Incarnant à lui seul les dérives de la télé-poubelle, où règnent la médiocrité, l’humiliation, les moqueries et autres bouffonneries en tout genre, Cyril Hanouna fait face, depuis plusieurs semaines, à une certaine contestation aux allures d’œuvre de salubrité publique, révélant des méthodes de voyou et des comportements ô combien inquiétants.
Acte 1 : La charge de Michel Onfray
Dans cette croisade qui voit grossir ses rangs contre l’animateur de « Touche pas à mon poste », Michel Onfray a, semble-t-il, fait office de craqueur d’allumette.
Dans un entretien au Figaro Magazine le 8 janvier 2016, le philosophe s’en est pris aux modèles proposés aujourd’hui, notamment par la gauche, à la jeunesse. « Aujourd’hui, et ce depuis la gauche, on nous présente des modèles tragiques qui font rêver les jeunes : Bernard Tapie, la Rolex, la Ferrari, Cyril Hanouna, un joueur de foot qui donne des coups de boule, etc., alors qu’il y a soixante ans ou plus, un jeune rêvait d’être médecin, avocat ou professeur d’université, Jean-Paul Sartre ou Maurice Chevalier », a‑t-il estimé.
Pour l’écrivain, « vouloir ressembler à Serge Reggiani ou à Yves Montand, c’est tout de même moins déshonorant que vouloir ressembler à Cyril Hanouna ! » Ainsi, « il est donc logique que de nos jours, la kalachnikov devienne le rêve ultime », avait-il conclu. C’est cette dernière phrase qui a eu le don de faire frémir la bien-pensance médiatique.
Sur Twitter, les fans de l’émission ont défendu leur idole, et le servile chroniqueur Gilles Verdez a même gratifié Onfray et Le Figaro de son « mépris éternel » ! De son côté, Cyril Hanouna n’a pas souhaité répondre au philosophe, l’accusant, dans son émission du 12 janvier, d’être un « islamophobe notoire » et un « manipulateur » qui « dit d’énormes conneries ».
Acte 2 : La « normalisation de l’humiliation »
Début février, c’est le chroniqueur de France Inter Bruno Donnet qui, dans son émission « L’Instant M », dénonçait les pratiques de l’animateur. Revenant sur une émission du 25 janvier où Hanouna avait versé un bol de nouilles chaudes dans le slip d’un de ses chroniqueurs, dans l’hilarité générale, Donnet y désigne une inquiétante normalisation de l’humiliation.
En effet, « humilier quelqu’un, le harceler au travail, c’est interdit par la loi », a‑t-il plaidé, jugeant que dans l’émission de D8, c’est Matthieu Delormeau qui était le souffre-douleur officiel de la bande à Hanouna. Pour Bruno Donnet, la télévision ne devrait pas faire ainsi la promotion de ce genre de comportement « abject et destructeur pour celui qui le subit ». Et d’ajouter : « À l’école, dans la cour de récréation, si un gosse se fait flanquer des nouilles dans le falzar par une bande d’affreux jojos, un adulte intervient. Dans l’émission d’Hanouna, les adultes se réunissent tous les matins pour se demander quelles nouvelles saloperies ils vont pouvoir faire subir à Delormeau le soir-même. »
La question qui se pose désormais est de savoir pourquoi personne ne lève le petit doigt pour mettre fin à ces pratiques, que ce soit sur le plateau où dans les coulisses du groupe Canal +. Pour le chroniqueur de France Inter, c’est simple : « à la télévision, l’audience vous protège de tout, y compris du devoir de ne pas dépasser les bornes. Hanouna est un énorme pourvoyeur d’audience pour D8, donc personne n’a le courage de lui dire que ce qu’il fait avec Delormeau est immonde. » CQFD.
Acte 3 : Plaintes contre l’animateur
Le 8 février, l’affaire jusqu’alors cantonnée aux critiques à l’égard de l’animateur a pris un tournant judiciaire. Julien Cazarre, humoriste et chroniqueur sportif sur Canal+, a en effet déposé plainte contre Cyril Hanouna au commissariat du IXe arrondissement de Paris. La cause ? Le journaliste aurait reçu de nombreux appels téléphoniques malveillants accompagnés de menaces de violences physiques de la part d’Hanouna et de sa chroniqueuse vedette, Énora Malagré, qui vantait en 2013 son « passé de délinquante ». La fine équipe, en somme.
Le Canard révèle que Julien Cazarre a été harcelé par la bande à Hanouna! #depotdeplainte pic.twitter.com/KAYQPdqvAj
— Eric Salliot (@ericsalliot) 17 février 2016
D’après Le Canard Enchaîné, qui révèle l’affaire, l’ancien vendeur de marrons n’aurait pas apprécié de voir Julien Cazarre raconter qu’il avait décliné l’une de ses propositions. Dans France Football, le chroniqueur de l’émission « J+1 » avait en effet déclaré : « Cyril Hanouna m’a appelé, m’a dit qu’il aimait bien ce que je faisais. Malheureusement je ne peux pas en dire autant! C’est pas du tout ma came. Gilles Verdez c’est le dîner de cons et Enora Malagré, c’est la vulgarité à l’extrême. Ça ne m’intéresse pas. »
Pour défendre ses confrères, « Hanouna la menace » n’avait alors pas hésité à lui téléphoner pour lui signifier qu’il allait lui « péter la gueule ». « On sait où t’habites », « On va venir te voir », « Tu ne sais pas qui on connaît », « Tu nous as pris pour des gentils, mais non », lui aurait déclaré l’animateur. « C’est vrai que j’ai pris mon téléphone pour lui parler. Je lui ai dit ce que je pensais, car je défends toujours mes équipes et dans le cas présent Estelle Denis, Enora Malagré et Gilles Verdez ont été blessés par les propos qui ont été tenus dans la presse », a par la suite confessé Hanouna.
Si, depuis, la direction de Canal+ a organisé une « réconciliation forcée » entre les deux hommes si bien que la plainte n’aura, semble-t-il, aucune suite, un autre journaliste de Canal + aurait lui aussi été la cible d’un coup de sang d’Hanouna. Toujours d’après le Canard, Arnaud Ramsay, journaliste à France Football et i>Télé, a déposé une plainte le lendemain de celle de Cazarre pour un cas similaire de menaces téléphoniques. « Hanouna n’arrêtait pas de hurler: ‘On va s’expliquer, je vais venir te défoncer, tu ne sais pas qui je suis, tu vas avoir de gros problèmes, je vais venir te chercher à i>Télé’, etc. », raconte-t-il à l’hebdomadaire satirique.
Cyril Hanouna ne s’en est pas pris qu’à Julien Cazarre selon le Canard pic.twitter.com/XbnN1DKx9m
— Chloé Woitier (@W_Chloe) 23 février 2016
Cette fois, le prince de la télé-poubelle n’aurait pas supporté de voir Ramsay relayer les critiques de Julien Cazarre envers son émission et ses chroniqueurs. D’où ces nouvelles intimidations dignes d’un voyou de banlieue. C’est d’ailleurs quasiment comme cela qu’Hanouna se revendique. Revenant sur l’affaire Cazarre dans son émission, il déclare : « J’ai été sympa avec lui, je lui ai proposé Touche pas à mon sport et je vois que derrière, il me chie dessus. Moi je viens de banlieue. Mes copains, quand un gars parle comme ça de moi, ils me disent : “Qu’est-ce qui lui prend à l’autre, on va aller le voir et on va le démonter”. Heureusement que je suis là pour les calmer. » Ouf.
Acte 4 : Le dossier de Society sur le « caïd » du PAF
Dans son édition du 4 mars, le magazine Society a consacré un dossier de huit pages à l’animateur, témoignages anonymes d’un chroniqueur de l’émission et d’employés de sa société de production (H2o) à l’appui. Dans un premier temps, on y découvre son côté tyrannique et sanguin, parfois à la limite de la dinguerie. Visiblement, celui-ci serait coutumier des menaces téléphoniques. « Il me disait “T’as rien compris, t’es qu’une merde, si t’es pas content je te vire demain, c’est moi le vrai roi du groupe Canal’ ” ou encore “Tu sais combien je pèse?” », a témoigné un employé d’H2o, précisant la faculté de l’animateur à se calmer aussi rapidement qu’il s’était emporté.
Un autre témoin raconte comment Hanouna s’en est pris, un jour, à Jérôme Antony, animateur sur M6, qui avait simplement déclaré qu’il ne regardait pas TPMP. « Putain mais t’es qu’un fils de pute, je vais venir te cramer les couilles », aurait-il lâché au téléphone. Une autre fois, il a lancé à son chroniqueur Bertrand Chameroy : « Arrête de parler d’Obama! Tout le monde s’en branle d’Obama, personne ne le connaît. »
Le plus inquiétant dans le dossier de Society, c’est le témoignage d’un chroniqueur qui nous apprend que son patron est capable de « déféquer dans les pompes d’un chroniqueur, d’uriner dans la poubelle de la productrice ou dans le verre du rédacteur en chef, attendant que ce dernier y trempe les lèvres ». « C’est horrible, poursuit-il, mais dans la boîte, plus personne n’a envie de faire TPMP. (…) Chaque soir, on y va en traînant des pieds parce qu’on sait que quelqu’un en plateau va se prendre une plume dans le cul. »
Sur le plateau de son émission, le lendemain, Cyril Hanouna a préféré botter en touche et jouer la carte de la légèreté : « Chaque saison, on a une petite vague de critiques. C’est bien que l’on parle de TPMP, ça veut dire qu’il n’y a pas d’actualité tragique à côté. C’est une bonne nouvelle pour la société française. (…) TPMP est l’émission qui a la plus grosse communauté derrière elle sur les réseaux sociaux, donc forcément, il y a beaucoup de gens qui s’en servent pour faire parler d’eux. »
Pour lui, son émission c’est « comme une soirée entre potes où tu rigoles, on est restés de grands gamins ». D’ailleurs, il n’a « même pas l’impression de faire une émission de télévision. Je dis juste des conneries, comme dans la vie. » De quoi justifier les menaces, les insultes, les humiliations et les colères pathologiques ? Sûrement pas.
Pour Victor Le Grand, journaliste au magazine Society et co-auteur de cette enquête, « Cyril Hanouna sait très bien que tout est vrai dans notre enquête. Nous avons d’ailleurs des enregistrements pour le prouver. » Pour préserver l’anonymat des témoins, et éviter que les foudres de l’ancien animateur de la colonie « Shalom vacances » ne s’abattent sur eux, ces enregistrements seront vraisemblablement gardés secrets.
Néanmoins, au regard de tous ces témoignages, de toutes ces langues qui se délient les unes après les autres, il convient de se demander combien de temps va durer cette impunité face à ces méthodes de voyous. Probablement encore un moment, quand on sait qu’Hanouna est l’ami de Vincent Bolloré. D’ailleurs, d’après l’une des sources de Society, c’est pour cette raison que l’animateur interdirait à ses chroniqueurs de flinguer les émissions de Canal+. « Son truc, c’est de dézinguer la concurrence directe. L’année dernière, on n’avait pas le droit de dire du bien du Grand Journal, et cette année, on n’a plus le droit d’en parler du tout, parce que c’est Bolloré », a‑t-elle confié.
Pour le plus grand bonheur de ses téléspectateurs décérébrés et le plus grand malheur du PAF, le caïd de la télé-poubelle a, semble-t-il, encore de beaux jours de pitreries devant lui. Des imbécillités grassement rémunérées à hauteur de plus de 100 000 euros par mois. Comme il l’indique lui-même dans ses messages de menaces, il « connaît du monde », le garçon…