­gré au droit com­mun. Il est rare qu’un État renonce de lui-même aux pou­voirs gag­nés sur le lég­is­latif et la justice ».

Dans un édi­to­r­i­al en date du 4 mai, Le Monde s’engage sur une réflex­ion sim­i­laire quant aux pou­voirs excep­tion­nels accordés au Gou­verne­ment dans le cadre de l’état d’urgence san­i­taire et sa pro­lon­ga­tion, insis­tant sur le fait que « la peur de la con­t­a­m­i­na­tion, très sen­si­ble dans la société, ne saurait être com­pen­sée par un excès de mesures autori­taires ».

À gauche tou­jours, le directeur de la rédac­tion de l’hebdomadaire catholique La Vie, Jean-Pierre Denis, s’est aus­si pronon­cé sur cette ques­tion le 5 mai 2020, par un édi­to­r­i­al où il revient sur l’altération de cer­taines évi­dences démoc­ra­tiques, notam­ment l’indépendance de la presse et celle des cultes. Il y dénonce égale­ment l’érosion man­i­feste des lib­ertés publiques à laque­lle on assiste : « s’il faut sauver nos vies et pro­téger notre corps, il faut préserv­er notre vie démoc­ra­tique et défendre notre cor­pus de lib­ertés publiques. Et s’il se trou­ve des gens pour penser que l’on peut sac­ri­fi­er la lib­erté sur l’autel de la sécu­rité, ce sont eux, les irresponsables ».

Cette inquié­tude est égale­ment partagée par Stéphane Ger­main, par le biais d’une tri­bune pub­liée le 6 mai sur Causeur. Dans son papi­er, cet ancien col­lab­o­ra­teur de nom­breux titres de presse par­mi lesquels Le Figaro, L’Obs, Libéra­tion ou encore Le Point relève que « dans l’ensemble, les « irré­ductibles Gaulois », notam­ment les quadras en pleine forme, ont con­sen­ti puis réclamé à cor et à cri un con­fine­ment lib­er­ti­cide autant qu’économiquement sui­cidaire », ajoutant même ensuite : « Après avoir abdiqué ses droits indi­vidu­els et ses lib­ertés publiques en huit jours, une par­tie de la France rechigne à décon­fin­er. Elle lorgne désor­mais vers un con­trôle social qu’on ne rêve pas ouverte­ment « à la chi­noise », mais qui repose sur des tech­nolo­gies cousines que l’on pré­tend maîtris­er ».

Applications sanitaires, masques, drones

Des tech­nolo­gies réelle­ment au cœur de ce sujet brûlant, ain­si que l’illustre une cer­taine inquié­tude autour de l’application Stop­Covid et plus générale­ment du traite­ment des don­nées de san­té, mais égale­ment la ques­tion de l’utilisation de drones pour sur­veiller le bon respect du con­fine­ment, l’usage de caméras pour détecter le port de masques, ou encore la propo­si­tion de fournir un bracelet élec­tron­ique aux per­son­nes qui ne dis­poseraient pas de smartphone.

Autant de sujets d’importance qui ne sem­blent pas faire l’objet d’une réflex­ion appro­fondie par la plu­part des médias de grand chemin. Cette réflex­ion est plus dévelop­pée au sein de la presse d’opinion, et notam­ment par­mi quelques titres à sen­si­bil­ité con­ser­va­trice. Par­mi cette ten­dance, le mag­a­zine L’incorrect a pub­lié le 7 mai 2020 un long papi­er dans lequel sont décor­tiquées la plu­part des atteintes aux lib­ertés publiques provo­quées par la crise san­i­taire, en aver­tis­sant sans ambages que « Peu à peu, l’État, pour mas­quer son incurie, grig­note nos lib­ertés au nom de la lutte con­tre le virus. Atten­tion au décon­fine­ment, qui pour­rait bien révéler une dic­tature larvée ». Dans cet arti­cle très étof­fé, il est notam­ment ques­tion de la nature juridique même du con­fine­ment et de ses pos­si­bles con­séquences futures en matière de lib­ertés indi­vidu­elles, notam­ment la lib­erté d’aller et venir : « la mesure a très cer­taine­ment réduit la cir­cu­la­tion du virus mais elle a surtout habitué les gens à demeur­er assignés à rési­dence », ain­si que de l’atteinte à la lib­erté religieuse : « aucune atteinte à la lib­erté du culte ne devra être tolérée sous peine qu’elle ne devi­enne, elle aus­si, une habi­tude ».

Un virus plus efficace que les terroristes ?

Au milieu d’un silence relatif assez général sur cette ques­tion des lib­ertés publiques, une petite excep­tion reste cepen­dant à not­er. Dans l’émission Les Grandes Gueules du 5 mai 2020 sur RMC, Frédéric Beigbed­er a déclaré ne pas com­pren­dre « cette soumis­sion des citoyens qui ont obéi de manière aus­si docile » ajoutant même « Quand des ter­ror­istes ont descen­du tout le monde au Bat­a­clan et ont attaqué les ter­rass­es des cafés, on a con­tin­ué à vivre comme avant, on n’a pas arrêté d’aller aux ter­rass­es des cafés. Un virus obtient plus de résul­tats que des ter­ror­istes assas­sins ».

Une com­para­i­son pas vrai­ment au goût de ses inter­locu­teurs, mais qui a le mérite de pos­er une véri­ta­ble inter­ro­ga­tion quant à la capac­ité de notre société à accepter une remise en cause pro­gres­sive — mais cen­sée être tem­po­raire —  de ses droits les plus fondamentaux.

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