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Désintox sur l’émission 28 minutes sur Arte : l’objectivité en berne

3 janvier 2018

Temps de lecture : 5 minutes
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Désintox sur l’émission 28 minutes sur Arte : l’objectivité en berne

Temps de lecture : 5 minutes

[Red­if­fu­sion – arti­cle pub­lié ini­tiale­ment le 15/11/2017]

La chaine Arte organise fin 2017 une campagne de publicité pour l’émission « 28 minutes », sur le thème : « Le magazine qui regarde l’actualité en vous montrant ce qu’il y a derrière ». Au travers de quelques exemples, l’Observatoire du journalisme débusque la fausse objectivité de la rubrique Désintox et un vrai parti pris dans le choix et le traitement des sujets.

Le 3 mai, c’est la con­fu­sion des chiffres sur les deman­deurs d’asile accueil­lis en France qui est débusquée. La fausse vérité serait une déc­la­ra­tion du porte-parole d’Emmanuel Macron pen­dant la cam­pagne élec­torale : « la France doit pren­dre sa juste part dans l’accueil, fixé à trente mille au niveau européen. On est à 6 ou 7 000, ce qui est loin d’être le raz de marée décrit par les représen­tants du Front nation­al ».

La jour­nal­iste pré­cise à juste titre que les chiffres con­cer­nent les deman­deurs d’asile que la France s’est engagée vis-à-vis de la Turquie à « relo­calis­er ». Elle indique égale­ment que le nom­bre des « relo­cal­i­sa­tions » effec­tives de la Turquie vers la France con­cern­erait 3 400 per­son­nes et non 7 000 comme l’indique le parte parole d’En marche.

Si l’objectif était de rétablir la « vérité » sur le nom­bre de deman­deurs d’asile, on peut s’étonner que la jour­nal­iste ne cite que le nom­bre de « relo­cal­isés » et les 32 000 visas human­i­taires délivrés par la France en 2016. Alors que pour estimer si la France fait sa « juste part » ou fait face à un « raz de marée », il est indis­pens­able d’annoncer le nom­bre de deman­des d’asile reçues par la France : 100 000 en 2016. Des chiffres bien loin des 3 400 réfugiés relo­cal­isés indiqués par la journaliste.

Le 19 juin, Nico­las Dupont-Aig­nan est épinglé pour avoir pub­lié un com­mu­niqué indi­quant que «  la com­mis­sion européenne vient de lancer une procé­dure à l’encontre de la République tchèque, de la Hon­grie et la Pologne au motif que ces pays n’auraient pas accueil­li un assez grand nom­bre d’immigrés par­mi les mil­lions qui arrivent chaque année dans l’Union ».

Pour décoder et démon­ter l’affirmation de M. Dupont Aig­nan, la jour­nal­iste relève le faible nom­bre de migrants — quelques mil­liers — que ces pays doivent et ont accueil­li au regard des 160 000 qui doivent être relo­cal­isés en Europe dans la cadre de l’accord avec la Turquie. « On est loin donc des mil­lions dénon­cés par Nico­las Dupont Aig­nan » con­clut la journaliste.

Si l’on se sou­vient à la fin de la « démon­stra­tion » de la jour­nal­iste des ter­mes du com­mu­niqué de NDA, on retient que le leader de Debout la France :
— con­damne les sanc­tions que veut pren­dre la Com­mis­sion européenne, qu’il juge infantilisantes,
— indique que l’Union européenne accueille chaque année des mil­lions d’immigrés.

Selon les derniers chiffres con­nus, l’Union européenne a accueil­li 2,4 mil­lions de citoyens de pays tiers en 2015 (sta­tis­tiques d’Eurostat repris­es par Le Parisien). Il faut aus­si y ajouter les nom­breux clan­des­tins qui passent entre les mailles des sta­tis­tiques, comme le soulig­nait Euronews en octo­bre 2015. Des élé­ments apparem­ment nég­lige­ables pour Arte quand il s’agit de min­imiser le phénomène migra­toire. Sor­tir une par­tie de phrase de son con­texte pour la démon­ter, un grand exer­ci­ce d’ «objec­tiv­ité journalistique ».

Le 19 octo­bre, c’est l’évolution des cen­tres de réten­tion admin­is­tra­tive qui est passée au crible. En matière de dys­fonc­tion­nements dans l’éloignement des sans-papiers, « la faute reviendrait aux social­istes selon Eric Ciot­ti ». La déc­la­ra­tion incrim­inée du député Les Répub­li­cains : « La respon­s­abil­ité, elle est surtout sur le gou­verne­ment social­iste qui avait qua­si­ment annulé le place­ment dans les cen­tres de réten­tion ». Selon la jour­nal­iste d’Arte, ces cen­tres ne se sont pas vidés pen­dant le dernier quin­quen­nat. Elle cite une esti­ma­tion de la CIMADE, qui évoque un « enfer­me­ment mas­sif », qui con­cern­erait jusqu’à 28 000 per­son­nes. La jour­nal­iste évoque néan­moins la loi du 7 mars 2016 « qui fait de l’assignation à rési­dence la mesure de droit com­mun pour les étrangers en instance d’expulsion ».

Si l’objectif était de tra­quer des idées fauss­es sur l’éloignement des sans-papiers, force est de con­stater, à l’instar du député des Alpes mar­itimes, que le nom­bre de places dans les cen­tres de réten­tion – 1 755 — est resté dérisoire à l’issue du quin­quen­nat social­iste, au prof­it de l’assignation à rési­dence. Ceci au regard des 90 000 à 100 000 clan­des­tins arrêtés chaque année, men­tion­nés par Le Figaro dans un arti­cle pub­lié en octo­bre.

Là aus­si, l’angle du décodage fait l’impasse sur une mise en per­spec­tive des enjeux de la poli­tique migra­toire : le nom­bre de clan­des­tins sur le ter­ri­toire, le nom­bre d’arrestations, les moyens alloués et le nom­bre d’éloignements sont passés sous silence. Le résul­tat est que l’on pense que le dis­posi­tif d’éloignement français à par­tir des cen­tres de réten­tion tourne à plein alors qu’il est mar­gin­al au regard du nom­bre de per­son­nes qui pour­raient être concernées.

Le 6 novem­bre, « c’est le nom­bre d’élus locaux au sein du FN qui (est) passé au radar ». La jour­nal­iste s’appuie sur l’évolution du nom­bre de départs et de démis­sions d’élus de cette for­ma­tion poli­tique depuis les dernières élec­tions munic­i­pales. Celui-ci serait plus élevé dans le par­ti fron­tiste que dans les autres par­tis. Ce qui amène la jour­nal­iste à con­clure que le FN n’est pas un par­ti comme les autres. L’image de fin est une Marine Le Pen sous perfusion.

Sans remet­tre en cause ces chiffres, on peut s’interroger sur l’échantillon retenu : pourquoi se lim­iter à cette échelle de temps et aux seuls élus locaux ? L’objectif de la jour­nal­iste est-il de démon­tr­er que le par­ti fron­tiste est en perte de vitesse ? Selon France Info en 2015, « depuis 2012, le FN a mul­ti­plié par 11 son nom­bre d’élus ». Même avec des défec­tions, la ten­dance sur plusieurs années est à la hausse. La jour­nal­iste d’Arte choisir­ait-elle les indi­ca­teurs en fonc­tion de ce qu’elle veut démontrer ?

Sous cou­vert de « débus­quer toutes les intox qui vien­nent pol­luer le débat pub­lic », l’émission Dés­in­tox, co pro­duite par Libéra­tion et la chaine publique cul­turelle, entre­tient les approx­i­ma­tions et sélec­tionne cer­tains sujets en fonc­tion du mes­sage qu’elle veut faire pass­er. Et elle ajoute de fait de la pol­lu­tion dans le débat public.

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