Il faudrait un livre entier pour dresser la liste des médias, français comme américains, qui se sont intégralement plantés, sondages à l’appui, sur le nom du futur président des États-Unis. Plus grave, la quasi-totalité des médias a fait ouvertement campagne pour Hillary Clinton, s’asseyant comme rarement sur les grands principes qui fondent le journalisme. Trump élu, il aura bien fallu tirer les leçons de cet échec cuisant et de ce fiasco moral.
« La plupart des journalistes étaient aveuglés par leur propre bigoterie contre la religion conservatrice, contre les gens de la campagne, contre la classe ouvrière et contre les Blancs pauvres »
S’il ne faut pas compter sur les médias hexagonaux pour envisager toute remise en question, le New-York Times, qui fait figure d’institution outre-Atlantique, a entrepris ce travail. « Les médias d’information ont largement manqué ce qui se passait autour d’eux. C’est une histoire qui se répète. Les estimations n’ont pas seulement été un mauvaise guide durant cette nuit électorale – elles ont été à l’inverse de ce qui se jouait réellement », a ainsi fait savoir Jim Rutenberg, médiateur du quotidien new-yorkais.
C’est dans un long papier que ce dernier tente de comprendre cette déconnexion entre le traitement médiatique de la campagne, les prévisions des experts, et le résultat final traduisant les véritables inquiétudes et la volonté du peuple américain. « C’est plus qu’un échec des instituts de sondages. Il s’agit bien de l’échec à entendre la colère bouillonnante d’une grande partie de l’électorat américain qui s’est sentie délaissée par une minorité sélective, trahis par des accords commerciaux qu’ils considèrent comme des menaces et non respectés par Washington, Wall Street et les médias mainstream », a‑t-il poursuivi, soudain clairvoyant.
Le New-York Times lui-même donnait, en début de soirée, Hillary Clinton favorite à 84 %. Ainsi Rutenberg constate que « la politique n’est pas qu’une affaire de chiffres. Les données ne peuvent pas toujours agir comme le thermomètre de l’état des Américains. » Reprenant les mots de l’écrivain conservateur Rod Dreher, Jim Rutenberg explique que « la plupart des journalistes étaient aveuglés par leur propre bigoterie contre la religion conservatrice, contre les gens de la campagne, contre la classe ouvrière et contre les Blancs pauvres ». Et d’estimer que, si ces fautes peuvent être réparées, « nous devons nous y mettre, une fois pour toutes ».
Ainsi quelques jours plus tard, le 13 novembre, c’est l’éditeur du New York Times Arthur Sulzberger Jr. qui s’est excusé. Dans un billet publié sur le site du quotidien, celui promet : « Nous entendons nous recentrer sur la mission fondamentale du journalisme du Times, et qui consiste à rapporter honnêtement ce qui se passe en Amérique et dans le monde, sans crainte ni faveur. » Dès janvier, au moment de l’investiture de Donald Trump, Sulzberger assure que les lecteurs pourront compter « sur le New York Times pour couvrir avec honnêteté et indépendance le nouveau président et son équipe ».
Un mea culpa qui, même s’il s’avère peu suivi d’effets, a le mérite d’exister. En France, il faudra peut-être attendre 2017 pour, dans un premier temps, observer le parti pris des médias durant la campagne présidentielle et, en cas de surprise, guetter les excuses et les regrets…
Voir également notre dossier : L’influence de Georges Soros sur les médias américains
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