Alors que Presstalis est en cessation de paiement, la conciliatrice proposerait aux éditeurs de magazine de transférer les possibles indemnités versées par l’État à un « Presstalis » bis dont ils ne pourraient sortir pendant six ans… à la fureur de ces éditeurs. Nous reproduisons le communiqué de leur association, le Syndicat de l’Association des Éditeurs de Presse (SAEP).
Le SAEP saisit l’Autorité de la Concurrence : les éditeurs indépendants refusent de couler avec Presstalis
Le SAEP a saisi, ce jour, l’Autorité de la Concurrence afin de faire constater que les modalités du plan de restructuration envisagé par la conciliatrice de la messagerie, Maître Hélène Bourbouloux, sont contraires aux règles de la concurrence et la liberté du commerce.
En effet, Maître Bourbouloux fait des propositions abusives aux éditeurs pris au piège du dépôt de bilan de Presstalis :
- Maître Bourbouloux demande d’abord aux éditeurs de s’asseoir définitivement sur l’argent que leur doit Presstalis alors même que l’État, par la voix du Ministre de la Culture, s’est engagé à dédommager intégralement et sans condition les diffuseurs de presse.
Rappelons qu’une telle discrimination entre les créanciers chirographaires, d’une société en cessation de paiement, est illégale et qu’il est de principe que tous les créanciers placés au même rang doivent être indemnisés de manière égalitaire.
Ainsi si l’État indemnise les diffuseurs sans contrepartie, il n’a pas d’autre choix que d’indemniser les éditeurs selon les mêmes modalités. - Maître Bourbouloux exige ensuite que les éditeurs de Presstalis s’engagent à confier leurs publications à un « nouveau Presstalis » pendant six ans.
Vous avez aimé le chaos de ces six derniers mois ? Vous allez adorer le chaos des six prochaines années. Ce gel des transferts sur six ans est bien entendu illicite dans la mesure où la réforme de la loi de la distribution de la presse a prévu qu’un tel gel ne pouvait excéder six mois renouvelables. Condamner les éditeurs de Presstalis à un gel des transferts de six années est un détournement de la procédure de l’ARCEP et un abus de pouvoir.
Pour couronner le tout, Maître Bourbouloux ne dispose d’aucun pouvoir de négociation car la conciliatrice va se trouver immédiatement dessaisie de l’affaire Presstalis à l’instant où le Tribunal de Commerce de Paris va prononcer la mise en redressement judiciaire de la messagerie.
Abusant d’une position qu’elle exerce sans droit, Maître Bourbouloux propose aux éditeurs de Presstalis de les rembourser de la créance qu’ils perdent dans la déconfiture de la messagerie, en contraignant ces mêmes éditeurs, en contrepartie du remboursement de l’argent qui leur est dû par Presstalis, à redonner immédiatement ce même argent à un « nouveau Presstalis » tout en exigeant que les éditeurs en question s’engagent à rester chez ce « nouveau Presstalis » pendant six ans.
Maître Bourbouloux semble ainsi maîtriser parfaitement l’art du bonneteau. Car quel est bel et bien l’objectif de cette arnaque ?
Que les éditeurs de magazines paient et paient encore pour que les éditeurs de quotidiens se gavent sur le « nouveau Presstalis » pendant les deux ou trois années qui leur sont nécessaires pour abandonner définitivement la diffusion au numéro de leurs publications. En clair, Maître Bourbouloux emprunte leur Rolex aux éditeurs de magazines pour leur donner l’heure et leur rendra dans six ans quand les éditeurs de quotidiens auront saigné le « nouveau Presstalis » et se seront réfugiés derrière le confort des paywalls de leurs sites Internet.
Les éditeurs de magazines, en bonne mules bien dociles, paieront alors pour une nouvelle liquidation d’une institution devenue inutile aux heureux propriétaires des quotidiens.
Face à cette manœuvre, le SAEP a saisi l’autorité de la concurrence afin que les éditeurs de magazines soient restitués dans leurs droits et soient libres de choisir les partenaires de distribution qu’ils jugeront compétents et solvables pour maintenant et pour l’avenir.
Par ailleurs, le SAEP exige que l’État assume ses responsabilités et rembourse les éditeurs de la totalité des créances qui leur sont dues par Presstalis. En effet, l’État et l’État seul est responsable de la situation actuelle. En Mars 2018, c’est l’État, à travers le CIRI, qui a organisé un plan de redressement abracadabrantesque de Presstalis qui n’avait, de l’avis de tous, aucune chance de se rétablir. Il suffit de lire le rapport Rameix pour comprendre que le maintien artificiel de Presstalis in bonis n’avait pour but que de fournir le délai nécessaire aux groupes Lagardère et Berlusconi pour se débarrasser, en urgence et à vil prix, de leurs activités de presse en France. Dès ces opérations réalisées, l’ARCEP est entrée en scène en organisant le gel des transferts, prenant au piège les éditeurs qui avaient compris que le redressement judiciaire était inéluctable. L’État est donc pleinement responsable des pertes que vont subir les éditeurs.
L’État doit assumer et l’État doit payer l’argent dû aux éditeurs sans condition tout comme il s’est engagé à payer l’argent dû aux diffuseurs sans condition.