Depuis son rachat par Elon Musk, il est rare de voir un mois passer sans que Twitter soit au cœur d’une polémique. Voici un nouvel épisode de ce feuilleton avec l’entrée en vigueur, le 25 août 2023, du Digital Service Act.
L’oiseau libre bientôt en cage ?
Le 28 octobre 2022, quelques mois après avoir fait l’acquisition de l’oiseau bleu, Elon Musk twitte « l’oiseau est libre ». En quelques mots, le nouveau patron de ce qui est devenu X nous annonce le programme : libérer la parole sur son réseau. Un programme que le patron de Tesla applique, notons par exemple le dé-bannissement de Donald Trump. Mais ce programme, qui est également passé par une vague de licenciements et des démêlés financiers, n’est pas au goût de tous. Certains y ont vu un blanc-seing offert aux adeptes de l’homophobie, du racisme et du complotisme. Parmi ceux-là, le commissaire européen Thierry Breton.
En réponse à ce tweet du 28 octobre 2022, Breton écrit « En Europe, l’oiseau volera selon nos règles ». Une formule accrocheuse qui cristallise un clivage de plus en plus profond concernant la liberté d’expression, entre ceux partisans d’un assouplissement et ceux qui veulent davantage contrôler, sous couvert de lutte contre la haine ou la désinformation, les contenus en ligne.
Un traitement particulier sous l’égide du DSA
Or, c’est dans la seconde catégorie que se situe l’Union européenne et son DSA, avec lequel elle compte bien mettre en cage le défunt oiseau bleu. En effet, si le texte vise 19 groupes sans distinction, la pression et la surveillance concernant Twitter sont plus approfondies. Comme l’illustre le tweet de Thierry Breton, un rapport de force s’est instauré progressivement à l’approche de la date d’entrée en vigueur du DSA. Le réseau social avait déjà dû donner des gages en montrant de quelle manière il comptait collaborer avec les officines de fact-checking, ou encore en produisant un rapport sur la manière dont il comptait appliquer le code de pratique 2022 sur la désinformation, un rapport que Twitter avait eu du mal à rendre à temps.
Afin de rendre ce texte plus contraignant, les sanctions visent le cœur nucléaire de ces groupes : leur portefeuille. Ainsi, si d’ici janvier 2024 le DSA n’est pas convenablement appliqué, les groupes fautifs se verraient sous le coup d’une amende d’un montant pouvant avoisiner six pour cent de leur chiffre d’affaires, ainsi que sous le coup d’une réduction de leur diffusion au sein de l’UE.
Déjà en proie à des difficultés financières, nous imaginons mal Twitter pouvoir se permettre de se rajouter des charges et réduire son influence de diffusion par idéalisme. Aussi, rien d’étonnant à ce qu’Elon Musk, de nouveau en réponse à un tweet de Thierry Breton concernant l’application du DSA, indique que les équipes de X travaillent pour rentrer dans les clous bruxellois.
Alors est-ce que l’oiseau volera selon les règles voulues par l’UE ? Les derniers événements semblent l’indiquer. Le DSA doit entrer pleinement en vigueur le 1er janvier 2024 pour les grandes plateformes ; cette date signera-t-elle la victoire de la liberté d’expression selon la Commission européenne ? Il reste encore du chemin dont celui de l’harmonisation de chacune des agences de régulation des pays de l’UE avec le DSA. Sans compter les accords avec Europol et le recrutement et la formation des 150 fonctionnaires responsables de l’application du DSA.
Voir aussi : Digital Services Act : l’UE veut imposer ses normes et sa vision du monde à sens unique