Certains pays font formellement partie de l’Union européenne, mais les droits de l’Homme n’y sont pas garantis pour tous. Surtout aux Russes. Ainsi, la Lettonie a des « non-citoyens », les nepilsoni, qui sont encore 224.670 début 2019 (contre 730.000 mi-1990), principalement des Russes, Ukrainiens et Biélorusses – soit 10% de la population. Et un tribunal lituanien vient de valider la décision du régulateur – l’équivalent local du CSA – de bloquer la radio russe Sputnik.
Depuis le 10 juillet la commission lituanienne de la radio et de la télévision a décidé d’imposer aux fournisseurs d’accès de bloquer Sputnik, « afin d’éviter la diffusion de contenus protégés par les droits d’auteur ». La plainte émane de LRT, la radio-télévision publique de Lituanie – dont Sputnik est un concurrent direct – et qui affirme que la radio russe publiait ses contenus sur son portail internet.
Le régulateur a trouvé une justification politique à la demande, émise mi-juin par deux députés démocrates-chrétiens, Laurinas Kaschjunas et Audronius Ajubalis, d’interdire Sputnik dans le pays pour défendre la mémoire des partisans lors de la seconde guerre mondiale. Selon Sputnik – qui ne cache pas être un site russe – ces « frères de la forêt » sont en effet responsables de plus de 25.000 tués dont 1000 mineurs – principalement des lituaniens tués pour collaboration avec l’URSS – et d’exactions de 1944 à 1969, tandis que selon l’Histoire officielle de la Lituanie depuis l’effondrement de l’URSS, les partisans se battaient contre l’occupation soviétique – leurs exactions sont passées sous silence ou minorées.
Le vice-président du comité des Affaires Etrangères à la Douma (assemblée nationale russe), Dmitri Novikov, a affirmé que « malgré les incantations rituelles sur la nécessité de respecter les droits de l’Homme, de la liberté d’expression et autres bienfaits qui résonnent souvent en Occident, il y a des standards à deux vitesses qui sont mis en place dans la politique occidentale – ainsi que dans leurs médias qui ne sont pas indépendants. Nous en voyons un exemple éclatant. La politique des pays baltes ne se différencie guère de l’UE, même si ces pays essaient d’aller encore plus loin – tout cela, c’est le résultat de l’option pro-américaine et atlantiste de l’UE ».
Les médias russes – Sputnik et RT – ont la vie dure en Lituanie et Lettonie alors qu’une part non-négligeable de leur population (un quart en Lettonie et 6% en Lituanie) est russe ethnique – et ce malgré le déclin démographique et le solde migratoire négatif continus depuis 1991. Ces deux états conduisent depuis des années une politique russophobe malgré le poids de la Russie dans leur PIB – principalement dans l’activité des ports de Baltique et dans la fourniture d’énergie – ce qui pousse les entreprises russes à se retourner vers les infrastructures russes et les développer (ports de Oust-Louga, Primorsk, Vyborg, Vysotsk…).
Fin mai dernier, le rédacteur de Sputnik Lituanie, Marat Kasem, a été arrêté à l’aéroport de Vilnius. Il a été expulsé du pays pour cinq ans, après avoir été accusé de « risque à la sécurité nationale ».