Rediffusion estivale. Première diffusion le 16 février 2021
Didier Lemaire est un professeur dont on aurait pu ne jamais entendre parler. Sa discipline, la philosophie, le prédisposait à donner à ses élèves des outils leur permettant d’aiguiser leur esprit critique et à les initier à l’histoire des idées. Son expérience dans un lycée de la commune de Trappes dans les Yvelines l’a amené à faire plus que son métier. Il a voulu alerter l’opinion publique et le gouvernement sur la progression de l’islamisme dans le secteur où il travaille. Mais 4 mois après l’assassinat sauvage d’un professeur d’histoire par un islamiste à Conflans-Sainte-Honorine, l’alerte qu’a voulu lancer Didier Lemaire n’est pas du goût de tout le monde. En particulier dans certains médias.
La lettre ouverte parue dans L’Obs
L’élément déclencheur de l’emballement médiatique autour de Didier Lemaire est la publication d’une lettre ouverte sur le site de L’Obs le 1er novembre 2020. Le professeur de philosophie y fait à partir de son expérience de terrain le constat de l’absence de véritable stratégie de l’État pour endiguer la progression de l’islamisme. Il lance pour l’occasion un « appel à la résistance ».
L’Obs mentionne en introduction de la tribune une autre démarche faite par le professeur de philosophie : l’envoi en 2018 d’une lettre d’alerte au président de la République sur la situation dans certains établissements scolaires co-signée par Jean-Pierre Obin, un inspecteur de l’Éducation nationale, par ailleurs auteur d’un rapport qui a fait date au début des années 2000 sur les atteintes à la laïcité à l’école. Mais si cette lettre ouverte a cette fois beaucoup fait parler d’elle, la démarche du professeur est, comme nous le verrons plus tard, loin d’avoir atteint son objectif.
Le reportage de Nieuwsuur
Les ennuis de Didier Lemaire ont véritablement commencé selon ses propos rapportés par le JDD après la diffusion fin janvier 2021 d’un reportage du magazine Nieuwsuur à la télévision néerlandaise, dans lequel il apparait lors d’une interview. Le professeur de philosophie y fait une nouvelle fois le constat de l’emprise croissante de l’islamisme dans la ville où il enseigne. C’est à partir de la diffusion de ce reportage qu’il aurait commencé à faire l’objet de menaces.
Quelques jours plus tard, Didier Lemaire témoigne dans un article du Point paru le 5 février. On y apprend que désormais, le professeur se rend au travail sous escorte policière car, « comme Samuel Paty, il a voulu défendre les principes républicains ».
Sur le plateau de LCI le 7 février, il décrit les réactions hostiles de la part de certains de ses élèves suite à son alerte dans L’Obs ainsi que les changements dans la ville de Trappes où il enseigne depuis une vingtaine d’années.
Tir de barrage islamo-compatible
Très rapidement, les réactions à l’alerte du professeur fusent. Du monde politique : Benoît Hamon apporte notamment sur Twitter son soutien au maire, de la même obédience politique que lui. Un maire qui serait « menacé ». Chacun jugera qui, du professeur, ou du maire qui n’a pas hésité à dénoncer la démarche de Didier Lemaire, mérite le plus de soutien.
Audrey Pulvar, l’ex journaliste passée à la politique à Paris, jamais avare quand il s’agit de distribuer des bons points, incite le 13 février sur Twitter ses « followers » à lire les articles du Monde et de Libération :
« Le professeur D.Lemaire y réaffirme, lui-même, ne pas être menacé. Mais qui s’intéresse encore à la vérité ? ». Les faits que le professeur de philosophie a voulu dénoncer : il s’agit d’un « emballement » que décriraient très bien Le Monde et Libération.
Que nous disent ces articles ?
Celui du Monde du 13 février auquel l’ex journaliste fait référence fait état d’un « boulevard » que donnerait cette « polémique » au candidat LR pour les élections municipales à Trappes qui devraient être prochainement organisées pour cause d’irrégularité lors du dernier scrutin. En résumé, une manipulation politique.
L’article de Libération évoque notamment les « multiples fantasmes » dont ferait l’objet la commune. Il s’agit à la fois de déporter l’alerte du professeur sur le terrain politique (sous-entendu : c’est une manipulation) et de la disqualifier, car comme le souligne Libération, « peu de chercheurs viennent sur le terrain ». Si le journal insiste sur la maladresse de la démarche du professeur, il s’appesantit également lourdement sur la « récupération » politique de l’affaire, notamment par Marine le Pen à quelques heures de son débat télévisé avec Gérald Darmanin jeudi 11 mars.
L’exactitude des constats
Ces accusations à l’encontre de Didier Lemaire posent notamment la question de la possibilité même de lancer une alerte sans s’appuyer sur une enquête sociologique « exhaustive », si tant est que cela soit possible, comme a pu le faire l’universitaire Bernard Rougier dans « Les territoires conquis de l’islamisme ».
L’alerte de Didier Lemaire a‑t-elle été maladroite ? Faut-il s’embarrasser de précautions oratoires quand on estime que la maison brûle ? La polémique médiatique sur les salons de coiffure réservés aux hommes dans la ville de Trappes est à ce sujet emblématique : en démontant un des arguments de Didier Lemaire sur l’application de plus en plus corsetée de la charia à Trappes, certains médias ont cru faire un travail de « fact checking », de vérification des faits. Pas de chance, la vérification faite par CNews à ce sujet vient apporter de l’eau au moulin de Didier Lemaire.
Le sujet central passé sous silence
Plus largement, alors que la loi sur le séparatisme était en débat au parlement, l’impression qui ressort de cette affaire est qu’elle a détourné des vrais enjeux sur la question. Le maire dont l’élection a été invalidée a su habilement jouer la corde de la victimisation et de l’accusation de stigmatisation des habitants de Trappes, y compris en venant distribuer des tracts dans l’école du professeur.
Pendant ce temps, en dépit des constats faits sur l’emprise croissante de l’islamisme à Trappes, comme ailleurs, notamment dans le livre « La communauté » par deux journalistes du Monde en 2018, peu de médias soulignent que la loi sur le séparatisme en débat au parlement, à défaut de pointer du doigt l’ennemi et de se donner les moyens, risque fort de passer à côté de son objectif.
Pour s’en convaincre, la lecture d’un article de l’Observatoire de l’islamisation est édifiante. Publié le 4 février, il recense de façon méthodique les « 7 pêchés de Gérald Darmanin » qui sont autant de « failles béantes de la stratégie du locataire de la place Beauvau contre l’islamisme ».
La chape de plomb sur la progression de l’islamisme en milieu scolaire
Non seulement les véritables enjeux de la loi sur le séparatisme auront été passés sous silence. Mais c’est aussi la chape de plomb qui pèse dans le milieu enseignant, et plus largement dans le département des Yvelines, comme le souligne Céline Pina dans Causeur, qui risque d’être plus pesante que jamais.
Comme le souligne sur Twitter Thomas Lequertier, en reprenant une enquête menée par la fondation Jean Jaurès « 59 % des enseignants disent avoir déjà observé de la part d’élèves de leur établissement actuel au moins une fois une forme de séparatisme religieux. » Mais toute vérité ne serait pas bonne à dire. En septembre 2020, Europe 1 nous informait que « près de 40% des enseignants déclarent s’auto-censurer ».
Alors que Le Parisien nous informait le 21 octobre, juste après la décapitation de Samuel Paty, que « pour bon nombre d’enseignants, choqués par la mort de Samuel Paty, il est grand temps de lever la chape de plomb qui entoure ce qu’ils vivent au sein de leur classe à cause de la religion », les faits montrent que cette fameuse chape de plomb, une certaine classe médiatico-politique islamo-compatible voudrait la voir refermée très rapidement.
Au final, que restera-t-il de cette histoire ? Didier Lemaire avait envoyé en 2018 une lettre au président de la République pour l’alerter de la gravité de la situation sur l’islamisme qui progresse en milieu scolaire. Ne voyant aucune réponse et la situation se détériorer, il a interpellé l’opinion publique dans l’Obs. Mais le sujet est tellement inflammable que le professeur de philosophie a désormais décidé d’arrêter d’enseigner. Pire, son alerte n’aura pas permis d’infléchir la loi sur le séparatisme qui semble bien faible à désarmer ce phénomène et à tarir sa source, l’immigration débridée.