Ou comment traiter ce phénomène inquiétant sans jamais parler d’islam, en évoquant à peine leur confession et en l’expliquant par un « manque d’avenir », une « identité brouillée » et un certain racisme à l’embauche…
Dès le titre du papier, Soren Seelow, journaliste au Monde, annonce la couleur : « À la Meinau, sur les traces des jeunes Strasbourgeois happés par la guerre en Syrie. » Comme l’a relevé Yves Daoudal sur son blog, « on élimine les mots “musulmans” et “jihad”. Exit l’islam, qu’il faut dédouaner à tout prix. Il ne reste que des “jeunes happés par la guerre”. Malgré eux… Le Monde leur dénie leur libre arbitre. »
La suite de l’article n’est que le prolongement du titre. Pas une seule fois, le mot « islam » n’est employé. À peine celui de « musulman » est-il évoqué, rapidement, au détour d’une phrase. Pour le reste, il ne s’agit que de « sept Strasbourgeois, âgés de 23 à 25 ans, (qui) font partie d’un groupe d’une douzaine d’individus qui avaient quitté leur domicile familial pour la Syrie en décembre, prétextant des vacances à l’étranger ». En effet, à la lecture de cette phrase, on les croirait presque partis en vacances entre amis…
Quant à Mourad Fares, le recruteur qui embrigade ces jeunes musulmans vers le djihad en Syrie, il n’est plus, sous la plume du Monde, qu’« un Lyonnais de 29 ans soupçonné d’embrigader des Français sur les réseaux sociaux ». Embrigadés dans quel cadre ? Mystère… À peine le djihad est-il évoqué, sous le nom de « guerre sainte », qui perdra dès la ligne suivante son caractère religieux lorsque l’auteur parlera de « jeunes Français tentés par la guerre civile ». Ils ne sont plus musulmans, juste Français, et partent pour une simple « guerre civile » de routine.
Le pire est à venir lorsque Le Monde évoque la cité d’origine de ces djihadistes. Pour Soren Seelow, « la cité incarne aujourd’hui une expérience relativement apaisée du vivre-ensemble ». Pourtant, quelques lignes plus bas : « Le taux de chômage des jeunes y dépasse toujours les 30 %, les halls d’immeubles sont encore squattés par des gamins en déshérence et les corbeaux qui font festin sur les pelouses sont là pour rappeler que le sens du bien commun s’arrête parfois au balcon. » Vous avez dit « vivre-ensemble » ?
L’article n’évoque aucun responsable de cette situation. Une situation de fait, forcément forgée par une société hostile. D’ailleurs, il s’agit bien de cela lorsque la journaliste en vient à tenter d’expliquer le choix de ces jeunes musulmans. Ils sont victimes d’un « manque d’avenir », souffrent qu’une « identité brouillée » et même, motif suprême, d’un certain racisme à l’embauche en France. Comme si les jeunes français non-musulmans ne souffraient pas d’un cruel manque d’identité et ne subissaient pas également de plein fouet une vague de chômage et de désillusion sans précédent. Pourtant, ces derniers ne partent pas faire le djihad. Qu’importe, ce mot a d’ailleurs été banni du vocabulaire.
Dans les commentaires de l’article, ce sentiment d’avoir été trompé se fait clairement ressentir chez les lecteurs. « Ils ne sont pas happés par la guerre en Syrie, ils sont happés par des sectes qui les envoient en Syrie, sectes financées par le Qatar et l’Arabie Saoudite soutenues par Fabius et Erdogan. Tous les jeunes en déshérence ne partent pas en Syrie », résume Olivier. « Qui en France en 2014 n’a pas une identité brouillée ? », s’interroge Claude. « Être happé signifie être saisi, attrapé brusquement et avec violence. Le titre tend donc à faire croire que ces gens n’étaient pas consentants, que c’est malgré eux qu’ils ont été enrôlés. Je laisse chacun juge de ce qu’implique le choix de ce mot », souligne Marcel. Entre le politiquement correct et la désinformation, la frontière est souvent mince…