Après l’éviction d’Aude Rossigneux et les soucis du « management à la Bolloré » plutôt inattendus dans un média s’affirmant de gauche et anti-libéral, voici que Le Média, la télévision de Mélenchon qui se défend de l’être se déchire sur la pub. L’argent n’a pas d’odeur, et permet de mieux remplir les caisses que le discours du Chef, mais les socios (associés fondateurs du projet) – ainsi qu’Alain Badiou, ne sont pas d’accord.
Les socios, eux ont signé pour un média « anti-système et anti-libéral ». Et se retrouvent au bout du compte avec un média qui « évalue la valeur de [ses] sites selon le modèle dominant » du 13 au 30 mai. L’énième soumission est habillée des cache-misères classiques : c’est provisoire, expérimental et limité à la pub « éthique ».
De quoi susciter l’ire de nombreux socios – qui ont cotisé pour Le Média, sans avoir pourtant le droit à la parole, bien qu’ils soient présentés comme des actionnaires participatifs – et d’Alain Badiou, qui s’est fendu d’une volée de bois vert : « En somme, déjà, vous rentrez dans le rang. Et vous masquez cette entrée par des antiphrases du genre ‘tester notre valeur’ ou ‘publicité éthique’. J’avoue que je suis très déçu. L’inclusion dans la circulation du Capital, sous la forme directe d’une rente publicitaire, est à l’opposé de tout ce que par ailleurs vous semblez affirmer ».
Brut, ou la révolution mainstream sur les réseaux sociaux
Pendant ce temps, d’autres sont moins tonitruants, mais réussissent mieux leur révolution. Ainsi, Brut, le média français américanomorphe qui ne publie que sur les réseaux sociaux, sera rentable fin 2018 avec un milliard de vues. Et vient de lever 10 millions d’euros auprès d’actionnaires qui ont souhaité rester discrets. La plateforme a été lancée en novembre 2016 par Guillaume Lacroix, Renaud Le Van Kim et Laurent Lucas, respectivement passés par TF1, la direction de Canal+ et « Le Petit Journal » de Yann Barthès ; ils ont été rejoints par Rodolphe Belmer, PDG d’Eutelsat, en février 2018.
Résolument mainstream – Brut se focalise notamment sur le féminisme, la lutte contre les discriminations, l’environnement et autres causes bien en vue et très politiquement correct – et l’international : le média fait 10% de son audience en Afrique francophone, s’est lancé aux États-Unis et en Inde et vise une implantation en Amérique Latine. L’objectif est de devenir numéro 1 de l’information sur les réseaux sociaux d’ici 2020, rien que ça. C’est possible : Brut est déjà dans le top 3 américain, passé devant Vice et Buzzfeed, et numéro 1 en France. Ironie du sort : la régie publicitaire est confiée à France Télévisions qui apporte à Brut un tiers de ses revenus. Quand le vieux monde fait la courte échelle au nouveau…