Nous empruntons à notre confrère Causeur une excellente tribune de Franck Leprévost du 18/11/2023. Nous aurions pu la signer.
Quelle est la mission d’un journaliste de radio ou de télévision face à un invité ? La notion qui vient le plus spontanément à l’esprit est : poser des questions. Cependant, cet aspect comporte implicitement une composante supplémentaire que l’on peut légitimement considérer comme nécessaire et même allant de soi : écouter les réponses de la personne interrogée. En outre, l’auditeur ou le téléspectateur peut également attendre des questions posées qu’elles soient de nature à permettre de comprendre la pensée de l’invité, le cas échéant à amener celui-ci à la préciser. Plus généralement, on accorde son attention dans l’espoir que l’échange entre journaliste et interlocuteur, soit se situe d’emblée au niveau des enjeux du sujet traité, soit a comme effet induit de permettre de définir ce niveau et ces enjeux.
L’avantage de ne pas avoir la télévision – c’est mon cas – et de n’écouter que sporadiquement la radio – idem – et donc de n’avoir qu’un accès (volontairement !) limité aux agissements de journalistes sur ces médias, a deux conséquences d’ailleurs liées entre elles.
Du professionnalisme courtois au « DoS » journalistique
La première est d’être littéralement saisi par la différence flagrante entre le modus operandi de certains journalistes d’aujourd’hui avec celui des journalistes d’hier. La conception de la mission de journaliste décrite plus haut reflète une pratique voire même une éthique d’autrefois, malheureusement de moins en moins en cours aujourd’hui, et qui disparait (ou connaît une éclipse si l’on est optimiste) au profit d’une irrévérence se voulant subversive du journaliste « moderne ». La seconde est que la forme de « matraquage », qui caractérise les méthodes d’interrogatoires de certains journalistes actuels, non seulement saute aux yeux pour qui se souvient des usages d’antan, mais elle se montre sous un jour qu’un informaticien est peut-être le plus à même de nommer : il s’agit, ni plus ni moins, d’un « Denial of service » journalistique.
Précisons ce que recouvre ce barbarisme emprunté à l’informatique. Le « Denial of Service » (DoS) est une attaque classique bien connue des spécialistes de sécurité des télécommunications. Elle consiste à assiéger un service (par exemple un site web) de millions de requêtes à la seconde sans lui laisser le temps de répondre, et en se moquant totalement des rares réponses que le service peut néanmoins égrener malgré le haut degré de persécution et de pression auquel il est soumis. Si des mesures de protection n’ont pas été mises en place en amont, le site assiégé se bloquera à un moment et ne répondra alors plus à rien : l’attaque par DoS aura atteint son but. Un exemple encore dans les mémoires est l’attaque par DoS sur l’Estonie, en 2007, ayant ciblé les services gouvernementaux, les institutions financières et les médias de ce pays. Le DoS en informatique n’est donc pas la manifestation d’une soif de savoir inextinguible, mais au contraire celle d’une attaque destinée à faire taire la cible.
Eh bien un processus et une technique similaires opèrent chez certains journalistes (pas tous) à l’égard de certains invités (pas tous non plus) avec, à mon sens, un objectif comparable au DoS informatique : coincer la cible et la faire taire. Voici quelques exemples de DoS journalistique (…)
La suite : causeur.fr