Première diffusion le 4 avril 2023
Nous commençons une série d’articles sur les 14 écoles de journalisme reconnues par la profession. À tout seigneur tout honneur, la première sera l’École Supérieure de Journalisme (ESJ) de Lille, une des plus sectaires.
Une origine catholique
Fondée en 1924 par Paul Vershchave dans le giron des Facultés Catholiques, l’ESJ est aujourd’hui l’une des écoles de formation au journalisme les plus prestigieuses et « cotées » de France. Association à but non lucratif, reconnue par l’Etat, l’ESJ Lille est labellisée « Établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général » (EESPIG). On y accède par un concours de niveau bac +3 organisé conjointement avec l’Institut d’Études Politiques de Lille (Sciences Po Lille). L’ESJ fait partie des 14 écoles reconnues par la Commission paritaire nationale pour l’emploi des journalistes (CPNEJ), composée de représentants des patrons de presse et de syndicats professionnels.
Respect de la doxa libérale libertaire
Si l’école, aujourd’hui dirigée par l’ancien journaliste de Radio France, Pierre Savary, est reconnue au sein de la « profession » et dispose d’un carnet d’adresses flatteur bénéficiant à ses étudiants, elle est également devenue, au cours de ces dernières années, le symbole du formatage idéologique des apprentis journalistes et le temple du « politiquement correct » le plus impeccablement sourcilleux. Les 4500 diplômés issus de ses rangs ne risquent en effet pas de remettre en cause les dogmes du temps, ni de servir une information sortant des sentiers battus de la doxa libérale-libertaire.
Une « diversité » sans pluralisme politique
L’ESJ se veut, comme il se doit, à la pointe du combat pour l’inclusion et la « diversité » (pas des opinions ni des visions du monde, comme nous le verrons). C’est notamment pour cela qu’elle lance, en 2009, en collaboration avec le « Bondy blog », une « prépa égalité des chances », soutenue notamment par l’Agence nationale pour la cohésion des territoires et la fondation Culture & Diversité, sous l’égide de parrains prestigieux tels que Marie Drucker, David Pujadas, Carole Gaessler ou Francis Letellier. L’école se félicite aujourd’hui du fait que 85 % des élèves « de toutes origines » issus de cette préparation gratuite travaillent dans des médias en France ou à l’étranger.
ENCADRE https://www.ojim.fr/pour-gilles-kepel-le-bondy-blog-est-dans-la-main-des-freres-musulmans/
La diversité tant vantée ne se traduit cependant pas dans les opinions politiques des étudiants de l’école qui affirment à 87% voter pour la gauche et l’extrême gauche (voir : https://www.ojim.fr/le-vote-des-journalistes-un-demi-secret-mal-garde/). Un pourcentage stalinien en totale déconnexion avec la sociologie électorale française. Pour la prétention à la neutralité et à l’honnêteté, on pourra donc nourrir quelques légitimes inquiétudes…
Ce bel unanimisme idéologique connaît cependant parfois quelques petits ratés, comme à l’occasion d’accusations de harcèlement visant certains anciens élèves ou du psychodrame des « chants homophobes ».
Mauvaises blagues potaches ou harcèlement ?
Coup dur pour l’image policée et « bienveillante » de l’ESJ, en 2017. En pleine explosion du phénomène « « Metoo », deux anciens élèves, Martin Weill et Hugo Clément, que le grand public connaît pour leur participation au « Petit Journal » puis au « Quotidien » de Yann Barthès, sont accusés de « harcèlement » envers d’anciens condisciples. Les deux journalistes se seraient en effet rendus coupables d’appels téléphoniques mettant en scène de fausses propositions de recrutement, de diffusion de rumeurs diffamatoires et de propos sexistes. Les deux compères auraient même poussé l’abjection jusqu’à diffuser le titre musical « La Zoubida » pour déstabiliser une de leur consoeur d’origine maghrébine avant l’enregistrement d’un exercice télévisuel. Si les principaux intéressés ont toujours nié les faits, et si aucune sanction n’a été prononcée, ces dénonciations ont néanmoins écorné l’image de l’école et même conduit Marc Capelle, le directeur à l’époque des faits (2012), à « présenter ses excuses » pour son absence d’écoute suffisante et de réaction adéquate.
Le drame des « chants homophobes »
En 2018, la tranquillité bien-pensante de l’établissement est à nouveau secouée par le récit de certains étudiants affirmant avoir été « choqués par des chants homophobes chantés par d’autres élèves, lors d’un déplacement pour un tournoi de football inter-écoles ». Stupeur et tremblements !
L’École ouvre alors une enquête sur ces « propos anormaux, tenus à l’extérieur de l’école, dans un bus à l’occasion d’un week-end de cohésion ». Dans cet autocar de l’horreur, un petit groupe d’étudiants, sans doute enivrés, auraient en effet entonné des chants « homophobes et discriminants » comme de vulgaires « supporters de foot » (horresco referens!). Malgré le manque de détails et de précisions sur les paroles incriminées, comme sur leurs auteurs, le directeur de l’école dénonce des « faits graves » qui « ne seront pas tolérés » car « même dans un tournoi inter-écoles, les étudiants se doivent d’être exemplaires, de défendre les valeurs de respect, de tolérance, que doit avoir un journaliste ».
Suite à cette terrible affaire, l’ESJ a adopté un plan visant à renforcer la lutte contre le harcèlement. Une boite mail anonyme a notamment été mise à disposition des étudiants pour alerter un membre du conseil d’administration, afin de réaffirmer « les valeurs de l’école et y associer une certaine intransigeance de la part de l’école quand ces valeurs ne sont pas respectées ».
Adhésion obligatoire au « corpus commun »
Malgré ces malheureux incidents, la conformité idéologique est néanmoins très largement assurée au sein de l’établissement et mieux vaut ne pas envisager de stage ou de collaboration avec des journaux, revues ou médias sortant du cadre de la « bienséance républicaine » – même des brûlots aussi radicaux et factieux que « Famille Chrétienne » sont suspects — sous peine d’être immédiatement catalogués comme « fasciste » (rien de moins !) et de voir son avenir lourdement compromis. Ainsi, Laurent Obertone, l’auteur de « La France Orange mécanique », l’un des très rares étudiants de l’ESJ a être sorti du cadre pour lequel il était programmé, explique que « les écoles de journalisme offrent un panel technique et méthodique de connaissances à des individus pour la plupart déjà formatés. En tout cas idéologiquement compatibles avec ce milieu. Soit on adhère avec zèle à cette compétition morale, soit on divise par mille ses chances d’exister dans ce milieu ».
Petits soldats interchangeables
Si l’ESJ brille dans les classements académiques, elle se distingue également par sa parfaite conformité aux exigences du temps, aux diktats qui semblent prévaloir dans son domaine d’activités et qui consistent à produire à la chaîne des petits soldats interchangeables au service d’une information corsetée, contrôlée, aussi aseptisée qu’un menu Vegan servi à la mairie de Grenoble.