Première diffusion le 7 janvier 2021
Le Digital Services Act est rentré en vigueur le vendredi 25 août 2023. Nous republions notre analyse sur le DSA, un instrument de plus au service de la limitation des libertés privées et publiques.
Voir aussi : Conférence de Claude Chollet au Parlement européen
En décembre 2020, la Commission européenne a présenté le « Digital Services Act », deux grands règlements visant officiellement à moderniser la régulation d’Internet. Le premier règlement se concentre sur l’encadrement des plateformes et des réseaux sociaux, « pour mieux lutter contre la haine en ligne et la désinformation ». L’Union européenne ne veut pas toucher au statut d’hébergeur de ces plateformes : elle mise sur des obligations de « transparence des algorithmes » et de « coopération avec les régulateurs ». De quoi s’agit-il ?
Un objectif peut en cacher un autre
Depuis de nombreux mois, l’Union européenne préparait cette « loi sur les services numériques ». Dans la lignée du RGPD, ce nouveau règlement vise en théorie à s’attaquer aux défis posés par les géants d’Internet, à commencer par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Mocrosoft). Serait visée la domination des Gafa sur des pans entiers de l’économie numérique et, de là, sur l’économie tout court. Mais l’autre objectif (plus concret) est de lutter « contre la haine » et la régulation des réseaux sociaux. Ce dernier objectif est, du point de vue de l’UE même si cela n’est pas franchement dit, le plus important.
L’occasion faisant le larron, l’UE trouve l’opportunité de limiter l’expression de qui pense autrement que la doxa bruxelloise, en particulier dans le domaine de ce que l’UE appelle la « désinformation », autrement la simple réinformation, information ou expression d’opinions libres. Il en va de même au sujet de la « haine en ligne » puisque la nature de cette « haine » correspond exclusivement aux caractéristiques et définitions de l’idéologie au pouvoir. En clair : la nouvelle loi vise à combattre ceux que l’UE assimile à ses ennemis.
Devoir de coopération
Les plateformes devraient théoriquement se voir imposer le « devoir de coopérer » pour retirer les contenus signalés comme haineux. Selon le commissaire européen au marché intérieur, très actif dans le cadre de la mise en œuvre du Digital Services Act, du fait de son second volet, le Digital Market Act, ce qui montre combien les deux aspects sont liés dans l’esprit des membres de la commission européenne, « dans bien des cas, l’espace numérique est une zone de non-droit. Il s’agit pour l’Europe de reprendre la main sur les plateformes structurantes. Le fil conducteur du DSA est simple : ce qui est autorisé offline doit l’être online, ce qui est interdit offline doit l’être online. Que l’on parle de contrefaçon, d’antisémitisme, de pédopornographie, de menaces de mort ou de vente de drogues, tous les contenus illégaux doivent être retirés. Les contenus haineux, l’amplification de la violence verbale et physique, la désinformation doivent être identifiés comme tels et traités en conséquence. Tout ce qui est interdit dans l’espace public sera aussi interdit dans l’espace online. »
Bien des questions pourraient se poser. Ainsi, la désinformation à répétition, concernant la covid-19, issue des rangs du gouvernement français à l’époque du premier confinement entrerait-elle dans le cadre de cette loi ? Assurément non puisqu’il s’agit de désinformation officielle, autrement dit de la propagande idéologique dominante ayant vocation à incarner une prétendue vérité. Cette dernière, issue de la nouvelle loi, étant censée structurer le secteur numérique pour les décennies à venir.
Les mesures à venir
Concrètement :
- Les réseaux sociaux auront des « obligations de moyens » quant à la modération des contenus.
- Les plateformes numériques, notamment Twitter, Facebook et Google auraient une obligation de « transparence » concernant la façon dont les algorithmes imposent des contenus en général, publicitaires en particulier.
- Le prétexte de l’assassinat du professeur Samuel Paty est mis en avant afin de démontrer la nécessité de « lutter contre la haine en ligne ». Ce qui est louable, pour peu que la nature de cette haine soit clairement nommée et que la loi n’autorise pas à lutter contre des modes de pensée non haineux. Ce dont il est possible de douter au regard des mésaventures de Renaud Camus, par exemple, quand Amazon tente d’empêcher la vente de ses livres.
- Ce sont les Etats membres qui décident de la définition de ce qu’est un « contenu illégal ». Les gouvernements, donc.
- Les plateformes numériques vont devoir mettre en place des moyens suffisants pour contrecarrer les contenus définis comme étant à abattre, sous peine de sanctions et de lourdes amendes. Les sanctions pouvant aller officiellement jusqu’à un blocage de l’accès à leurs services.
À première vue, la volonté de contrôler le pouvoir exorbitant des GAFAM devrait être une bonne nouvelle. Cependant, tout dépend de pourquoi et qui contrôler. Dans ce cas précis, l’objectif est d’empêcher que des influenceurs interviennent dans des processus tels que les élections américaines ou bien le référendum sur le Brexit. En clair : l’objectif de la commission européenne est de s’assurer que les peuples pensent correctement, votent correctement, s’expriment correctement et consomment correctement. Ces nouveaux règlements ont beau naître discrètement, ils sont une véritable déclaration de guerre contre les libertés des européens. À suivre…