[Rediffusions estivales 2017 – article publié initialement le 24/02/2017]
« Nos chouchous sont-ils des monstres ? », telle est la question que les médias officiels semblent se poser depuis qu’a éclatée l’affaire Mehdi Meklat, révélant que les échantillons certifiés banlieue dont ils avaient eux-mêmes promu l’ascension fulgurante — Les « Kids », Mehdi et Badrou —, possédaient aussi un fond idéologique certifié banlieue. Du rififi dans le « Grand Remplacement », ou l’islamo-gauchisme face à ses contradictions.
Il y a six mois, l’OJIM consacrait un dossier à Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, après qu’ils eurent humilié, en compagnie de Widad Kefti, la ministre Laurence Rossignol, au cours d’une interview Guépéou pour le Bondy Blog. « Vous avez pleuré, suite à vos propos ? », se permettait alors le jeune Mehdi, qui, à 24 ans, pouvait se targuer, avec son copain Badrou, de représenter le jeune journaliste le plus positivement discriminé de France (France Inter, Canal+, Arte, Le Seuil), pour un talent, un humour, un style, une culture et une perspicacité dans l’analyse, qui ne terrassaient pas d’évidence l’auditeur ou le spectateur honnête. Nous possédons désormais des éléments supplémentaires sur le contexte dans lequel était posée une si improbable question, qui résonnait d’ailleurs davantage comme une menace semblant insinuer : « J’espère que vous allez pleurer pour de tels propos. » Le propos incriminé ? Avoir parlé des « nègres américains qui étaient pour l’esclavage », à l’heure du débat sur le burkini, argument recevable, mais avec un emploi très discutable du mot « nègre » tenant du contexte historique évoqué, certes, mais tout de même… Alors mille plates excuses avaient été formulées par la ministre pour sa bévue formelle, bien que celle-ci n’inféra pas franchement le fait qu’elle fut passée directement du Ku Klux Klan au PS. Son vrai crime moral, aux yeux du Bondy Blog, était en fait de s’opposer au port du burkini. Aussi, en dépit des excuses, il lui fallait encore expier, et cela au moins jusqu’aux larmes. L’homme qui posait cette question, quant à lui, tweetait tranquillement « Faites entrer Hitler pour tuer les Juifs ».
Grand-remplacez-nous !
Le 1er octobre dernier, Édouard Louis, plumitif surévalué qui s’était fait connaître avec En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil), roman où il décrivait sa jeunesse d’adolescent homo maltraité par les rustres prolos de la France périphérique, maltraitance que certains, parmi la population incriminée, et jusqu’à sa propre famille, affirment être totalement imaginaire, tweetait, donc : « Depuis le temps qu’on lutte et qu’on espère le Grand Remplacement de la vieille France. Bravo Mehdi et Badrou. » On remarquait, à l’époque, que lorsqu’on s’appelait Renaud Camus et qu’on parlait de « Grand Remplacement », fussions-nous un écrivain d’un talent infiniment supérieur au jeune bourdivin prognathe, on était automatiquement détruit socialement ainsi qu’une infâme résurgence de la Bête immonde ; en revanche, si on en parlait en le souhaitant, si au lieu de déplorer qu’il existe, on se mettait à désirer ardemment qu’il existât, personne n’y trouvait rien à redire, du moins, chez les flics de la correction politique. Pourtant si le Grand Remplacement appelé par Édouard Louis avec autant d’excitation qu’un masochiste réclamant son coup de fouet s’accomplissait vraiment, celui-ci risquerait de regretter les prétendues humiliations des blancs prolos du Nord. « Nah Sheitan le mariage gay », affirme Badrou, sur son compte Twitter, signifiant par là que pour des raisons religieuses, il n’est pas spécialement ouvert à la prolifération des drapeaux arc-en-ciel. « Vive les PD vive le Sida avec Hollande », se réjouissait, de son côté, Mehdi. Autrement dit, si le Grand Remplacement peut paraître très agréable au début, il faudrait tout de même qu’Édouard Louis réalise que pour les homosexuels dont il est, cela risque de devenir très douloureux assez rapidement.
Disjonction
Homophobes, racistes, antisémites et regrettant Ben Laden, ils ne sont pas très « Charlie », les Kids devant qui la gauche médiatique se pâmait d’adoration, comme s’il s’était agi des premiers nouveaux nés du prolétariat de substitution qu’elle espérait voir bientôt la remercier, les yeux humides de reconnaissance et les tatanes piétinant les derniers décombres de la « France moisie », cette France périphérique pour laquelle, comme le remarquait Michel Houellebecq récemment, elle n’éprouve désormais plus que de la haine. Non, pas très Charlie, Mehdi Meklat – « Charb, j’ai juste envie de l’enculer avec des couteaux Laguiole » — ou encore : « Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo », une citation du rappeur Nekfeu, un autre François Villon des quartiers, relayant finalement tout simplement l’idéologie diffuse qui y règne, celle d’un islam à la fois assiégé et assiégeant, et nourrissant, notamment en raison de la question palestinienne, un antisémitisme virulent et le complotisme le plus sommaire comme grille d’explication du monde – « Sarkozy = la synagogue = les juifs = shalom = oui, mon fils = l’argent ». En France, en somme, il semblerait que « dans les familles arabes, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère », comme l’affirmait Georges Bensoussan, mené au tribunal pour de tels propos, entre autres par la Licra — dont Alain Finkielkraut démissionnait pour cette raison -, la même Licra qui aujourd’hui porte plainte contre Mehdi Meklat, lequel constitue un indice tout à fait symptomatique de l’analyse que la ligue avait, un mois plutôt, criminalisée ! C’est l’implosion partout, le grand écart, la schizophrénie générale, la disjonction visible, béante, irrattrapable, tout est au rouge, restent le sauve-qui-peut ou l’hypocrisie, l’hypocrisie ou l’acrobatie lamentable.
La jeunesse aimée des médias, la jeunesse niée par les médias
Parmi ceux qui se désolidarisent d’autant plus bruyamment qu’ils sont mouillés jusqu’au cou, on trouve le Bondy Blog et Les Inrocks. Le Bondy Blog ayant été la maison-mère du Meklat, on voit mal comment celle-ci pourrait s’en désolidariser sans une très flagrante mauvaise foi. Ancien du Bondy Blog et auteur des Nouveaux Enfants du siècle, (Le Cerf) Alexandre Devecchio le confirme dans Causeur « La génération de Mehdi Meklat, qui est désormais aux manettes du site, est plus identitaire. C’est la jeunesse des émeutes de 2005 : celle de la désintégration culturelle et de la réislamisation. » Du côté des Inrocks, il faut rappeler que le magazine avait mis Mehdi et Badrou en couverture de leur premier numéro de février, et en compagnie de Christiane Taubira. L’icône alternative d’une nouvelle gauche utopique que révèrent Les Inrocks, entourée de l’avant-garde de cette utopie. Dans le même numéro, un dossier sur la jeunesse FN. La démarche était aussi limpide que frontale : opposer deux jeunesses. Une jeunesse humiliée mais bien décidée à réinvestir le champ de la parole. Une jeunesse raciste et misogyne, complotiste, intolérante, haineuse et vomissant la République. Un seul problème, depuis l’affaire Mehdi Meklat, il est encore plus difficile de savoir laquelle des deux est censée répondre à quelle définition…
La vertu de l’inrockuptible
Pierre Siankowski, dans un édito qu’on sent rédigé dans la panique, fait mine de découvrir ahuri ce qu’il aurait toujours ignoré, et termine tout prêt de pardonner le crime envers lequel il vient grossièrement de prétendre n’avoir jamais eu la moindre complaisance coupable : « Le pardon existe. Il suffit de le demander, sincèrement. Tu en es plus que capable, Mehdi. » Ce tour de passe-passe pour réussir à rejoindre le camp des procureurs, où Siankowski à l’habitude d’avoir son siège, et cela pour faire oublier qu’il se trouvait à l’origine de l’autre côté de la barre, est assez grotesque. Surtout, on découvre subitement un procureur aussi miséricordieux que le Christ, pour des crimes pour lesquels, en général, le magazine de la « gauche branchée » d’il y a trente ans réclame la mort sociale ! On était moins tendre avec Richard Millet, mais il est vrai que les livres de ce dernier ne valent sans doute pas les œuvres de nos nouveaux Flaubert et Balzac des cités. Enfin, l’affaire a révélé d’autres méthodes du professeur de vertu Pierre Siankowski, puisqu’il aurait menacé Arash Derambarsh, maire de Courbevoie, comme celui-ci en témoigne : « Après les retweets de messages dénonçant la Une des Inrocks avec Medhi Meklat sur mon compte Twitter, Pierre Siankowski, patron du journal, m’a contacté par téléphone en me disant : “Reste en dehors de tout ça, sinon on va publier des trucs sur toi dans le magazine”. Et d’ajouter : “C’est là que ça a confirmé ce que je pensais, “Les Inrocks” est devenu un magazine de propagande. Et Pierre Siankowski s’en sert à des fins personnelles pour placer ses amis et les défendre, mais aussi et surtout pour démolir des personnalités. »
Taubira et Médiapart
« J’ai rencontré Mehdi Meklat pour cet entretien, j’avais lu leurs deux livres. Je maintiens qu’ils sont bien écrits. Il y a quelque chose à purger. Il ne peut résider dans un même esprit la beauté et la profondeur d’une telle littérature et la hideur de telles pensées. Il faut purger, curer, cureter. » Voilà comment la lyrique Taubira se justifie, pour Mediapart, de s’être fièrement affichée entourée de deux racistes compulsifs. Dans son langage emphatique, brouillon, puéril et autoritaire, elle propose de « purger, curer, cureter », on aurait pu lui suggérer d’allonger encore sa liste de synonymes, en tout cas, ses formules puent le Goulag. Le fait d’insister sur « la beauté et la profondeur d’une telle littérature », dans un pays qui compte parmi les plus grands écrivains du monde, et en parlant de deux guignols peaufinant leurs rédactions de 3e, prouve à quel point l’ex-Garde des sceaux ignore tout de la beauté, de la profondeur et de la littérature. D’ailleurs, si elle ignorait moins cette dernière, elle saurait qu’au contraire, le génie s’acclimate sans problème, à l’occasion, avec le délire et la haine – cf. Louis-Ferdinand Céline. « Il serait également naïf de ne pas voir que l’attaque se produit alors que Mehdi et Badrou, associés avec Mouloud Achour (le journaliste de Canal+ présentateur du « Gros journal ») pour publier Téléramadan, la revue annuelle “des musulmans qui ne veulent plus s’excuser d’exister”, ont gagné en puissance et en degré de politisation. », remarque l’article de Médiapart. Il semble que Téléramadan soit surtout la revue annuelle des « musulmans qui ne veulent plus s’empêcher d’envahir » et d’imposer leurs mœurs en terre française, mais en tout cas, l’argument est encore un retournement d’une mauvaise foi assez invraisemblable… En gros, ce n’est pas tant que Mehdi soit raciste, le problème, mais plutôt que des racistes méchants, blancs, exploitent les saillies du raciste gentil, arabe, au prétexte de combattre le militantisme identitaire arabo-musulman dans leur propre pays, ce qui en effet sacrément odieux et surprenant. Quand on s’appelle Mehdi, ou bien on est victime de racisme, ou bien on est soi-même un odieux raciste mais, comme ce racisme est dénoncé et qu’on nous le reproche, on est victime de racisme. C’est une rhétorique imparable. L’agneau immolé en toute circonstance.
Pascale Clark grille son monde
Pascale Clark, la marraine des Kids, qui dialoguait très activement avec « Marcelin Deschamps », le fameux « double maléfique » de Mehdi Meklat, affirme de son côté que « tout le monde avec connaissance de ces tweets puisque twitter est en endroit public ». « On a été plein à lui demander d’arrêter », ajoute-t-elle en cramant de la sorte toute la ligne de défense de ses collègues. « Il est hors de question de défendre Marcelin Deschamps, en revanche, oui, je continue de défendre Mehdi Meklat. » C’est un peu comme si la journaliste affirmait : « Adolf Hitler ? Il est hors de question de défendre l’homme politique, en revanche, oui, je continue de défendre le peintre. » Voici en tout cas une nouvelle stratégie de déni promise sans doute à une longue carrière. Nous savions déjà que lorsqu’un Musulman est terroriste, il devient un « déséquilibré ». Nous savons maintenant que lorsqu’un Arabe est raciste, il mute schizophrène. Cette manie de plaider systématiquement la folie est-elle bien raisonnable ?
Acrobatie d’Askolovitch
Askolovitch se montre infiniment plus sophistiqué dans l’analyse des abîmes intérieurs du jeune homme. Ah ! On n’explorait pas avec autant de raffinement la psyché d’un Renaud Camus ! Lorsque Maurice Dantec était épinglé, en 2004, pour un mail aux Identitaires, lui aussi écrivain, lui aussi originaire de banlieue, les mêmes qui aujourd’hui préconisent le divan plutôt que le bannissement, se noyaient moins dans des atermoiements freudiens ou sociologiques. Alors, ça lynchait sec et dans une même franche unanimité ! Mais Askolovitch, face à l’Antonin Artaud maghrébin, ne peut réfréner l’empathie : « Mehdi Meklat, la moitié du couple Mehdi et Badrou, même pas 50 ans à eux deux, ces enfants doués qui faisaient le lien entre la hype, les médias et la vigueur des cités – Mehdi Meklat porte les stigmates de la haine. Lynché par les uns, lâché par les autres, il a été digéré. » Tel un Édouard Louis non pratiquant, Asko ne peut s’empêcher de frémir devant la « vigueur des cités » ! Est-ce de la vigueur que d’osciller entre le fait de tenir les murs en glaviottant et celui de brûler des voitures ? C’est à voir. Quoi qu’il en soit, Mehdi, à nouveau, en raison d’un essentialisme proprement hallucinant et hallucinatoire, retombe toujours victime, même quand il est riche et célèbre à 24 ans, même quand il vomit Charlie et appelle au pogrom. « Dissociation ou logique. Choisir ses cibles. Être vengeur. Dire sa vérité honteuse. Ou se suicider. Ou s’interdire la tranquillité. S’accomplir, ou se nier. Ou tout cela à la fois. Être vrai, en se niant. » : le verbiage creux, grandiloquent, pseudo-foucaldien d’Askolovitch cherche à accomplir la plus spectaculaire des acrobaties intellectuelles : Mehdi n’est plus un monstre, il n’est plus simplement un schizophrène, il devient un héros tragique dont la part sombre éclaire le drame de tout un peuple humilié. Askolovitch ose toujours tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît.
Le Grand Remplacement, c’est lui
« Le Grand Remplacement, c’est nous », déclarait fièrement Meklat en introduction du premier numéro de Téléramadan. Et c’est pour ça que Deschamps twittait : « Les Blancs vous devez mourir asap » (as soon as possible, soit « aussi vite que possible »). Nulle incohérence, nulle rupture, tout cela correspond exactement à la même logique. Une logique de revanche et de conquête de la part d’une population immigrée en sécession d’avec le reste du pays et qui, une fois dépouillée des fantasmes que la gauche médiatique projette sur elle, se révèle pour ce qu’elle est : même pas si monstrueuse que le prétendent les illusionnés déçus, simplement, radicalement autre. Le philosophe Slavoj Zizek reprochait à la gauche contemporaine de n’aimer que des « étrangers lights », vidés de leur véritable altérité. Eh bien, la véritable altérité, ce sont des valeurs et des perceptions en opposition fréquente, et parfois radicale, avec nos valeurs et nos perceptions occidentales. Cette différence induit le fait que selon nos valeurs, l’islam paraîtra toujours misogyne, homophobe, antisémite, violent et intolérant, comme selon l’islam, nos valeurs apparaissent dévirilisées, décadentes, molles et vides. Mais les médias de gauche ne s’intéressent pas à l’autre, ils s’intéressent à leur fantasme. Quand le fantasme révèle une part de réalité : que le soi-disant « vivre-ensemble » recouvre une tension de pré-guerre civile, les médias de gauche fuient un monstre ou diagnostiquent un schizophrène, le tout dans une panique et des contorsions pour le moins risibles. Pourtant, Mehdi Meklat n’est pas schizophrène, ce sont les médias qui sont, eux, hémiplégiques.