Après l’interruption estivale, nous reprenons la publication des excellents articles de notre correspondant en Amérique du Nord, qui suit pour l’Ojim la très disputée élection présidentielle américaine de novembre 2024.
Pourquoi faut-il parler d’Obama huit ans après son départ ?
Obama est ici toujours considéré comme le pape de la révolution woke qui a eu pour effet de progressivement dissoudre le pays afin de mieux le diriger en mode « hors sol ». Le mouvement Obama est le fruit d’une convergence trentenaire, où le néo-capitalisme transnational épouse les idéologies intersectionnelles. Ce « blob » (pour reprendre l’expression des milieux washingtoniens) constitue par ailleurs le terreau d’un « néoconservatisme » audacieux qui vise à purger la planète de toute résistance identitaire et économique. Et par tous les moyens.
Obama, ainsi perçu aux États-Unis comme un président au long cours, dirigerait ainsi la troupe des marionnettes qui ont germé depuis son accession au pouvoir en 2008. Précisons ici qu’entre 2016 et 2020 Trump, accidentel Président en titre, n’a en réalité été qu’un leader de l’opposition face à l’État profond du « blob » qui contrôlait la Maison Blanche. (Il a cependant pu ralentir la révolution obamienne, portant ainsi quelques coups au wokisme par ses nominations de juges, en particulier à la Cour suprême).
En 2020 tout revient dans l’ordre : Biden, déjà fatigué, sert de prête-nom à Obama qui lui fournit l’essentiel de ses équipes. Mais en 2024, jugeant la victoire de Trump face à Biden inéluctable, la machine Obama aura donc promu un autre prête-nom, l’actuelle Vice-Présidente Kamala Harris. Et sa partition, si elle est élue, sera de servir autant que nécessaire de porte-voix au dernier acte de la pièce : la victoire sans retour d’un übercapitalisme à la sauce trotskiste qui réduira les États-Unis au rôle d’armée privée des grandes compagnies transnationales. À moins que…
Qui est candidat contre qui et pourquoi ?
Contrairement à ce que disent les animateurs de spectacle que sont les journalistes américains, cette élection ne porte pas sur un choix entre deux individus (Kamala Harris ou Donald Trump), mais entre deux conceptions du monde. L’une, très mature, appuyée sur une machine bien rôdée, souhaite promouvoir un monde grandiose qui ressemblerait à celui des Éternels du film Zardoz, cependant que l’humanité s’ensauvagerait. Cette machine ne s’est d’ailleurs jamais gênée pour se jouer des règles du jeu politique, ou tout simplement les changer (voir le débat sur la composition de la Cour Suprême, la suppression du collège électoral, ou la transformation de la ville de Washington et Puerto Rico en États de l’Union, sans oublier la rocambolesque nomination de Kamala Harris, etc.).
Face à cette machine, et en dépit de son narcissisme chronique, Trump semble avoir depuis peu trouvé, grâce à son fils Donald Junior et surtout au tandem Tucker Carlson-Elon Musk, un embryon d’originalité explosive qui lui permettrait de reprendre la main après son faux départ des dernières semaines.
Quelle est la stratégie du « blob »
L’objectif n’a pas changé depuis Biden. La campagne est sous-traitée aux médias et à l’appareil d’État, en particulier la Justice et la Police. L’objectif est qu’un juge, où qu’il soit, quel que soit le prétexte invoqué – grâce à une « créativité » juridique qui ne tiendra pas en appel, et encore moins devant la Cour Suprême – parvienne d’abord à geler le calendrier de Trump en le forçant légalement à assister à toutes les audiences de tel ou tel procès puis, si possible, à le condamner à des peines de prison effectives y compris durant la procédure d’appel. Il est ainsi espéré que Trump ne pourra plus faire campagne jusqu’au jour de l’élection. Cela laisserait le champ libre à Kamala Harris, ancienne Procureur de Californie et nouvelle « Lady Justice », ainsi qu’aux médias, pour cataloguer Trump comme criminel condamné (« convicted felon »). Ceci consolidé dans les esprits, l’idée serait ensuite de fixer l’électeur sur le « projet de coup d’État insurrectionnel de Trump » en association avec le think tank The Heritage Foundation. La tactique vise en ce cas à faire fuir suffisamment d’électeurs et électrices indépendants… puis de faire taire un Trump décrédibilisé sur de possibles fraudes électorales démocrates dans les états-pivots.
Est-ce que cette stratégie du « blob » marche ?
Elle a très bien marché jusqu’à la troisième semaine d’Août. Trump, obsédé par Biden, avait perdu en quelques jours son « capital-attentat » : se fourvoyant d’abord à trop vouloir régler ses comptes avec Biden au sujet de la dernière élection; il est ensuite descendu dans le caniveau en attaquant bêtement Kamala Harris au lieu de la laisser aller à la faute. S’en est ensuivi un effondrement de son avance dans des sondages (sur lesquels il y aurait beaucoup à dire – s’en référer ici à Rasmussen)
Puis, revirement, l’on s’est aperçu qu’une autre campagne Trump s’était discrètement profilée, silencieuse, pendant tout le mois d’Août, grâce aux efforts de Donald Junior, et de Tucker Carlson. En une même semaine, à la suite de sa discussion internet de plus d’une heure avec Elon Musk qui a encaissé près d’un milliard de vues, Trump a bénéficié du ralliement de JF K (Kennedy) Junior (ex démocrate), et de Tulsi Gabbard (ex-Vice-Présidente du Parti démocrate).
Est-ce significatif ?
Combinés à celui de J‑D Vance (Vice-Président putatif de Trump), ces ralliements représentent une gigantesque gifle infligée à la totalité du « blob » sous toutes ses dimensions. Non pas qu’une partie de l’électorat de Kennedy puisse servir d’appoint à celui de Trump, mais bien plutôt qu’il y a ici matière à projeter l’idée que Trump veut unifier et non diviser les américains. Au-delà de cette considération, un programme se dessine autour de quatre axes majeurs :
- Non aux guerres incessantes (complexe militaro-industriel)
- Non à la guerre contre nos enfants (complexe alimentaire, pharmaceutique, agrochimique)
- Non à la guerre contre la libre expression (complexe de la censure et des vérités officielles)
- Oui à la prospérité (non aux diseuses de bonne aventure climatiques, oui à la vraie écologie, non à la dette)
Trump veut-il vraiment s’engager jusque-là?
Ce serait la meilleure façon pour lui de casser le piège dans lequel il était s’était enfermé début Août. Les équipes d’Obama avaient en effet eu tâche facile, faisant de la campagne 2024 un « référendum sur Trump » tout en réinventant le « Yes We Can » exprimé par le visage de Kamala incarnant la « nouveauté ».
Avec les récents ralliements, Trump revient de loin. Kennedy pourrait, au sein de la future administration, prendre un rôle de leader dans la guerre contre la malbouffe (contre l’obésité et les maladies chroniques infantiles) en tant que ministre de la Justice (ceci inclurait alors la question de la censure) ou encore de la Santé (ce qui inclurait alors un volet écologique), Vance de son côté pourra excellemment gérer les médias en tant que Vice-Président, puis prendre en charge des projets spéciaux (wokisme, frontières, citoyenneté), Gabbard quant à elle peut viser le Ministère des Affaires Étrangères (département d’État). Mais surtout, en un tel scénario, ce serait à Elon Musk de prendre en charge l’audit de tous les ministères, afin de déterminer à quoi ils servent et si l’argent y est bien utilisé. Quant à Trump, qui excelle auprès des forums économiques, des chambres de commerce, et maintenant des gafam et des techs, son ambition, outre le retour à la prospérité, serait de lancer un massif plan Bitcoin (afin de sortir de l’emprise de la réserve fédérale). Autant de projets révolutionnaires qui traiteraient des vrais problèmes. Ce serait enfin la réalisation tant espérée du « drain the swamp » de la campagne Trump 2016.
Trump peut-il gagner ?
À la loyale, et si Trump reste discipliné, oui ! Mais il a face à lui une machine qui sait écraser l’intrus et faire feu de tout bois du moindre de ses écarts. Toutefois, les équipes Trump sont mieux organisées. Plus de 100 000 personnes ont été recrutées afin de vérifier la régularité du vote par correspondance. Par ailleurs Trump a exigé du Speaker de la Chambre d’introduire une annexe à la loi budgétaire complémentaire : une disposition exigeant des États de fournir la preuve que seuls les citoyens votent aux élections fédérales. Un moyen de bloquer le budget pour le cas où la disposition ne serait pas mise en œuvre? La question est d’importance, selon l’entreprise de sondages Rasmussen.
Si Trump gagne, sera-t-il président ?
Ce n’est pas sûr, si l’on en croit certains juristes qui estiment que Trump, une fois élu, pourrait être disqualifié par un Congrès invoquant « l’insurrection » du 6 janvier 2020 (thèse développée par la BBC). D’autres avis, plus mesurés, pensent ladite théorie sinon trop poussée, du moins génératrice de catastrophe civique.
Que dire en conclusion provisoire ?
La Constitution américaine a été mise en vigueur en 1789. Elle a tenu jusqu’ici, bien que le pays ait été en guerre civile larvée depuis sa fondation. S’y sont affrontés d’un côté les puritains, de l’autre les constitutionnalistes. Aujourd’hui le « blob » représente les puritains, et le mouvement trumpiste (qui va désormais bien au-delà de Trump) représente les constitutionnalistes. Si l’équipe Trump-Vance-Musk-Gabbard-Kennedy l’emporte, cela signifie au moins douze années de « constitutionnalisme » (le dernier mandat de Trump plus les deux suivants de son successeur).
Or il est aujourd’hui absolument inimaginable que le « blob » accepte une défaite sans broncher. La réaction sera féroce, et probablement de type soviétique. A suivre…
VOIR AUSSI https://www.ojim.fr/etats-unis-comment-les-medias-de-gauche-ont-menti-sur-letat-de-sante-de-biden/