Il était une fois deux copains, Alain et Patrick. Alain Weill et Patrick Drahi s’estiment, travaillent ensemble, s’associent, se séparent un tout petit peu, se retrouvent. Survol des derniers méandres entre deux de leurs médias L’Express et Libération.
Des associés proches
Pour ceux qui veulent rentrer dans les détails historiques, voir nos infographies sur Patrick Drahi et Alain Weill qui donnent l’historique de leurs accords. Pour faire simple, Alain Weill est PDG d’Altice France qui contrôle NextTV qui elle-même contrôle BFM, RMC, Numéro 23 et leurs épigones. Patrick Drahi est plus investi sur SFR et les réseaux téléphoniques.
Par ailleurs, si Alain Weill n’est plus dans Libération, il est devenu en 2019 l’heureux (malheureux disent les mauvaises langues qui prédisent au titre un sombre avenir) propriétaire de 51% de L’Express pour un euro symbolique, Patrick Drahi en conservant 49% L’Express qui, après un plan social de belle ampleur, est devenu un clone de The Economist anglo-saxon dont il copie servilement le modèle.
Moins de services communs avec Libération
Libération est maintenant du côté Drahi qui annonce son intention de confier cet enfant malade à une « fondation indépendante ». Mais les premiers administrateurs nommés de la fondation sont tous des proches d’Altice de Drahi qui, mine de rien, gardera un œil attentif sur le bébé et pourra ainsi faire nommer le nouveau directeur de la rédaction, Laurent Joffrin partant fin 2020.
Problème : dans le cadre général d’Altice, au moment où la société contrôlait les deux titres, certains services (essentiellement les fonctions dites support, comptabilité, abonnements, publicité etc) étaient mutualisés pour d’évidentes raisons d’économies d’échelle. Patrick Drahi ne veut plus entendre parler du gouffre de son pôle médias et a déjà entrepris des négociations pour céder aussi son kiosque numérique SFR Presse ainsi que Milibris, une plate-forme de numérisation des journaux.
Un déménagement… et un nouveau plan social ?
Au même moment, Alain Weill annonce le déménagement du siège de L’Express. Avec un double mouvement : des transferts d’une partie des équipes communes avec Libération vers le nouveau siège ; et une nouvelle ouverture pour une clause de cession bonifiée pour les journalistes. Cette clause de cession, qui permet aux journalistes de partir dans de bonnes conditions, est offerte à l’équipe responsable du supplément L’Express Dix, en voie d’abandon, mais aussi à l’ensemble des journalistes. Une belle occasion pour réduire encore la voilure à un moment où la nouvelle formule patine, sans qu’il soit possible de savoir si c’est l’idée de copier The Economist qui ne séduit pas le lectorat ou si c’est un effet de la crise sanitaire. Il pourrait y avoir un peu des deux. Une formule purement digitale de l’hebdomadaire permettrait de diminuer encore les coûts. Un projet pour 2021 ? Les lecteurs et Alain Weill en décideront.
Crédit photo : Hisaux via Wikimedia (cc)