À la suite d’une forte augmentation des attaques de foyers pour demandeurs d’asile en Allemagne, le chef de l’Office Fédéral de la Police Criminelle pointe l’AfD du doigt dans un entretien.
Holger Münch, le chef du Bundeskriminalamt (BKA ) – l’Office Fédéral de la Police Criminelle allemande implanté à Wiesbaden (Hesse) – a en toute impartialité accordé un entretien au Tagesspiegel (le « Miroir du jour »), un quotidien berlinois diffusé uniquement par abonnement, le 3 septembre 2016 soit quelques jours avant les élections régionales en Mecklembourg-Poméranie Occidentale qui ont consacré une forte percée du parti démocrate, conservateur, libéral, eurosceptique et partisan de la régulation des frontières économiques et migratoires Alternative für Deutschland (AfD). Un article repris par le lendemain par le grand quotidien Die Welt.
Le patron du BKA est en effet très inquiet : l’hostilité à l’encontre des migrants, y compris des agressions, ont fortement progressé dans l’est de l’Allemagne au cours des dernières années.
Deux exemples :
- Le fort développement des « discours de haine, stigmatisants, etc. » sur Internet en général et les médias sociaux en particulier.
- Les attaques de foyers de migrants ont été en constante augmentation au cours de ces dernières années. Et l’année 2016 est bien partie pour battre les records des années précédentes : le BKA a en effet déjà enregistré 705 attaques de foyers depuis le début de l’année, dont 57 incendies volontaires et 67 autres voies de fait. Une véritable explosion : ce sont seulement 6 incendies volontaires qui avaient été enregistrés en 2014.
Les enquêtes visant à identifier les coupables aboutissent dans à peine un gros quart des cas. Mais ces investigations ont déjà permis de constater que les auteurs ne sont pas des « extrémistes » connus de la police, mais « une nouvelle génération » de personnes politiquement motivées. Des personnes intégrées, pas des marginaux.
Qu’en conclut Holger Münch ? Il souligne en premier lieu « le risque de dérive terroriste ». « Cela ressemble à une évolution du type NSU (Nazionalsozialistischer Untergrund = Parti nazi souterrain, cellule terroriste ayant commis des attentats entre 2000 et 2011) ».
Mais sa principale conclusion est que « c’est la faute à l’AfD », ce parti qui « a rendu la xénophobie fréquentable ». Holger Münch inverse la cause et l’effet : ce n’est nullement le désespoir de la population de base exaspérée par le refus catégorique des politiciens de tenir compte de sa volonté qui explique à la fois le profil « normal » des auteurs d’incendies volontaires de foyers de migrants aussi bien que le vote pour l’AfD, c’est le vote pro AfD qui engendre la violence. ..
Ainsi un haut fonctionnaire, de surcroît chef de l’organe suprême de la police, sort de son devoir de réserve une semaine avant des élections importantes pour stigmatiser un parti politique en lice crédité d’une forte progression dans les sondages. L’argument des violences à l’encontre des foyers de migrants a déjà servi – alors qu’aucun lien direct n’a jamais pu être établi – pour lancer des procédures judiciaires à l’encontre de divers responsables de PEGIDA dans le but de casser ce mouvement.
Source : Die Welt, 04/09/2016