C’était le feuilleton de l’été entre couinements et gémissements de circonstance, entre larmes de crocodiles du monde libéral libertaire et grèves pour obtenir de juteuses indemnités sous couvert de morale. La majorité de la rédaction du JDD le Journal du Dimanche entrait en transes devant la nomination à la direction de la rédaction de Geoffroy Lejeune, venu de Valeurs actuelles, par Arnaud Lagardère. Deux mois plus tard, le JDD ne se porte pas plus mal sinon mieux et le journal n’est pas devenu un support politique. Visite guidée des numéros des 1er et 8 octobre avec leurs suppléments Femina et le JDD magazine.
De l’art de l’équilibre politique
Plus de 90% de la rédaction est partie, nantie de grasses prébendes, tant mieux pour eux. Le nouveau JDD reçoit des centaines de candidatures et n’aura pas de difficulté à renouveler la rédaction dont une petite partie issue de Valeurs actuelles, mais la majorité sera recrutée ailleurs dans des médias plus traditionnels.
Le boycott annoncé par Renaissance n’a pas tenu longtemps. Dès le premier numéro de la nouvelle formule la ministre de la ville Sabrina Agresti-Roubache donnait un entretien, suivi par le ministre de l’agriculture Marc Fresneau dans le numéro suivant. Dans le numéro du 1er octobre c’est le ministre aux comptes publics Thomas Cazenave qui s’exprime. Le boycott semble encore tenir du côté Nupes, mais avec les bisbilles internes il pourrait craquer rapidement.
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Les portraits politiques louangeurs se succèdent, avec une recherche d’équilibre entre majorité et opposition. Deux pour les possibles candidats LR à la magistrature suprême Laurent Wauquiez et David Lisnard le 1/10 et un à la limite de l’hagiographie de Gabriel Attal, fringant ministre gay de l’éducation le 8/10.
Un support généraliste
Quatre pages ou plus sur le sport, une dizaine de pages sur la culture, trois ou quatre pages sur l’international (et la couverture du 8/10 sur l’attaque du Hamas), deux pages d’opinions, un article sur les chiens, le testament d’un caïd marseillais, un reportage sur les trafics de drogue à Nîmes, le Samu social, la crainte des bouquinistes parisiens menacés d’expulsion par les Jeux Olympiques, la crise du logement, les difficultés des PFG (Pompes Funèbres Générales), quelques titres glanés dans ces deux numéros. Les centres d’intérêt d’un quotidien populaire du dimanche.
Retour de la publicité, ventes stables
Un boycott publicitaire aurait pu entraver un retour à la normale. C’est Bernard Arnault qui avait décrété le retour de la pub dans le numéro du 27/08 avec une pleine page sur Dior, réitérant dans le numéro suivant avec Louis Vuitton. Dans les deux numéros analysés d’octobre, la publicité est bien présente, avec entre autres, Charal, Renault, Carrefour, Kering (groupe Pinault), Chanel, Longchamp, Seiko, Télérama (!) et même La Poste et EDF indiquant que le secteur public ne sera pas absent.
Sur le plan des ventes, les numéros d’août — curiosité oblige — ont enregistré une progression de 22% avec un retour au statu quo ante ensuite. Il est encore trop tôt pour savoir si le changement intervenu aura des conséquences significatives sur la diffusion dans un sens ou dans l’autre.
Le supplément Femina comme son nom l’indique est un superbe portfolio pour les marques de cosmétiques. Le JDD magazine, dont nous avons dit du bien il y a quelque temps lors de son lancement, est à la hauteur avec 14 pages d’un publireportage intitulé « Eau de vie » et un bien joli mannequin.
Nous nous pencherons plus tard sur La Tribune du dimanche de Rodolphe Saadé qui veut surfer sur la vague. Au total pas de révolution au JDD, mais une évolution, les contempteurs comme ceux qui espéraient un média engagé seront déçus, c’est peut-être une bonne définition du journalisme…
Voir aussi : Geoffroy Lejeune, portrait