Depuis plus d’un mois, le rythme de la campagne présidentielle s’accélère aux États-Unis. Au 21 août 2020, revenons sur son traitement médiatique en France. Sa simplicité peut être jugée par bien des aspects aussi déconcertante que son univocité démontre une puissante mécanique pour décrédibiliser Trump à l’international.
Trump le grand Satan et ses diablotins
Rien de nouveau sous le soleil : les démocrates haïssent viscéralement Trump ou les présidents hard boy depuis Andrew Jackson.
Sur France Info, on publie, le 20 août, un article sur les détournements de fonds de Steve Bannon, artisan de la victoire de Trump en 2016. Ces fonds devaient servir à construire le mur à la frontière mexicaine figurant une promesse phare de campagne. La veille, le media relève que le Sénat américain inculpe Paul Manafort, ex-conseiller de Trump, pour ses relations avec un agent russe.
Pour l’AFP, repris par tel quel par Le Figaro, la propre sœur de Trump se plaint de sa cruauté et de son goût pour le mensonge.
Trump le calamiteux
Après les nervis, le parrain… Au Monde, on se demande ce 16 août si la campagne n’est pas déjà jouée en faveur de Joe Biden : « Donald Trump n’avait gagné que d’un cheveu en 2016. Il est très mal en point aujourd’hui, vu les haines qu’il a suscitées et son incapacité à gérer la crise du Covid-19, qui a ruiné son bilan économique. » Rappelons que le fonctionnement fédéral donne des prérogatives de santé aux gouverneurs que le président n’a pas.
Trump le noir a tout pour perdre, il a du sang sur les mains. Sur FranceInfo TV, une rubrique entre 13h et 14h traite de cette campagne. Elle consacre une rubrique sur la personnalité de Trump et Biden. Si Trump paraît un fieffé protestant cynique en fin de règne, Biden, à 77 ans, est un bon catholique (comme Kennedy, coïncidence ?), empathique, pratiquant, etc. FranceInfo se découvre une sympathie chrétienne, assez surprenante.
Biden, l’immaculé paladin
Tout ce qui touche à Biden est vu sous des auspices plus clémentes, tout paraît justifiable. Ses discours, teintés de manichéisme et d’un mysticisme providentiel, sont à peine commentés. À la place, Le Monde ou 20 Minutes traite de l’emphase du candidat, de son « combat pour l’âme » de l’Amérique.
Le Figaro aussi évoque, le combat de Biden en faveur des handicapés, des femmes et des énergies vertes (quand on parle de Trump comme d’un pervers sexuel, pollueur, fou).
FranceInfo publie les déclarations des Obama, licteurs de la république américaine : « Donald Trump ne s’est pas élevé à la hauteur de la fonction, parce qu’il ne le peut pas. » On ne comptera pas sur L’Obs pour mettre en exergue son propre bilan : « courez lire le discours de Barack Obama. » Depuis le 12 août, le choix comme vice-président de Kamala Harris, un peu noire, jeune, jamaïcaine est vue comme un message d’espoir par ces mêmes media, alignés sur le Times.
…malgré quelques taches.
On veut montrer Biden le père de famille bienveillant, ferme mais juste, face à un Trump désœuvré. Bon père, l’ex vice-président le fut pour protéger son fils Hunter inquiété pour corruption en Ukraine. Mais à en croire L’Express les écoutes téléphoniques « restent à authentifier ». Ces mêmes écoutes, outre son fils à défendre, mettent en relief l’ingérence des démocrates en Ukraine en 2016 et sa politique belliciste envers la Russie de Poutine. Quant à ses gaffes, elles sont légions à en croire Le Point, un des rares médias à les relever, et ont tôt fait de le faire passer pour un gâteux à la sénilité et l’ego manipulables à l’envie. Mais elles sont généralement passées sous silence.
Le fond du problème demeure politique
L’Opinion souligne ce 17 août, la polarisation des élections autour des franges les plus extrêmes des deux partis. D’un côté le Tea party, de l’autre la gauche ethnique. On se souvient de Joe Biden disant qu’on n’est pas noir si on vote Trump. De même pour les hispano-américains. Ce que semble cacher le vote Biden, c’est le vote syncrétique des minorités ethniques américaines qui d’ici 2050 mettront les WASP en minorité à cause de la natalité hispanique, catholique de surcroît. Derrière la situation gentil/méchant, des enjeux plus profonds se dessinent en filigrane.
Au pays de l’Oncle Sam, tenter de diaboliser l’adversaire est courant. On se souvient du Watergate. Le discours démocrate tend cependant, depuis 2016, à se poser comme un combat radical du bien contre le mal. Bush le républicain en 2001 parlait déjà suite aux attentats d’un combat entre le bien et le mal. « Si vous n’êtes pas avec nous vous êtes contre nous ». À en croire les démocrates, ce combat se serait donc déplacé de l’extérieur vers l’intérieur du pays. Mais qui est le bien et qui est le mal ? À en croire L’Opinion citant le sociologue Michel Crozier, la civilisation américaine entre dans « le temps du tragique. » À suivre…