Qui a osé dire que nos dirigeants n’étaient pas en prise avec le réel et qu’ils se montraient incapables d’agir concrètement et efficacement pour régler les difficultés du bon peuple et en l’occurrence des petits commerçants, et, dans ce cas plus particulier, des vendeurs de presse confrontés à d’innombrables difficultés, notamment depuis la crise du Covid ? Que ceux qui se sont permis ces jugements hâtifs et injustes se repentent humblement et saluent comme il se doit la dernière brillante initiative du ministère de la Culture cornaqué par Rachida Dati : le remplacement du logo des marchands de journaux.
Baisse de la lecture et défiance envers les médias
Il est vrai que, pour répondre aux attentes d’un milieu confronté à des problématiques aussi multiples que croissantes allant de la baisse générale de la lecture à la défiance croissante du public envers les médias, il était indispensable que les pouvoirs publics posent enfin un acte fort. Ce sera donc le renouvellement du logo « Presse », la fameuse plume rouge sur fond jaune indiquant les points de vente de journaux depuis 1950. Après un appel d’offre et des heures de réflexion et de travail acharné d’un « trio de designers » œuvrant depuis 2022, celui sera finalement remplacé par une grosse plume grise (très) stylisée.
Salon le ministère, il s’agit de bien plus qu’un simple « changement d’enseigne », mais de la démonstration de la volonté de « garantir aux marchands de presse un avenir en phase avec les attentes d’aujourd’hui, tout en restant fidèles à leur mission fondamentale de proximité et d’accès à l’information». Rien de moins.
Douceur et accessibilité
Mais comment un simple logo va-t-il parvenir a remplir un tel ambitieux objectif ? Et bien car ce dernier s’avère, selon ses promoteurs, beaucoup « plus doux et accessible » que le précédent. Ainsi, l’amateur de presse qui autrefois était rebuté par l’agressivité arrogante du carré jaune en plastique osera-t-il désormais franchir le pas, rassuré par la douceur bonhomme de l’enseigne grise en métal.
Par ailleurs, et ce n’est pas négligeable, le nouveau logo est réalisé « dans des matériaux plus durables et écologiques et avec une déclinaison lumineuse conforme aux réglementations définies par le Code de l’environnement ». Le vendeur de journaux n’est donc plus désormais seulement un vecteur d’information et de culture, mais aussi un acteur à l’avant-garde du combat écologique. Nul doute que les potentiels acheteurs seront nombreux à se montrer sensibles à cet argument.
6 millions d’argent public
Pour accompagner et accélérer le déploiement de ce nouveau logo, jusqu’à 90 % de son prix d’acquisition, dont le montant n’est pas encore précisé, pourra être pris en charge par des subventions publiques (80 % en zone urbaine et 90 % en zone rurale semble-t-il), a fait savoir le ministère. Le tout pour un montant prévisionnel d’environ 6 millions d’euros, ce chiffre n’incluant évidemment pas le coût de conception du chef‑d’œuvre, qui n’a pas été non plus communiqué.
Cet encouragement financier sera néanmoins certainement fort bienvenue au regard des réactions assez largement négatives suscitées par le dévoilement de la nouvelle enseigne.
« Désespérant. Et encore 6 millions d’argent public fichu en l’air (…) Et puis, pas merci pour la presse : on la voit moins que l’ancienne cette enseigne », a ainsi déploré Marie-Estelle Pech, rédactrice en chef de Marianne.
« Sidéré non pas simplement par le remplacement du logo “presse” par un autre plus laid, moins visible et plus cher, mais que l’on juge que c’est le moment opportun pour en tirer fierté et faire une campagne nationale. Hors sol. », juge pour sa part le général Olivier Kempf.
Les réseaux sociaux résonnent ainsi d’autant d’incompréhension que de colère, de « c’est une blague ? » à « foutage de gueule ! », la majorité des commentateurs ne semblant pas partager le bel enthousiasme de la ministre de la culture expliquant « qu’il était essentiel de repenser cet emblème pour accompagner la transformation du métier. » La transformation ou la mort programmée ?
Xavier Eman