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La campagne du Marianne de Renaud Dély. Retour sur les élections

27 juillet 2017

Temps de lecture : 6 minutes
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La campagne du Marianne de Renaud Dély. Retour sur les élections

Temps de lecture : 6 minutes

[Red­if­fu­sions esti­vales 2017 – arti­cle pub­lié ini­tiale­ment le 04/06/2017]

À l’origine fondé par Jean-François Kahn et Maurice Szafran, le magazine républicain Marianne a longtemps eu la réputation d’être un média de gauche ou de centre gauche iconoclaste. Y compris dans le cadre de sa propre famille politique et culturelle. Au point d’être souvent accusé d’être souverainiste ou réac, et d’être exclu par Pascale Clark de sa revue de presse sur France Inter. À l’occasion de la récente présidentielle, quelles furent les positions de Marianne maintenant dirigé par Renaud Dély ? Analyse.

Marianne en campagne avant le 1er tour

À l’approche du 1er tour, le numéro 1045 de Mar­i­anne, daté du 7 au 13 avril 2017, donne un mar­queur clair. La une ? « Dan­ger ! Elle peut gag­n­er ! ». Image plein cen­tre : un pan­neau routi­er « dan­ger » avec en son cœur le vis­age d’une Marine Le Pen inquié­tante. Le mag­a­zine a tou­jours eu ce côté sen­sa­tion­nal­iste, côté qui lui a par­fois été reproché dans le monde libéral lib­er­taire. Le dossier dirigé par Renaud Dély démarre page 10 avec la même image, la même accroche et ces mots : « À deux semaines du 1er tour de la prési­den­tielle, les son­deurs et les experts per­sis­tent à écarter l’hypothèse d’une entrée de Marine Le Pen à l’Élysée. Un aveu­gle­ment général­isé alors qu’à l’évidence la men­ace d’une vic­toire du FN n’a jamais été aus­si forte ». Renaud Dély venait de com­met­tre un essai con­sacré à la can­di­date du FN, La vraie Marine Le Pen. Une bobo chez les fachos (Plon, 2017). De quoi en boost­er les ventes. Comme de celles de cet autre essai paru à la mi-mars 2017, Marine est au courant de tout. Argent secret, finance­ments, hommes de l’ombre : une enquête sur Marine Le Pen (Flam­mar­i­on, 2017), signé Math­ias Destal et Marine Turchi. Le 1er est un jour­nal­iste de Mar­i­anne. No com­ment. Le tim­ing est par­fait. Notons que ce sec­ond essai, paru le 16 mars 2017, for­mait dans le même temps le fond d’un Envoyé spé­cial à charge con­tre Marine Le Pen, dif­fusé ce même 16 mars. Cette opéra­tion née au sein de Mar­i­anne s’inscrit dans une volon­té médi­a­tique général­isée : Marine Le Pen est néces­saire et annon­cée au 2e tour. Le scé­nario des élec­tions est médi­a­tique­ment enclenché, l’oligarchie a besoin de la can­di­date pour assur­er la cer­ti­tude de sa vic­toire au 2e tour. L’heure est à la mobil­i­sa­tion générale. Renaud Dély : «Aujourd’hui, le dis­crédit qui frappe le can­di­dat de la droite et le rejet qu’il sus­cite désor­mais à gauche, et jusqu’aux tré­fonds de la société française, font sans nul doute de François Fil­lon le meilleur agent d’une vic­toire de Marine Le Pen. Le pire n’est jamais sûr. Il est devenu pos­si­ble ». L’ensemble du dossier vise à mobilis­er les troupes élec­torales en vue du 2e tour. Le monde médi­ati­co-poli­tique se pré­pare à faire Front répub­li­cain pro-Macron.

Marianne, lendemain de 1er tour

Ce qui devait arriv­er arri­va. Par la grâce des médias offi­ciels, des images trafiquées, et de sou­tiens fort peu pop­u­laires, Emmanuel Macron s’est retrou­vé au 2e tour des élec­tions prési­den­tielles. Un face à face avec la can­di­date voulue. Cha­cun le sen­tait, ce serait moins facile qu’en 2002 mais la per­spec­tive d’un affron­te­ment avec la can­di­date du Mal était par nature assur­ance de vic­toire pour le camp du Bien. Même sans foules dans les rues mais avec les médias. Dont Mar­i­anne. La cou­ver­ture du numéro 1048 daté du 24 au 27 avril 2017, dans la foulée du 1er tour, est un mod­èle du genre : Macron, le vis­age déter­miné, occupe les deux tiers de la cou­ver­ture tan­dis qu’une petite pho­to de Marine Le Pen est en bas de page. Entre les deux : « Le rem­part ». Le mag­a­zine est devenu un organe de presse sou­tenant le can­di­dat offi­ciel des élites mon­di­al­isées. Le FN est util­isé pour main­tenir la même vision du monde au pou­voir. Mar­i­anne y con­tribue donc avec ce numéro. Le mes­sage est clair : Pour sauver la démoc­ra­tie il faut vot­er Macron. De crainte que les électeurs oublient de se ren­dre aux urnes, Renaud Dély et son équipe insis­tent sur le risque d’une vic­toire de Marine Le Pen. Per­son­ne n’y croit réelle­ment mais la démoc­ra­tie, pour être délivrée du Mal, a besoin de quelques out­rances. Dans son édi­to­r­i­al, Dély évoque « l’irruption aus­si soudaine qu’inattendue d’Emmanuel Macron ». On se frotte les yeux. Tout obser­va­teur, même dis­trait, s’est aperçu que Macron est le can­di­dat des élites mon­di­al­isées et par ric­o­chet des médias offi­ciels. Le dossier joue à se faire peur en évo­quant une « issue incer­taine » pour le 2e tour. Mar­i­anne ne craint aucune exagéra­tion. Les pages con­sacrées à la can­di­date qual­i­fiée pour le 2e tour com­men­cent ain­si : « Marine Le Pen peut lui dire mer­ci. Daech est entré dans la cam­pagne à quelques jours de l’élection du 1er tour ». Rien d’une fake news, un sim­ple fait relevé par un jour­nal­iste. Il faut bien ven­dre, et sinon à quoi bon « un rem­part » ? L’ironie veut que cette expres­sion, Le Rem­part, fut le nom d’un jour­nal des années 30, devenu pétain­iste en 1940, et qui flir­ta avec la Col­lab­o­ra­tion. Gageons que de cela, la rédac­tion de l’hebdomadaire n’a pas idée.

Marianne, lendemain de 2e tour : la démocratie a triomphé du mal

Renaud Dély dans le texte : « Dix ans de déclin­isme pour en arriv­er là. Dix ans de prophéties apoc­a­lyp­tiques, de som­bres pronos­tics sur l’effondrement de la France et de noires prévi­sions sur l’inévitable dis­lo­ca­tion du pays, dix ans “d’identité mal­heureuse” et de “sui­cide français”, bref, dix ans de zem­mourisme tri­om­phant et de buis­son­nisme ardent pour accouch­er du tri­om­phe d’un prési­dent jeune, opti­miste, et europhile. Quelle claque ! L’élection d’Emmanuel Macron, c’est d’abord la défaite du “c’était mieux avant… “, ce refrain pes­simiste qui ponc­tu­ait le débat pub­lic depuis tant d’années. À cette insup­port­able ritour­nelle nos­tal­gique, les électeurs ont préféré le “ce sera mieux demain” porté par le can­di­dat d’En Marche. Un mes­sage posi­tif aux con­tours incer­tains, certes, mais qui tranche avec l’air du temps. Oui, un can­di­dat peut être élu en France en 2017, en agi­tant à la tri­bune ce dra­peau européen que la can­di­date d’extrême-droite fai­sait ôter du décor pen­dant ses inter­ven­tions sur les plateaux télévisés ! ». Du « jour­nal­isme » qui se passe de com­men­taires. La lec­ture suffit.

Voir aussi : Marianne, infographie et Renaud Dély : portrait

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