« Poussée écologiste », « vague verte indéniable », « raz-de-marée vert », sourires sur les plateaux de télévision, ton heureux des voix dans les studios de radio : la réussite électorale des verts contente des journalistes dont le mode de vie est le même que celui des élus et électeurs Verts ou LREM. Petite revue de presse d’un Matin Vert.
Dans un contexte favorable, avec les propositions de la convention citoyenne sur le climat, des électeurs mobilisés par des années de propagande scolaire et médiatique, une pandémie mondiale et un record de l’abstention, les écologistes rouges verts d’Europe Écologie Les Verts sont presque unanimement présentés par les médias comme ayant gagné le 2e tour des élections municipales du 28 juin 2020. Il est vrai qu’EELV prend des villes comme Lyon, seconde plus importante métropole de France, Strasbourg, Bordeaux, Besançon, Poitiers, Tours, Annecy… Une quinzaine de villes de plus de 30 000 habitants sur 260 en réalité, ce qui devrait conduire malgré tout à relativiser.
Ce ne fut pas le cas lundi 29 juin 2020 dans les médias : comme la veille au soir, le vert était partout. Il est vrai que les verts sont par nature partout dans les médias. Par exemple, le mentor actuel d’EELV a pour compagne Isabelle Saporta, ancienne voix importante de RTL. Ce fut l’élection des CSP + des métropoles : un sympathisant sur deux de LREM est allé voter, contre… LREM donc.
Sur Franceinfo, dimanche soir et lundi matin, ce fut du vert à tous les étages : « poussée », « raz-de-marée », « vague », « claque donnée à LREM »… Insistance très forte sur les lieux symboliques, comme la ville de Bordeaux où « l’écologie prend la place d’une droite qui gère la ville depuis 1945 ». Insistance tout aussi forte au sujet de Marseille. Marc Fauvelle ne juge pas normal que la candidate LR qui n’est pas arrivée en tête en nombre de voix soit en situation de gagner au 3e tour des élections, celui du maire par les conseillers municipaux. Il s’agit cependant de la règle du jeu, que l’on peut vouloir changer mais qui est la simple règle, cette dernière méritant sans doute d’être rappelée de manière neutre par un média tel que Franceinfo. Dans la matinée du lundi 29 juin, certaines voix invitées tentent d’ailleurs de relativiser. Anne Rosencher, par exemple, directrice de la rédaction de L’Express, pour qui le vote écologiste est un vote « sécessionniste des csp + », celui des « winners de la mondialisation qui veulent un cadre de vie agréable, loin de ceux qui ont besoin de la bagnole ». Plus, sur Franceinfo on insiste : « L’union de la gauche passe maintenant par l’écologie ».
France Inter voit une « déferlante verte »
France Culture : « Une vague verte inédite en France »
Le Monde montre son enthousiasme en confiant l’analyse du résultat vert à Abel Mestre, normalement spécialiste de l’extrême droite. Le titre : « Municipales 2020 : une vague verte historique déferle sur les grandes villes françaises ». Les écologistes deviennent « une force politique de premier plan ». Abel Mestre ne masque pas un certain enthousiasme : « Car les résultats de dimanche rebattent les cartes à gauche. Le Parti communiste durablement affaibli par de nombreuses pertes de bastions – Saint-Denis, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), Choisy-le-Roi, Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) en banlieue parisienne, mais aussi Arles (Bouches-du-Rhône) ou encore Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) – et la quasi-absence de La France insoumise lors de ce scrutin laissent les écologistes en tête-à-tête avec le Parti socialiste. Avec la razzia verte, une inversion du rapport de force est en train de se mettre en place. Les écologistes devenant la force principale, non pas par le poids de leur appareil, mais en imposant leurs thèmes. ».
L’enthousiasme se veut prophétique : « L’élection municipale de cette année a pu ainsi être une sorte de répétition générale ayant permis de tester la formule gagnante puisque les Verts ont été à la tête de nombreuses coalitions, le PS acceptant de se retrouver derrière EELV. Un tel schéma pourrait très facilement se décliner lors de la présidentielle de 2022 avec un candidat écologiste soutenu par le PS. »
D’ailleurs, dans Le Figaro cette dernière idée est affirmée par Olivier Faure, le 1er secrétaire du PS.
L’autre titre important sur le sujet dans le quotidien : « Municipales : Marseille, Lyon, Bordeaux, Strasbourg… Ces grandes villes où les écologistes l’ont emporté. Porté par une impressionnante vague verte, EELV revendique de nombreuses victoires au soir du second tour. »
Dans Le Parisien, « La France se met aux verts ».
Les Dernières Nouvelles d’Alsace voient une « déferlante ».
Le JDD : « Vague verte, bérézina pour LREM, stabilité de la droite »
L’Humanité retrouve des couleurs : « EELV. La vague verte et pastèque déferle sur les plus grandes agglomérations. Le journal communiste considère que cela va « modifier le paysage politique ».
Pour L’Opinion : « la « vague verte » a déferlé au-delà des espoirs d’EELV »
Libération : « Vague écolo : c’est ce soir que tout commence »
La Croix : « Vague verte et raz-de-marée abstentionniste »
20 Minutes : « Les grandes villes passent au vert »
Dans Marianne, « Des maires verts poussent partout en France ».
Pour L’Obs, ce fut une « vague verte », « historique », « Une vague verte sans précédent », « Une rafle ».
Pour LCI : « Une marée verte » sur les métropoles.
Sur CNews, c’est d’un « triomphe » dont il s’agit. Et même d’un triomphe qui « met Emmanuel Macron au défi ».
Sur France 24 : « Municipales 2020 : après la vague verte, le retour de la gauche au premier plan ? »
BFM : « La vague verte déferle sur les municipales »
Plus rarement, un peu moins d’enthousiasme :
Valeurs Actuelles : « Les écologistes se distinguent, LREM s’effondre ».
Challenges : « Municipales : Bordeaux, Marseille, Lyon, ces grandes villes tombées dans l’escarcelle des écologistes ».
Europe 1 : « La percée verte, un certain bouleversement politique »
Présent : un article incisif, « Les Verts Rouges s’installent à l’échelle locale »
Dans l’ensemble, la couverture est massive, alors qu’EELV n’a gagné au fond qu’une quinzaine de villes, dont certaines lui sont idéologiquement acquises pour des raisons sociologiques (les grandes métropoles) et dans un contexte très favorable, entre éducation verte à l’école et « panique » mondiale devant le coronavirus.
La couverture est aussi globalement joyeuse tant il apparaît évident que nombre de journalistes des médias convenus se reconnaissent dans le courant vert rouge. Peut-être aussi dans la dizaine de premiers élus obtenus par le Parti animaliste dans les conseils municipaux d’une dizaine de villes.
Du coup, les autres éléments importants de la soirée électorale, s’ils sont indiqués, le sont de façon secondaire :
- L’importance record du taux d’abstention, et surtout son rôle dans les victoires vertes
- Le relatif maintien du poids du RN, et l’importance de sa victoire à Perpignan, mais aussi à Moissac, petite ville de 13000 habitants qui est reconnue par Israël pour avoir des « Justes », ayant entre autres caché les Cohn-Bendit durant la 2e Guerre Mondiale. Franceinfo a tenté de savoir si le nouveau maire se sentait « dédiabolisé » en gagnant une commune marquée comme n’étant pas d’extrême droite. Ce dernier a simplement répondu qu’il allait donner une reconnaissance véritable aux Justes et qu’il n’est pas un « diable ».
- Le poids accru des écologistes se fait dans un cadre plus large d’un retour des sociaux-démocrates de gauche. Une joie à cette idée perce dans la voix de la majeure partie des commentateurs médiatiques.