Après Radio France et notamment France Info, c’est au tour du Figaro de devoir faire la lumière sur les doubles casquettes au sein de ses équipes.
Dans le viseur : Renaud Girard
C’est la Société des journalistes du Figaro qui a tiré la sonnette d’alarme, à la suite de l’audition de Jean-Pierre Duthion à l’Assemblée nationale : ce 12 avril 2023, alors qu’il est interrogé dans le cadre de la Commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, le « lobbyiste et consultant » Jean-Pierre Duthion indique aux députés : « Lorsque Renaud Girard […] est convié au Qatar pour animer une séquence du Forum de Doha, on est en droit de se demander combien il touche pour ce « ménage » – comme disent les journalistes –, comment cette animation se déroule sur place et quelle est ensuite son attitude, en tant qu’expert en politique étrangère et en relations internationales du Figaro, vis-à-vis de ce même Qatar ». Et l’auditionné, qui avait été pointé du doigt à l’occasion de l’affaire Rachid M’Barki d’ajouter : « Renaud Girard est tout de même celui qui, au Figaro, donne le « la » en matière de politique étrangère, notamment avec ses deux pages hebdomadaires. Sa prestation au forum de Doha serait sans doute inimaginable au New York Times »… Le 12 mai 2023, la SDJ avait proposé une rencontre avec le journaliste, afin de le « questionner sur les activités de sa société de conseils » entreprise parallèlement à son travail de journaliste.
Soupçon « d’ingérence étrangère » et de « ménage » inapproprié
Celui qui est grand reporter de politique étrangère depuis 1988 assurera à l’issue de cette audition « n’avoir jamais reçu d’argent d’un gouvernement étranger et n’avoir jamais écrit sous l’influences des personnes ou entités pour lesquelles il a pu travailler », si l’on en croit La Lettre A. Sans monnayer l’orientation de ses articles, les influences du chroniqueur international au Figaro depuis 2013 peuvent néanmoins soulever des questions légitimes : cette plume, également membre du Conseil franco-britannique depuis 2002, est-elle totalement indépendante lorsqu’elle rédige, le 8 novembre 2021, un article sur L’affligeante crise franco-britannique ? Loin d’être le seul journaliste à intégrer de tels organismes, Girard aura surtout été pointé du doigt par une SDJ soucieuse de ne pas se faire accuser de connivence avec des pays étrangers avec lesquels son actionnaire Dassault pourrait passer des marchés.
Second journaliste à être pointé du doigt, François Delétraz, journaliste qui couvre la question des transports au Figaro serait également membre du Bureau national de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT)[1] dont il est amené à faire part des revendications. Sa place de président de l’Association des journalistes ferroviaires, depuis juin 2007, pourrait également faire l’objet de questionnements.
Un système opaque
Si Alexis Brézet a convoqué ses journalistes, force est de constater qu’il n’y a apparemment rien de répréhensible dans leur conduite. Payés en droits d’auteur, ces deux journalistes exercent les activités annexes qu’ils souhaitent. Le seul texte régulant leurs fonctions est la Charte de déontologie du journalisme, qui n’a pas de valeur contraignante et qui rappelle notamment qu’un « journaliste digne de ce nom […] ne touche pas d’argent dans un service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ». À moins qu’une autorité supérieure vienne encadrer plus strictement ces doubles casquettes, il ne semble pour l’heure pas exister de législation condamnant le fait de travailler à ces différents postes, en dépit des frontières ténues qui les unissent.
Notes
[1] Information de la Lettre A que le site de la Fédération, dont la rubrique vide du « Qui sommes-nous ? » ne nous permet pas de vérifier.