Quel rapport y a‑t-il entre l’émission « Pièces à conviction » et la mise en place d’une allocation de 500 euros pour les jeunes migrants ? À priori aucun. Pourtant, cette émission n’est pas étrangère à l’annonce par le secrétaire d’État à la protection de l’enfance d’une allocation pour les jeunes majeurs pris en charge par les services sociaux des départements.
Entre la diffusion en janvier 2019 d’un reportage sur les enfants placés lors de l’émission « Pièces à conviction » et l’annonce deux années plus tard par le secrétaire d’État à la protection de l’enfance de mesures en faveur des jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE), beaucoup de choses se sont passées. Un rappel de la chronologie des événements permet d’en comprendre les derniers rebondissements.
Première émission de « Pièces à conviction » sur les enfants placés en foyer
En janvier 2019, la chaine France 3 a consacré un reportage du magazine « Pièces à conviction » sur les mauvaises conditions de vie de certains enfants placés dans des foyers. Comme le soulignait le journal Le Monde à l’époque, les images montraient « des enfants maltraités, humiliées ou violés ». Et la suite du parcours de vie de certains jeunes placés en foyer n’est pas réjouissante : « Un SDF sur quatre est un ancien enfant placé », témoigne l’auteur d’un livre sur le sujet. Le reportage a eu un grand retentissement dans l’opinion publique. Ses images ont selon France inter « secoué jusqu‘au sommet de l’État ».
Des missions d’enquête pour étayer les constats
Hasard ou suite logique, dans les mois suivants la diffusion du reportage, deux corps de contrôle administratifs ont mené une enquête sur les jeunes pris en charge par les services sociaux des départements :
- En janvier 2020, la Cour des comptes menait une enquête sur la protection de l’enfance qui l’a amené à contrôler plus de 75 structures. Ses conclusions sont consignées dans un rapport publié en novembre 2020 sous-titré sans ambiguïté « une politique inadaptée au temps de l’enfant ».
La Gazette des communes résume le 1er décembre 2020 le constat de la Cour des comptes : « Mal pilotée, trop complexe, trop lente, les griefs sont nombreux ».
- À la même période, l’Inspection Générale des Affaires Sociales était missionnée pour réaliser un « état des lieux des accueils de mineurs protégés dans des établissements et structures non autorisés ou habilités au titre de l’aide sociale à l’enfance». A la suite de son enquête, l’IGAS a fait dans un rapport paru également en novembre 2020 plusieurs préconisations pour améliorer le sort de certains jeunes pris en charge par les services sociaux mais parfois laissés à eux-mêmes.
Le secrétaire d’État à la protection de l’enfance a rapidement réagi à ce rapport et fait savoir qu’il allait prendre des décisions à ce sujet. Dans un communiqué de presse du 25 janvier, s’appuyant notamment sur le constat de l’hébergement à l’hôtel de 7 500 à 10 000 mineurs non accompagnés, il annonçait « très prochainement des décisions pour mettre fin à cette situation qui compromet le bien-être des enfants concernés ».
Deuxième émission de « Pièces à conviction » sur les enfants placés en foyer
Le 27 janvier 2021, l’émission « Pièces à conviction » a consacré un nouveau reportage aux enfants placés, sobrement intitulé « les sacrifiés de la République ». Les journalistes ont invité pour l’occasion le secrétaire d’État à la protection de l’enfance lors d’un débat. Il y a annoncé notamment l’interdiction du placement des « enfants » en hôtel et « l’accompagnement de tous (les jeunes majeurs issus de l’ASE NDLR) vers l’emploi ou la formation et une allocation de 500€ par mois ».
La chaine d’information en continu France Info a consacré un article le 27 janvier aux déclarations du secrétaire d’État. La radio affiliée à l’État français n’a fait que reproduire les propos du ministre :
« “Entre 7 000 et 10 000 de ces enfants” sont aujourd’hui placés en hôtels, selon Adrien Taquet ».
Le secrétaire d’État s’est bien gardé de préciser l’un des constats de l’Inspection Générale des Affaires Sociales dans son rapport :
« 95%des mineurs hébergés à l’hôtel seraient des Mineurs Non Accompagnés et 28%des MNA admis à l’Aide Sociale à l’Enfance seraient pris en charge à l’hôtel ».
Pour les non-initiés, les Mineurs Non Accompagnés, ce sont les jeunes extra-Européens, très souvent majeurs, qui arrivent en France par dizaine de milliers par an, comme le soulignait le Figaro en septembre 2020, pour bénéficier d’une prise en charge intégrale par les services sociaux des départements.
Autre information que ne relèvent ni France Info ni le secrétaire d’État : en prévoyant dans une loi qui devrait être adoptée prochainement une allocation de 500 euros par mois, le gouvernement institue sans le dire un RSA non seulement pour les jeunes Français sortis de l’ASE, mais aussi pour tous les jeunes migrants passés par l’ASE venus dans notre pays bénéficier des largesses de son généreux système social.
Cela fait réagir sur Twitter Ane Duferret :
WELCOME en MACRONISTAN
500 euros / mois pour un migrant
Un agriculteur sur trois gagne 354 euros pic.twitter.com/7z4mnuTdP4— ana (@ana_anamddk) February 1, 2021
Autre point passé sous silence : l’obligation qui sera faite aux services sociaux des départements de ne plus héberger à l’hôtel ( !) les jeunes extra-Européens mais en structure adaptée va doubler la note. Le coût unitaire moyen de l’hôtel, incluant l’hébergement et l’accompagnement, est selon le rapport de l’IGAS de 77 euros, soit un peu moins de la moitié du prix de journée moyen observé en maison d’enfants à caractère social. Un épiphénomène sans doute… ?
Les projecteurs braqués sur l’aide sociale à l’enfance : une indignation sélective ?
Si le 4ème pouvoir, celui des médias, a pu avoir un rôle dans les mesures annoncées par le secrétaire d’État à la protection de l’enfance, on peut s’étonner que les projecteurs n’aient pas été braqués sur l’explosion du coût de l’accueil des jeunes extra-Européens appelés Mineurs Non Accompagnés qui se pressent aux guichets de l’Aide sociale à l’enfance des départements. Il y a pourtant de la matière en cette période de surendettement de l’État français : la prise en charge de chaque jeune s’élève à près de 50 000 euros par an, soit comme le soulignait récemment Valeurs actuelles un coût de 2 milliards d’euros par an pour les départements auxquels il faut ajouter la participation financière de l’État.
Autre scandale qui ne fait pas l’objet d’un travail d’investigation approfondi, l’effet d’éviction créé par l’afflux des MNA. Le Président du département du Nord affirmait dès 2017 au micro de RMC ne plus avoir les moyens d’accueillir de jeunes nordistes « car priorité est donnée aux mineurs non accompagnés étrangers (…) qui arrivent à raison de 100 par semaine ».
Quant à l’impact sur l’immigration clandestine de l’instauration d’’une nouvelle allocation dont pourront bénéficier les jeunes migrants, rendez-vous dans quelques mois. Un reportage y sera-t-il consacré ?