Mathias Döpfner, patron du grand groupe de presse Axel Springer, ne s’en cache pas. Dans une lettre ouverte à Eric Schmidt, président exécutif du conseil d’administration de Google, il le confie : « Nous avons peur de Google. »
« Je dois le dire clairement et honnêtement, car peu de mes collègues osent le faire publiquement », ajoute-t-il, faisant part de l’impuissance des éditeurs de presse allemands face au géant américain. « Nous n’avons pas d’alternative (…) nous n’avons pas d’autres moteurs de recherche pour stabiliser ou développer notre présence online. (…) Google n’a pas besoin de nous, mais nous avons besoin de Google », explique-t-il en dénonçant une dépendance dangereuse.
En effet, le moteur de recherche, en état de monopole quasi-total, est connu pour ses méthodes déloyales qui vont des privilèges à ses propres sociétés jusqu’à la modification soudaine de ses algorithmes pour pénaliser leurs concurrents.
De plus, d’après les chiffres fournis par la fédération des éditeurs de presse allemands, Google encaisse outre-Rhin 70 % des recettes publicitaires du net, soit environ 3 milliards d’euros. Les autres éditeurs, « investissent dans les contenus que Google rentabilise », résume leur porte-parole, Peter Klotzki.
Contrairement à la France, qui a forcé Google a remplir un fonds de 60 millions d’euros pour protéger ses titres de presse, l’Allemagne a, depuis août 2013, fait passer une loi obligeant la firme américaine à payer des droits de licence si elle utilise des contenus de presse. Une société gestionnaire doit d’ailleurs déterminer les tarifs pour les services de type Google News, que le géant du web refuse de payer jusqu’à présent.
« Lorsque la même chose se produira avec les données personnelles des gens (…), la question de savoir à qui elles appartiennent sera l’une des
principales questions politiques d’avenir », conclut Mathias Döpfner. Axel Springer, qui édite pourtant le titre le plus lu d’Europe, Bild Zeitung, est loin d’être en position de force. Un combat de David contre Goliath qui, selon certains observateurs, est déjà perdu d’avance…
Crédit photo : carlosluna via Flickr (cc)