DAZN, diffuseur principal de la Ligue 1 de football, envisagerait de mettre fin à son contrat avec la LFP dès la fin de la saison, lassé par des discussions stériles et un manque de coopération des clubs. Une rupture qui pourrait plonger le football français dans une crise majeure.
Droits télévision et gros sous
L’été 2024 avait marqué un tournant pour les droits TV de la Ligue 1. Après l’échec retentissant de Mediapro, incapable d’honorer ses engagements financiers, la Ligue de Football Professionnel (LFP) s’était tournée vers un duo inédit : DAZN et beIN Sports. La plateforme britannique, ambitieuse et en quête d’expansion sur le marché français, s’était vu confier la diffusion de huit des neuf matchs par journée pour 400 millions d’euros par saison, tandis que beIN Sports récupérait le match restant pour 100 millions. Un contrat sur cinq ans, avec une clause de sortie possible après deux saisons, semblait offrir une stabilité bienvenue. Pourtant, moins d’un an plus tard, ce partenariat vacille dangereusement.
Le faux départ de l’écurie britannique
Dès le départ, le choix de DAZN avait divisé. Lors d’une réunion explosive le 14 juillet 2024, certains présidents de clubs, comme Joseph Oughourlian (RC de Lens) et John Textor (Olympique Lyonnais), avaient prédit un fiasco, critiquant un modèle économique jugé irréaliste avec l’objectif très audacieux de 1,5 million d’abonnés visés d’ici fin 2025 et un prix d’abonnement trop élevé : 39,99 € par mois sans engagement. Face à eux, Nasser Al-Khelaïfi, président qatarien du PSG et influent via beIN, chaîne qatari, avait imposé sa vision, balayant les réticences. Le deal fut scellé, mais les premières fissures sont apparues rapidement. Des défauts techniques avec des retransmissions pas à la hauteur mais également la difficulté à séduire des abonnés. Avec seulement 600 000 abonnés en avril 2025, DAZN est loin de ses objectifs, et les tensions avec la LFP n’ont cessé de croître.
Des difficultés en cascade pour DAZN
Le diffuseur britannique n’a pas caché sa frustration. En février 2025, il ne versait que la moitié de son échéance de 35 millions d’euros, mettant sous séquestre le reste pour forcer une réaction. DAZN reproche aux clubs de ne pas respecter un plan d’action visant à valoriser le produit : accès limité aux joueurs stars, refus de tournages exclusifs, et une lutte insuffisante contre le piratage. En effet, face au prix démentiel de l’abonnement, de nombreux passionnés de football se sont tournés vers le streaming illégal. Une étude Ipsos citée par RMC Sport estime ainsi que 37% des personnes ayant regardé de la Ligue 1 en 2024–2025 l’ont fait de manière illégale.
Une médiation, entamée le 28 février a apaisé les échanges sans résoudre les différends de fond. DAZN propose désormais une répartition des paiements en deux parts : une part fixe et une part variable liée aux engagements des clubs, mais la LFP peine à faire plier ces derniers.
Les présidents de Ligue 1, eux, sont divisés. Lors d’une visioconférence tendue le 14 février, Waldemar Kita (FC Nantes) dénonçait un « suicide collectif », tandis que Joseph Oughourlian fustigeait une « bêtise collective » et un « désastre » imputable à une « gouvernance défaillante ». Jean-Michel Roussier (Le Havre) qualifiait le produit DAZN de « daube », reflétant un mécontentement généralisé. Ces dissensions internes compliquent toute tentative de réponse unifiée face à la crise.
Une rupture imminente ?
Selon RMC Sport, DAZN envisagerait désormais de claquer la porte dès la fin de la saison, après les barrages de mai 2025, sans attendre la clause de sortie de décembre. Une menace transmise à la LFP, qui y voit une posture de négociation mais promet des sanctions plus dures contre les clubs récalcitrants. Peu convaincus, les dirigeants de DAZN, pessimistes, pourraient aussi retenir une partie des 70 millions d’euros dus au 30 avril si leurs exigences ne sont pas satisfaites. Une telle rupture ouvrirait un nouveau front judiciaire, à moins d’un improbable accord amiable.
Côté LFP, les options sont limitées. Une clause contractuelle bloque toute discussion avec d’autres diffuseurs, bien que DAZN soit prêt à la lever contre une contrepartie. L’idée d’une chaîne interne refait surface, portée par Oughourlian, mais sa mise en œuvre reste incertaine face aux divisions persistantes. À quelques semaines de la fin du championnat, le football français joue gros : une crise financière guette, et le spectre d’un produit dévalorisé plane pour les années à venir. De nombreux clubs déjà dans une situation financière très préoccupante pourraient voir leur avenir menacé.
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