Première diffusion le 5 janvier 2023
Rapidement qualifié de « ministère de la Vérité » orwellien par les Républicains et même par une partie de la presse démocrate, le Conseil de gouvernance de la désinformation (Disinformation Governance Board, DGB), suspendu en mai, ne sévit pas, mais sa mission est de plus en plus réalisée par l’Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures (CISA), rattachée comme le DGB mort-né au département de la Sécurité intérieure des États-Unis.
Royaume-Uni/USA même combat
L’éphémère directrice du DGB, Nina Jankowicz, a retrouvé un emploi de ce côté-ci de l’Atlantique, au Royaume-Uni, au Centre pour la résilience de l’information (CIR), une association à but non lucratif qui se vante de « contrer la désinformation, exposer les violations des droits humains et combattre les comportements en ligne pouvant nuire aux femmes et aux minorités ». De ce fait, Jankowicz a dû en novembre se déclarer « agent étranger » auprès des autorités américaines.
Une CISA créée par Trump puis élargie
Quant à la CISA, elle avait été créée en 2018 par le président Donald Trump en tant qu’agence fédérale chargée de renforcer la cybersécurité et la protection des infrastructures à tous les niveaux du gouvernement et en coordination avec les États de la fédération américaine. Seulement depuis, sous l’administration Biden, son rôle semble s’être beaucoup élargi ainsi que l’a dévoilé une enquête journalistique de l’Intercept publiée le 30 octobre dernier.
La CISA se concentre désormais davantage sur la « désinformation » après le remplacement en janvier 2021 de son groupe de travail chargé de contrer les influences étrangères par une équipe « Misinformation, Disinformation and Malinformation » (mésinformation, désinformation et malinformation).
« Infrastructures cognitives »
En novembre 2021, la nouvelle directrice de la CISA nommée par le président Biden, Jen Easterly, a déclaré lors d’une conférence :
« On pourrait argumenter que nous travaillons dans le domaine des infrastructures critiques. Or les infrastructure les plus critiques sont nos infrastructures cognitives. Je pense donc que construire cette résilience à la désinformation est extrêmement important. »
Jen Easterly fait partie des responsables de l’administration Biden à laquelle une cour de district avait ordonné en octobre de venir déposer sous serment dans le procès intenté par les procureurs généraux du Missouri et de la Louisiane contre les membres de l’administration fédérale accusés de s’être entendus et d’avoir contraint les entreprises de médias sociaux à « supprimer les intervenants, les points de vue et les contenus défavorables » ou ce qu’ils considéraient comme étant de la « désinformation » concernant la pandémie de Covid-19. Plus récemment, le 9 décembre, un juge fédéral a estimé qu’il n’était pas nécessaire qu’Easterly vienne déposer en personne et qu’elle pouvait se contenter d’envoyer des dépositions écrites face à l’accusation qui qualifie l’agence sous ses ordres de « centre névralgique de la censure pilotée au niveau fédéral ».
Une expression reprise fin novembre par le sénateur républicain Josh Hawley, qui enquête sur le projet avorté de Conseil de gouvernance de la désinformation (DGB) de Joe Biden.
CISA+Facebook+Twitter (l’ancienne version pour ce dernier)
Et de la même manière que ce DGB avait planifié, avant sa suspension en mai, des réunions avec les dirigeants des entreprises de médias sociaux, la CISA a entretenu des rapports étroits avec les Facebook et autres Twitter. Le comité consultatif du département de la Sécurité intérieure pour la CISA avait en son sein des personnalités comme Vijaya Gadde, la responsable d’origine indienne de la politique juridique, de la confiance et de la sécurité de Twitter qui a fait partie des dirigeants de Twitter immédiatement remerciés par Elon Musk et dont on a aujourd’hui la confirmation, avec les « Twitter files » divulgués par le nouveau propriétaire du média social, qu’elle avait joué un rôle clé dans la décision de censurer le scoop sur le contenu de l’ordinateur portable de Hunter Biden publié quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2020 par le New York Post.
En juin 2022, ce comité consultatif du département de la Sécurité intérieure a rédigé un rapport à l’intention de la directrice de la CISA, dans lequel il préconise un rôle élargi de l’agence dans l’élaboration de l’« écosystème de l’information ». Comme l’écrivait l’Intercept à la fin du mois d’octobre, « ce rapport demande à l’agence de surveiller étroitement “les plateformes de médias sociaux de toutes tailles, les médias grand public, les informations câblées, les médias hyper partisans, les radios de discussions et débats et autres ressources en ligne”. Il a fait valoir que l’agence devait prendre des mesures pour mettre fin à la “diffusion d’informations fausses et trompeuses”, en mettant l’accent sur les informations qui sapent “les institutions démocratiques clés, telles que les tribunaux, ou d’autres secteurs tels que le système financier, ou les mesures de santé publique.” »
On sait aujourd’hui que, encore plus que le FBI, la CISA a eu de nombreux échanges avec les médias sociaux pour en faire censurer les contenus.
Orwell 2023
Mais la CISA n’est pas le seul instrument de censure employé par l’administration Biden après l’échec du projet de « Conseil de gouvernance de la désinformation ». Voici ce qu’on pouvait lire le 9 juillet dernier dans un éditorial publié par le très respecté média du Capitole, The Hill, sous le titre « Le dernier plan de l’administration Biden concernant les discours en ligne est aussi orwellien que le précédent. » :
« Le département de la Sécurité intérieure semble déterminé à créer un ministère américain de la Vérité. Sa première tentative a eu lieu en avril lorsqu’il a annoncé la création d’un conseil de gouvernance de la désinformation (DGB). Cet effort a été heureusement “mis en pause” après trois semaines désastreuses dans la presse. Suspendu, mais pas oublié. Un nouvel effort de l’administration Biden est en cours pour ressusciter l’esprit du DGB de manière fragmentaire et le faire passer par la grande porte. Le 16 juin, l’administration Biden a publié un mémorandum sur le groupe de travail de la Maison Blanche chargé de lutter contre le harcèlement et les abus en ligne. Ce nouveau groupe de travail représente un autre partenariat avec le département de la Sécurité intérieure et une douzaine d’autres départements. (…) [Ce mémorandum] appelle à “élaborer des programmes et des politiques pour lutter contre… les campagnes de désinformation ciblant les femmes et les personnes LGBTQI+ qui sont des personnalités publiques et politiques, des dirigeants gouvernementaux et civiques, des militants et des journalistes” »
Les microagressions et les affronts contre les minorités
Et comme le gouvernement communiste chinois, le gouvernement fédéral américain mise aussi sur l’intelligence artificielle pour contrôler la parole. Le Washington Free Beacon nous apprenait ainsi le 21 décembre que « l’administration Biden s’apprête à octroyer plus de 550 000 dollars de subventions pour développer un modèle d’intelligence artificielle capable de détecter automatiquement et de supprimer les microagressions sur les médias sociaux, selon les dossiers de dépenses du gouvernement. (…) Les chercheurs développent des modèles d’apprentissage automatique capables d’analyser les messages des médias sociaux afin de détecter les préjugés implicites et les microagressions, communément définis comme des affronts qui offensent les membres de groupes marginalisés. »
De même que le projet de « Conseil de gouvernance de la désinformation » avant elle, cette subvention est vertement critiquée par les organisations conservatrices et de défense de la démocratie et des libertés, telle Judicial Watch dont le président Tom Fitton a déclaré qu’il s’agit là d’un « projet visant à faciliter la censure de la parole par leurs alliés gauchistes ».