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Dossier sur le fact-checking en Afrique

27 octobre 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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Dossier sur le fact-checking en Afrique

Temps de lecture : 6 minutes

La désinformation est une source de déstabilisation majeure, surtout dans les pays fragiles, en crise ou en sortie de crise. Raison pour laquelle le fact-checking est fondamental dans la lutte contre la désinformation. Dans ce dossier, des journalistes africains se sont prononcés sur le sujet.

Jamais le dis­cours poli­tique n’aura été observé, analysé, véri­fié avec autant de soin. Cette masse d’informations qui nous parvient chaque jour draine des don­nées plus ou moins sérieuses dont les sources devi­en­nent par­fois sec­ondaires. Experts auto­proclamés, hommes poli­tiques passés maîtres dans l’art de la mise en scène de leur pro­pre fonc­tion, chaînes d’information con­tin­ue à grand ren­fort de spec­ta­cle et de sen­sa­tion­nel, théories du com­plot… la recherche de la vérité est plus néces­saire que jamais. Cette vérité est la pierre angu­laire sur laque­lle repose le pacte répub­li­cain, mais aus­si le chaînon man­quant, sou­vent jugé respon­s­able d’une crise de con­fi­ance insti­tu­tion­nelle globalisée.

La désinformation : une source de déstabilisation majeure

En Guinée Bis­sau, l’évolution des médias et l’accès facile aux réseaux soci­aux observés ces dernières années ont créé des oppor­tu­nités pour un plus grand échange d’informations, mais aus­si favorisé la pro­liféra­tion de la dés­in­for­ma­tion et la dif­fu­sion des dis­cours de haine en ligne. Des dérives qui impactent sur la garantie des droits notam­ment le droit à l’information, sur la cohé­sion sociale et la con­sol­i­da­tion de la paix. « En Guinée Bis­sau, l’engagement des médias pour lutte con­tre la dés­in­for­ma­tion reste lim­ité » explique le jour­nal­iste Bis­sau Guinéen Alberti­no que nous avons joint au télé­phone. Il fait com­pren­dre « qu’il est dif­fi­cile de com­bat­tre la dés­in­for­ma­tion en Guinée Bis­sau, surtout depuis la fer­me­ture de l’unique plate­forme de fact-Chek­ing établie en péri­ode de Covid19 dans le pays ». A l’en croire, «  les jour­nal­istes de la Guinée Bis­sau souhait­ent dévelop­per leurs com­pé­tences dans le domaine de la véri­fi­ca­tion des faits ». De son côté, Dos San­tos abonde dans le même sens en sou­tenant que « cette for­ma­tion est néces­saire ». Car, dit-elle, « les jour­nal­istes doivent relay­er avec pru­dence pour pro­duire des infor­ma­tions de qual­ité avant de les diffuser ».

En Afrique : le fact-checking est fondamental

« Le fact-chek­ing en Afrique est encore en pleine émer­gence, mais il gagne en impor­tance à mesure que l’accès à l’information numérique aug­mente. Avec des plate­formes comme Baloba­ki check en RDC, Pesacheck, de Code for Africa ou Dat­acheck au Camer­oun, l’Afrique s’organise pour véri­fi­er les faits et con­tre la dés­in­for­ma­tion, surtout sur des sujets sen­si­bles comme les élec­tions, la san­té ou la gou­ver­nance » indique Bien­v­enue Adama Atchi­nale, Fact chekeur camer­ounais. Cepen­dant, dit-il, « l’impact reste lim­ité par des défis d’accès aux don­nées fiables, de manque de for­ma­tion pour les jour­nal­istes et de méfi­ance envers cer­taines sources d’information. Pour le directeur de pub­li­ca­tion voix d’Afrique au Togo, Sama Kings­ley« le fact-chek­ing en Afrique est en plein essor, mais il fait face à de nom­breux défis ». Parce que, dit-il, «  plusieurs organ­i­sa­tions émer­gent pour lut­ter con­tre la dés­in­for­ma­tion, notam­ment à tra­vers des ini­tia­tives locales et des parte­nar­i­ats inter­na­tionaux ». Cepen­dant, fait con­stater le jour­nal­iste togo­lais, «  l’accès lim­ité à des ressources fiables et l’infrastructure tech­nologique iné­gale peu­vent entraver ces efforts ». Attes­tant l’importance du fact-chek­ing, il déclare que «  des jour­nal­istes du con­ti­nent com­men­cent à s’informer sur le fact-chek­ing, mais la for­ma­tion et les ressources restent iné­gales ». Selon lui, « les pro­grammes de for­ma­tion sur la véri­fi­ca­tion des faits sont de plus en plus pro­posés, mais il y’a encore un besoin d’améliorer les com­pé­tences numériques et ana­ly­tiques des jour­nal­istes dans cer­taines régions ».

Le fact-cheking : une réponse à la crise de l’information et de la démocratie

Pour Bien­v­enue Adama Atchi­nale chef du pro­jet Dig­i­tal Sol­i­dar­ité Jeunes au Camer­oun, «  le fact-chek­ing est fon­da­men­tal dans la lutte con­tre la dés­in­for­ma­tion qui men­ace directe­ment les démoc­ra­ties africaines ». Face à la mon­tée des fake news, notam­ment pen­dant les élec­tions et les crises san­i­taires, comme la Covid19, il fait savoir que « le fact-check­ing aide à rétablir la vérité et à prévenir la manip­u­la­tion publique ».Et de pré­cis­er : « cepen­dant, il n’est pas suff­isant seul, il doit être inté­gré dans un écosys­tème plus large de sen­si­bil­i­sa­tion à l’éducation médi­a­tique de trans­parence des médias et de ren­force­ment des insti­tu­tions démoc­ra­tiques ». Selon lui, « la notion de fact-chek­ing est de plus con­nue chez les jour­nal­istes africains, mais sa pra­tique reste iné­gale ». Et d’ajouter : « cer­tains médias et jour­nal­istes s’engagent sérieuse­ment dans la véri­fi­ca­tion des faits, mais beau­coup man­quent de ressources, de for­ma­tion spé­cial­isée ou d’accès à des sources fiables ».

Le fact-Cheking : un tournant majeur avec les nouvelles technologies

Cepen­dant, le fact-check­ing est devenu une fonc­tion essen­tielle du jour­nal­isme. Le tour­nant majeur dans l’évolution du phénomène est celui des nou­velles tech­nolo­gies qui aug­mentent de manière expo­nen­tielle les moyens d’une véri­fi­ca­tion tou­jours plus rapi­de et plus poussée. Dans quelle mesure le fact-check­ing et les nou­velles tech­nolo­gies qui le por­tent trans­for­ment-ils notre rap­port à l’information et au dis­cours poli­tique ? Si le fact-check­ing n’est pas une pra­tique inédite, dans la mesure où il fait par­tie intégrante

du tra­vail d’investigation et de véri­fi­ca­tion des sources inhérent aux travaux

du jour­nal­isme et de l’investigation, il est claire­ment réin­ven­té par les nou­velles tech­nolo­gies. Des orig­ines du phénomène aux États-Unis à l’adoption européenne de la pra­tique, le fact-check­ing est aujourd’hui en quête de légitim­ité. Devant les accu­sa­tions de fake news, de manip­u­la­tion de la  presse, les temps forts de la vie poli­tique, des élec­tions aux crises économiques ou sociales, sont autant d’électrochocs qui ryth­ment et insuf­flent une vital­ité nou­velle à cette vig­i­lance démocratique.

Big data et légitimité des fact-checkeurs

A l’heure du big data, le fact-check­ing boule­verse non seule­ment notre rap­port  à l’information mais aus­si au dis­cours poli­tique. Il laisse peut-être entrevoir la promesse  d’un nou­veau genre jour­nal­is­tique, plus attaché aux faits. Une infor­ma­tion moins com­plaisante vis-à-vis de la classe poli­tique. Devant les accu­sa­tions crois­santes de fake news et d’instrumentalisation des médias, le fact-check­ing pour­rait être un rem­part aux dérives des fauss­es nou­velles. Une arme pré­cieuse que les poli­tiques se sont empressés de s’approprier comme un out­il de com­mu­ni­ca­tion interne, quitte à décrédi­bilis­er la démarche, voire à provo­quer une crise de légitim­ité du fact-check­ing. La véri­fi­ca­tion de l’information est-elle biaisée ? Faut-il « check­er » les « fact-checkeurs » ? L’outil serait-il défectueux ? Rien n’est moins sûr. Et si le véri­ta­ble intérêt du fact-check­ing résidait plutôt dans une nou­velle édu­ca­tion des citoyens aux médias et au dis­cours poli­tique. L’on peut dire sans risque de se tromper que la véri­fi­ca­tion des faits est une tech­nique con­sis­tant d’une part à véri­fi­er la vérac­ité des faits et l’exactitude des chiffres présen­tés dans les médias par des per­son­nes publiques, notam­ment des per­son­nal­ités poli­tiques et des experts, et, d’autre part, à éval­uer le niveau d’objectivité des médias eux-mêmes dans leur traite­ment de l’information. Cette notion est apparue aux Etats-Unis dans les années 1990 sous l’appellation de fact-check­ing. Mise en pra­tique par des jour­nal­istes dans le cadre de leur pro­fes­sion, la méth­ode s’est démoc­ra­tisée grâce à des logi­ciels aidant les par­ti­c­uliers à véri­fi­er les faits.

Mapote Gaye

Cor­re­spon­dant OJIM Afrique

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