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Elon Musk fait trembler les médias de grand chemin français

21 janvier 2025

Temps de lecture : 8 minutes
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Elon Musk fait trembler les médias de grand chemin français

Temps de lecture : 8 minutes

Quelle que soit leur obédience, même si cela était plus marqué au sein des médias libéraux-libertaires et sociaux-démocrates, les personnalités de la Silicon Valley et de la Big Tech ont longtemps été considérées comme de petits génies pensant comme il convient. Démocrate, en gros, aux États-Unis. De ce fait, ils étaient regardés d’un bon oeil de ce côté de l’Atlantique. Après tout ne contribuaient-ils pas à cette idéologie du Progrès qui inéluctablement devait nous conduire vers le Bonheur absolu ? Patatras ! Le Progrès s’est écroulé.

Et voilà que le trublion Elon Musk s’est mis à s’exprimer librement, entraînant peu à peu des pans entiers du monde de la Big Tech.

Musk ? Le nouveau diablotin des médias français

Fin décem­bre 2024 et début jan­vi­er 2025, Elon Musk, prin­ci­pal sou­tien du prési­dent élu Don­ald Trump, était partout. Et les por­traits dressés du per­son­nage par les médias français n’étaient plus celui du petit génie admiré. Bien au con­traire. C’est même la panique.

Que reproche-t-on à Elon Musk, out­re de ne plus penser comme l’on croy­ait qu’il pen­sait ? D’exprimer des opin­ions qui ne sont plus les « bonnes » opin­ions, bien sûr, mais aus­si de faire mon­tre « d’ingérence » dans la vie poli­tique d’autres pays que les États-Unis. Avec l’aide de son réseau social X (ex-Twit­ter). Pour­tant, Musk fait ce que font tous les abon­nés de X : il tweete des opin­ions, sou­vent lap­idaires. Ain­si, lorsqu’il appelle à la démis­sion du pre­mier min­istre bri­tan­nique début jan­vi­er, l’accusant d’avoir occupé des respon­s­abil­ités judi­ci­aires, ce qui est exact, durant la très longue péri­ode où de jeunes filles anglais blanch­es étaient pros­ti­tuées et vio­lées par des indi­vidus majori­taire­ment pak­istanais ou d’origine pakistanaise.

Starmer dans la nasse

L’affaire date des années 2010, quand Starmer était pro­cureur à la tête du ser­vice judi­ci­aire de la Couronne. Il est à not­er que nom­bre de policiers, per­son­nels de jus­tice, jour­nal­istes, hommes poli­tiques ont cou­vert ces scan­dales sex­uels mon­strueux, qui afin de ne pas froiss­er une com­mu­nauté, qui pour en con­serv­er les bul­letins de vote. Pour­tant, cela se savait. Même en France. Mais quiconque osait évo­quer cela était immé­di­ate­ment taxé de racisme et de fab­u­la­tions. Jusqu’au jour où les faits furent recon­nus comme étant avérés. Musk s’interroge donc sur le rôle de celui qui était alors un respon­s­able impor­tant du monde judi­ci­aire bri­tan­nique. Car c’est le pro­cureur Starmer qui a l’époque devait décider de pour­suites. C’était sa fonc­tion. Et il émet cette opin­ion « Starmer doit par­tir ». Ce serait de l’ingérence ? Plus que celle dont fait preuve George Soros s’interrogeait Chris­tine Kel­ly sur Cnews le 8 jan­vi­er 2025 ?

Olaf Scholtz et l’AfD

Idem quand il s’attaque à Olaf Scholz, actuel chance­li­er alle­mand, au plus bas dans les sondages. À la toute fin décem­bre 2024, Le Figaro repre­nait une infor­ma­tion de l’agence Reuters selon laque­lle Elon Musk aurait insulté le chance­li­er alle­mand et apporté son sou­tien à l’AfD. Soutenir l’AfD, cela peut ne pas plaire évidem­ment. Libre à lui, cepen­dant. C’est affaire d’opinion et les réseaux soci­aux sont conçus pour cela. Pour Musk, Scholz est un « idiot inca­pable ». Si on con­sid­ère l’état de l’économie alle­mande, pourquoi pas ? Et, selon Le Figaro, en appor­tant son sou­tien à l’AfD le mil­liar­daire sud-africain con­tin­uerait de s’impliquer dans la vie poli­tique européenne, après son sou­tien au bri­tan­nique Nigel Farage et à l’italienne Gior­gia Mel­oni. Elon Musk a des préférences et des opin­ions poli­tiques ? Et alors ? Il décide d’exprimer ses opin­ions ? Cela ne devrait pas cho­quer Le Figaro qui affiche juste­ment la notion de lib­erté d’expression en guise de slo­gan quo­ti­di­en­nement sur sa Une.

Haro sur Elon Musk !

L’obsession anti-Musk qui sem­ble se dévelop­per est moins sur­prenante du côté du monde médi­a­tique libéral-lib­er­taire. Les défenseurs de gauche de la lib­erté d’expression (quand elle exprime leurs pro­pres opin­ions) éri­gent peu à peu Elon Musk en enne­mi pub­lic numéro 1. Ain­si, Libéra­tion, sans aucun doute peu sujet à l’humour évi­dent du mil­liar­daire, a cru bon de se fendre d’un arti­cle, le 3 jan­vi­er 2025, quand Elon Musk a mis le fameux Pepe la grenouille comme image de pro­fil de son compte X. Voilà de qui hériss­er les poils de Libéra­tion, Pepe étant con­sid­éré comme « un code inter­na­tion­al pour la fachosphère ».

Une grenouille dans la mare

La grenouille selon Libéra­tion ?

« Pepe a ain­si fini par être trusté par les supré­macistes, com­plo­tistes et autres anti­sémites. Ils en ont fait un usage si inten­sif que cette image est dev­enue un signe de recon­nais­sance de l’alt-right. Il n’est pas rare de voir l’animal arbor­er un bras­sard nazi, une cagoule du Ku Klux Klan ou la chevelure de Don­ald Trump… Le prési­dent élu améri­cain l’a lui-même util­isé pen­dant sa course à la Mai­son Blanche de 2016, mar­quée par un usage inten­sif d’Internet pour dés­in­former et manip­uler l’opinion. Pepe a fini par être classé comme un sym­bole haineux par l’Anti-Defamation League améri­caine. Par la suite, en 2017, son auteur, le dessi­na­teur Matt Furie, a décidé de l’enterrer sym­bol­ique­ment, en postant en ligne un dessin mon­trant son per­son­nage allongé dans un cer­cueil, les yeux clos. »

Vu ain­si, il n’est guère éton­nant que Libéra­tion prenne peur devant le moin­dre tweet de Musk. D’ailleurs, Libéra­tion ne s’inquiète pas seule­ment de l’utilisation d’une grenouille par Elon Musk. Le quo­ti­di­en sous per­fu­sion s’effraie du sou­tien apporté par le mil­liar­daire au mil­i­tant iden­ti­taire Tom­my Robin­son, le 2 jan­vi­er 2025. Le début de l’article : « Nou­velle sor­tie fas­cisante pour le mul­ti­mil­liar­daire Elon Musk ». Un peu d’outrance… Musk a sim­ple­ment expliqué que, de son point de vue, « une guerre civile » est « inévitable » au Roy­aume-Uni. Il est à not­er que Robin­son est l’un des nom­breux mil­i­tants iden­ti­taires ayant subi des peines de prison com­plète­ment dis­pro­por­tion­nées et fer­mes, par­fois de plus de deux ans, pour des pro­pos jugés diffam­a­toires tenus sur les réseaux soci­aux. Il fai­sait par­tie des mil­liers de man­i­fes­tants anti-migrants de l’été 2024, man­i­fes­ta­tions qui ont mon­tré à quel point la ques­tion migra­toire devient prég­nante en Europe. Les migrants ne sont pas un souci pour Libéra­tion. Le prob­lème, ce seraient les « émeutes anti-migrants et islam­o­phobes ». Libéra­tion n’a pas dû beau­coup s’intéresser au scan­dale sex­uel pak­istanais évo­qué plus haut…

À chaque sujet son Musk

Il est vrai que Libéra­tion par­lait déjà de « vague brune » le 20 décem­bre 2024 au sujet du sou­tien de Musk à Nagel Farage et à l’AfD. Le quo­ti­di­en, en ses expres­sions, ne doute de rien mais trem­ble. Cela appa­raît dans Le bil­let de Thomas Legrand, daté du 2 jan­vi­er 2025, un jour­nal­iste à la fois payé par un quo­ti­di­en privé et une radio publique donc (France Inter) :

« 2025 sera-t-elle l’année du grand bas­cule­ment autori­taire mon­di­al et de la fin de la préémi­nence de la démoc­ra­tie comme hori­zon indé­pass­able ? Le pre­mier évène­ment insti­tu­tion­nel qui fait trem­bler les ten­ants de l’État de droit et de l’équilibre des pou­voirs se déroulera le 20 jan­vi­er à Wash­ing­ton, avec la céré­monie d’investiture de Don­ald Trump. Le chef de l’État le plus puis­sant de la planète est désor­mais offi­cielle­ment illibéral. Il a non seule­ment envoyé bouler tous les codes de la bien­séance qui pré­valaient dans le monde démoc­ra­tique, mais Trump a aus­si défié toutes les insti­tu­tions et corps inter­mé­di­aires qui, jusqu’à aujourd’hui, lim­i­taient le pou­voir de ceux qui ont le pou­voir. Ces con­tre-pou­voirs insti­tu­tion­nels (jus­tice, agences de con­trôles) ou civils et privés (asso­ci­a­tions, presse) avaient une lat­i­tude sans cesse gran­dis­sante depuis deux cent cinquante ans aux États-Unis et près de deux cents ans en Europe. C’est à l’aune de leur étab­lisse­ment à tra­vers le monde que l’on jugeait le pro­grès uni­versel. ».

2025 sem­ble plutôt devoir être l’année de la grande peur des anciens pro­gres­sistes, dépassés par l’échec con­cret de leurs idéaux.

Voir aus­si : Thomas Legrand, portrait

Thierry Breton versus Musk

Elon Musk est partout. Un jour sur BFMTV car il s’en prend à Thier­ry Bre­ton et accuse ce dernier d’être le « tyran de l’Europe ». L’ex-commissaire européen étant un obsédé du con­trôle des moyens de com­mu­ni­ca­tion entre citoyens. Devant les tweets de Musk au sujet de l’Allemagne ou du Roy­aume-Uni, Bre­ton a accusé Musk « d’ingérence » (le nou­veau mot qui tue depuis qu’il est employé à tire-lar­ig­ot au sujet de la Russie, mot encore repris par Libéra­tion con­tre Musk le 11 jan­vi­er 2025). Réponse d’Elon Musk ? « Mec ! L’ingérence étrangère améri­caine est la seule rai­son pour laque­lle tu ne par­les pas alle­mand ou russe aujourd’hui ». Un cours d’histoire en pas­sant, cela ne fait jamais de mal à un respon­s­able poli­tique français.

Emmanuel Macron s’en mêle  et s’emmêle

Par­al­lèle­ment, ce qui reste du prési­dent de la République Française, Emmanuel Macron, tente de main­tenir le « en même temps » en accu­sant Elon Musk d’être à la tête « d’une inter­na­tionale réac­tion­naire » tout en souhai­tant main­tenir le dia­logue avec lui, rap­porte Le Monde daté du 10 jan­vi­er 2025. Un signe cer­tain du trou­ble que la per­son­nal­ité d’Elon Musk amène dans les chau­mières poli­tiques et médi­a­tiques européennes où l’on ne sem­ble plus savoir à quel saint se vouer. Pourquoi ? Le monde a changé. Les anci­ennes rela­tions inter­na­tionales et la géopoli­tique ont évolué vers des rap­ports de puis­sances à puis­sances. Tout le monde sem­ble l’avoir com­pris, de la Chine aux États-Unis, en pas­sant par l’Inde ou le Sud glob­al. Tout le Monde ? Sauf l’Union Européenne. Et la France. Dif­fi­cile dans ces con­di­tions de com­pren­dre ce que veu­lent des indi­vidus comme Elon Musk ou Don­ald Trump, surtout quand on est borgne ou volon­taire­ment aveugle.

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