Denis Robert est celui qui a révélé les dessous de l’affaire Clearstream, des révélations qui lui ont valu procès, surveillance et beaucoup d’avanies. C’est aussi l’ancien responsable du Média, mélenchoniste, débarqué sans ménagements en 2019. C’est enfin l’auteur d’un livre foutraque et sympathique sur Blackrock, le premier gérant d’actifs financiers du monde.
Adios Média, buenos dias Blast
Ah Le Média ! Il faudrait le talent d’un Dumas pour suivre ses rebondissements, ses directeurs à la chaîne, ses procès de Moscou (moche cou à Moscou aurait écrit le regretté Gérard de Villiers, le père de Malko Linge), ses règlements de comptes internes dans une atmosphère qui tient du vaudeville et de la crise de nerfs.
Après le départ mouvementé d’Aude Lancelin, Le Média demande à Denis Robert de prendre la direction de la web télé pour selon ses dires, « ramener du journalisme au Média, c’est-à-dire lancer des enquêtes et de l’investigation », en gros ce qu’il sait faire. Au bout de cinq mois il veut réorganiser la rédaction et se heurte « à des crypto-communistes qui ne voulaient simplement pas de chef », il est licencié début octobre 2019 et porte l’affaire devant les prud’hommes.
Comme Aude Lancelin qui a lancé QG, il annonce vouloir créer à son tour en 2021 Blast, un média « qui prendra la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) à but non lucratif, proposera de l’investigation, des chroniques, des débats, des émissions culturelles, des reportages sur le monde du travail ».
Larry Fink et Blackrock
Selon Denis Robert, Larry Fink, le fondateur et actionnaire principal de Blackrock est l’homme le plus puissant du monde. Son livre, à la fois décousu et attachant, s’ouvre sur une citation de Balzac « Derrière chaque grande fortune se cache un grand crime ». Si l’adage balzacien se vérifie, Fink doit être un criminel de premier ordre. S’il ne figure pas (le pauvre) dans le palmarès des hommes les plus riches de la planète, il est bien placé pour le classement des hommes de pouvoir. Blackrock gérait directement autour de 7000 milliards de dollars en 2019 et autour de 21000 milliards de dollars indirectement grâce à son logiciel Aladdin. Blackrock n’est pas une banque, c’est un « opérateur » auquel vous confiez vos fonds et qui les répartit pour les gérer. C’est ainsi que Blackrock est le premier actionnaire du CAC40 avec entre 4 et 5% de la cote.
Blackrock conseille également, et à ce titre a gagné un appel d’offres auprès de l’UE pour la conseiller en matière de politique climatique. Un peu comme le gouvernement français a confié à l’américain McKinsey la tâche d’organiser en France la vaccination contre le Covid19, avec le succès que l’on connaît. Le travail de conseil de l’UE sera effectué par l’intelligence artificielle de Blackrock, Aladdin diminutif de « Asset, Liability, Debt and Derivative Investment Network ». On n’apprendra pas beaucoup plus sur le mauvais génie Aladdin dans le livre et c’est bien dommage. Aladdin gère une forte proportion des fonds de pension américains, 66% avec son concurrent Vanguard annonce Denis Robert, un montant d’actifs considérable géré par plus d’un millier d’analystes. Le rocher noir est à la fois un investisseur passif (sans participation aux décisions) mais de plus en plus un actionnaire actif, autrement dit il réclame un siège au conseil d’administration et malheur à celui qui s’oppose à ses décisions ou ses orientations.
Le livre, touffu et ne manquant pas de redites, se lit avec étonnement, on apprend beaucoup, on a envie d’en savoir plus. Le livre de l’allemande Heike Buchter, Blackrock, ces financiers qui s’emparent de votre argent, paru en novembre 2020 chez le même éditeur (Massot) devrait compléter la lecture, mais nous ne l’avons pas lu. Les deux ouvrages semblent indispensables pour qui s’intéresse aux arcanes de la finance mondiale.
Denis Robert, Larry et moi, Comment Blackrock nous aime, nous surveille et nous détruit, 2020, Massot éd, 299p, 19€