Avant l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les héritiers Murdoch, propriétaires de Fox News, voulaient réorienter la chaine autour de Megyn Kelly, star emblématique du combat contre Donald Trump. Ses questions-vitriol lancées lors du premier débat des élections primaires républicaines avaient en effet scellé l’argumentaire anti-Trump pour le reste de sa campagne.
En fait, Kelly avait déjà commencé à auditionner auprès des médias « mainstream », ce qu’elle poursuivit avec deux moments forts en 2016: un plaquage de l’ancien gouverneur de l’Arkansas Mike Huckabee sur le gel temporaire des immigrants musulmans en provenance de foyers terroristes, ou encore un assaut contre Newt Gingrich, lui assénant que Trump était un prédateur sexuel. Réaction (un peu mesquine) de Mark Levin, dans son talk-show du 25 octobre : « Megyn Kelly prétend représenter les femmes. Il faut que vous écoutiez son interview de 2010 avec Howard Stern »
Kelly est également célèbre pour avoir poignardé dans le dos son protecteur, le fondateur de Fox News Roger Ailes : après l’avoir à de multiples reprises présenté comme son mentor, en particulier lors d’une célèbre émission de Charlie Rose, Kelly dénonçait en 2016 Ailes pour harcèlement sexuel (sur des faits remontant à plusieurs années)… au moment où une autre journaliste en déclin et en renouvellement de contrat, Gretchen Carlson, accusait Ailes de chantage sexuel. Idem avec une autre journaliste au contrat non renouvelé, Andrea Tantaros.
Recruteur hors pair, Ailes avait offert à Kelly, en 2004, un ticket d’entrée dans une profession où elle n’avait pratiquement aucune expérience, mais où elle a excellé, capable de jouer plusieurs personnages dans une même émission, mêlant chaleur et intransigeance : les Murdoch lui ont ainsi proposé 20 millions de dollars pour son prochain renouvellement de contrat en 2017. Elle en voulait 25 ou 28 selon la rumeur.
Kelly vient de publier ses mémoires à 46 ans. Settle for More, sorti en novembre, se nourrit des polémiques Trump et Ailes, et a permis à Kelly de faire monter le cours de ses actions dans le grand monde. L’affaire Ailes va faire l’objet d’un film, et l’élection américaine d’une mini-série télévisée. Megyn Kelly est donc partie sur les sentiers de la gloire, chez NBC… au moment où les rapports de force changent en faveur de Fox News, et de Trump. Et au moment où les autres stars de Fox News commençaient à se lasser de leur collègue.
Dans un article du 4 janvier, Joe Concha explique dans The Hill que « Fox va prospérer, post Megyn Kelly». Concha insiste en particulier sur la culture Fox qui résulte de recrutements heureux de gens peu qualifiés au départ mais possédant versatilité et empathie. Bref un vivier de talents et de fortes personnalités, avec un trait commun (à une exception) : la loyauté vis-à-vis de l’organisation comme du public, qui le leur rend bien. Concha précise ainsi que chaque départ a toujours été remplacé en interne par un journaliste ou chroniqueur qui s’est révélé encore plus populaire que le précédent.
Les jeunes Murdoch voulaient faire de Fox une télévision comme les autres, qui aurait explosé si Trump avait perdu l’élection (par la création de Trump TV). Mais Trump a gagné, ce faisant aidant Fox à se maintenir, ce qui épargne à la chaine une mise à l’index présidentiel. Pour l’instant…
Concha estime que Fox dispose d’une pléthore de remplaçantes pour le créneau de 9h du soir occupé par Kelly : Trish Regan (actuellement au Fox Business Network), Martha McCallum, Sandra Smith, Shannon Bream, ou encore Kimberly Guilfoyle. Il concluait : « comme pour tous les systèmes ou cultures qui réussissent, Fox News n’a jamais dépendu d’une seule personne, fût-elle Ailes, Van Susteren [remplacée avec succès par Tucker Carson], ou Kelly ».
Pour Breibart News, citant le New York Magazine du 3 janvier, c’est encore plus simple : Fox News choisirait une journaliste conservatrice pro-Trump. En lice : Trish Regan, Shannon Bream, Sandra Smith, Martha MacCallum, et Kimberly Guilfoyle.
Gabriel Sherman, du New york Magazine concluait pour sa part : « la sélection d’une présentatrice pro-Trump suggèrerait que Fox… planifie de s’aligner sur la nouvelle administration [Trump]. Après son hostilité initiale, Murdoch recherche les faveurs du Président-élu. Mes sources m’ont précisé que c’est bien Murdoch qui a personnellement nommé le pro-Trump Tucker Carlson en remplacement de Greta Van Susteren pour le créneau de 7 heures du soir ».
Fox News vient de donner sa réponse le 5 janvier : c’est Carlson, avec son style pugilistique, et sa dialectique, qui se voit attribuer le créneau horaire de Megyn Kelly… Martha McCallum le remplaçant à 7 heures du soir. Bref un jeu de pousse-pousse au pays de 21st Century Fox.