Lives (directs) sur les réseaux sociaux, « décryptages » spéciaux, analyse des résultats en direct… Depuis quelques jours, les journalistes ne comptent pas leurs heures sur les chaînes de télévision, dont toute l’attention se porte sur les élections étasuniennes. Sans grande surprise, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche ne fait pas l’unanimité et offre l’occasion à la pléthore de chaînes moralisatrices de réchauffer les discours acerbes ou paniqués conservés au congélateur durant quatre ans.
Chasse au Trump en toute saison
Comme l’avait déjà dénoncé l’OJIM, les chaînes américaines comme françaises avaient tout fait au long de la campagne présidentielle pour décrédibiliser Donald Trump en faveur de la candidate démocrate, la télévision publique française faisant succéder les programmes aux titres sans équivoque : « l’émission En Société, intitulée “Trump, la menace fasciste”, était suivie par C Politique, qui proposait le thème “Trump, le nouveau visage du fascisme”. Le 23, cette même chaîne présentait dans C Ce Soir “Trump, un fascisme à l’américaine”, et diffusait trois jours plus tôt en prime time le documentaire d’Antoine Witkin, “Opération Trump : les espions russes à la conquête de l’Amérique”. » Ces efforts bien que considérables n’ont de toute évidence pas permis d’empêcher une nouvelle victoire de l’emblématique businessman américain et de son self-made VP J.D. Vance, dont nous avions analysé le parcours dans un article dédié.
La litanie médiatique a — en toute logique — poursuivi avec une nouvelle ardeur ses élucubrations, alertant tantôt sur une fin prophétique de la démocratie, tantôt sur la menace « fasciste » que représente le nouveau président dont les méthodes ont toujours déstabilisé.
TF1 in love with Kamala
La première chaîne de la TNT, TF1, a montré l’exemple en affichant sans ambages son soutien net à la candidate démocrate au fil de ses divers programmes, intitulés « La story Kamala Harris, un document inédit » sur « le destin de celle qui pourrait devenir la première femme présidente des États-Unis », « la femme qui se dresse face à Donald Trump » ou « Donald Trump — La soif de revanche ». Il y a quelques années déjà, la chaîne narrait « comment Trump a cassé l’Amérique » à travers un « road trip inédit et édifiant de l’Amérique après 4 ans de Donald Trump au pouvoir » au cœur d’une « Amérique plus fracturée que jamais. »
Le secteur public à l’unisson
L’audiovisuel public, aussi impartial et pluraliste qu’attendu, a sans surprise largement défendu Kamala Harris face à « l’autoritarisme à l’américaine » de Trump « en marche vers la dictature », ni plus ni moins. La Chaîne Parlementaire — Assemblée Nationale se questionne : « Et si les États-Unis vivaient leur dernière année de démocratie ? » Les discours alarmistes se succèdent : « Donald Trump se prépare à reprendre la Maison Blanche avec un programme plus extrême encore que son premier mandat. Il veut démanteler l’État ; il veut une justice, une presse et une armée à son seul service, comme dans les régimes autoritaires qu’il admire tant. » La chaîne qui, rappelons-le, est tout de même le canal officiel du Parlement français était par ailleurs allée jusqu’à se parer à l’occasion de la campagne du drapeau nord-américain sur son logo.
Mêmes sons de cloche sur France 5, autre chaîne publique qui témoigne de ses « inquiétudes » après une « campagne très violente axée sur les questions économiques et l’immigration. » Selon les journalistes de France 5, la « la stratégie du chaos » propre au personnage mène le pays à « un fascisme à l’américaine ».
CNews prend du recul
Côté CNews, les échos sont plus cléments à l’égard de Donald Trump. La chaîne propose de nuancer les potentiels effets de la politique internationale des États-Unis : le nouveau président mène-t-il la planète « vers une grande crise internationale ou un retour d’une paix plus durable dans certaines régions du monde ? » Le canal de Vincent Bolloré dont on peut retrouver l’organisation dans cette infographie OJIM avait également averti ses auditeurs quant à l’acharnement médiatique autour de Donald Trump. « Pourquoi tout un système politique et médiatique a‑t-il pris fait et cause pour un camp, diabolisant l’autre ? » s’est demandé dans l’émission Punchline Laurence Ferrari après la victoire du candidat républicain. CNews a également permis à Éric Zemmour, invité par la chaîne de partager son analyse : « Les Américains ne veulent pas être minoritaires dans leur pays ».
Voir aussi : Laurence Ferrari, portrait
Finalement, le score écrasant du parti républicain, témoignant de la confiance du peuple américain permet de relativiser la portée de ces discours en grande partie disproportionnés, et de prendre un certain recul sur la situation aux États-Unis qui « sont arrivés au bord du chaos » d’après Arte, pour qui « les démons de la Sécession sont réveillés » par la « droite radicale ». À trop vouloir prouver on ne prouve plus rien.