Infox, fake news, ère de la post-vérité (si je mens), bombardements de propagandes diverses, inflations publicitaires, nous sommes submergés d’informations, vraies ou fausses. De quoi faire un bon dossier. Celui du Canard, « Infos et usage de faux », est lamentablement raté ou orienté.
Cinq chapitres sur le sujet
Le sommaire était alléchant et nous avait incité à dépenser nos six euros pour ce dossier hors-série : Fake news, arme de guerre ; Fake news arme politique ; le Covid, usine à fake news ; Fake news, comment s’en débarrasser ? ; Les obsessions complotistes. Il y avait beaucoup à dire, à analyser, à rappeler. Mais à la lecture on comprend pourquoi aucun des articles n’est signé : beaucoup de paresse intellectuelle, un progressisme nonchalant et des oublis majeurs et troublants.
Rappel historique
Rappelons que le terme fake news est né dans un contexte politique particulier. Celui d’évènements politiques non-conformes : le Brexit, l’élection de Trump, la possible arrivée au pouvoir de Matteo Salvini, tout ceci au carrefour des années 2016. Des évènements qui n’auraient pas dus se produire selon la doxa libérale-libertaire. Si ces évènements déplorables se sont produits, c’est que le bon peuple a été trompé par de mauvaises informations, les fameuses fake news, propagées par des méchants. Premier avantage : la caste journalistique est innocente ; elle a été victime comme les autres des fake news, ceci pour le passé. Mais de tels évènements ne doivent pas se reproduire, il faut mettre le bon peuple à l’abri des fake news par des filtres. Ceux-ci prennent le nom de fact-checkers, de Decodex, de Check News, de commission Bronner, de Viginum, etc. Protégé des fake news, le bon peuple bien informé votera pour les bons candidats, deuxième avantage, celui-ci pour l’avenir.
Un tissu de poncifs
Dans toute démonologie il faut des diables et des diablotins. Pour le dossier, il y a deux grands diables, Trump et Poutine, en parfaite symétrie. Ils mentent tout le temps à tout le monde, ils sont vraiment méchants. Et puis il y a les diablotins qui batifolent autour : le brésilien Bolsonaro, l’italien Matteo Salvini, un peu Laurent Wauquiez.
Un article bidonnant porte sur le « migrant irremplacement » qui explique (sans rire) que « l’immigration rapporte plus qu’elle ne coûte » ; là où le Canard se fait l’allié du Medef et de l’ouverture des frontières, certains diront étrangement, d’autres s’étonneront moins.
Des oublis tonitruants dont un certain 5 février 2003
Mais le dossier brille surtout par ses absences. Rien sur les faux charniers de Timisoara en 1989 en Roumanie. Rien sur les fausses morts de nourrissons tués dans leurs couveuses lors de la guerre du Koweit en 1990. Rien sur les faux massacres en 1999 au Kosovo qui ont provoqué 78 jours de bombardement sur la Serbie. Rien sur le déclenchement par le couple BHL/Sarkozy, à partir de fausses nouvelles, de la guerre en Libye en 2011, qui a entraîné le déséquilibre de tout le Sahel et d’une partie de l’Afrique. Et surtout rien de rien sur le 5 février 2003, le jour où l’américain Colin Powell monte à la tribune de l’ONU. Il y monte solennellement avec dans sa main une fiole contenant une poudre blanche, de l’anthrax, une arme biologique de destruction massive qui pourrait être utilisée par les menaçantes fusées de Saddam Hussein. C’est le prétexte de l’invasion de l’Irak par l’armée américaine. Il n’y a, on le sait et Powell le savait peut-être, ni armes biologiques, ni fusées en Irak. Quelques vingt ans et plusieurs centaines de milliers de morts plus tard, quelques millions de déplacés et de vies brisées plus tard, pas un mot du Canard sur la fake news américaine du siècle. Un oubli peut-être ?
Voir aussi : Les 10 principes de la propagande de guerre