Renvoyé au tribunal par le parquet après une relaxe, Éric Zemmour n’en a pas fini avec la “police de la pensée”. En 2014, il avait donné un entretien à un journal italien, dans lequel il déclarait, entre autres, que les musulmans « ont leur Code civil, c’est le Coran », qu’ils « vivent entre eux, dans les périphéries », si bien que « les Français ont été obligés de s’en aller ».
Le tollé fut immédiat, le procès en « provocation à la haine raciale » lui emboîtant le pas. Vendredi dernier, il se défendait à la barre de la 17ème chambre correctionnelle, où il fait désormais figure d’habitué. Boulevard Voltaire a pu se procurer l’intégralité de son plaidoyer.
Dans celui-ci, il rappelle tout d’abord les débats ayant eu lieu autour du traité de Versailles de 1919, où Jacques Bainville, avec son livre sur les « Conséquences politiques de la paix » (1920), fut attaqué par la gauche, accusé d’être germanophobe, xénophobe et belliciste. Pourtant, ce dernier voulait simplement « mettre en garde ses compatriotes contre les illusions et la naïveté ».
Aujourd’hui, Éric Zemmour estime subir le même sort, en pire. Autre époque, autre mentalité. Comme le souligne le polémiste, « le grand Bainville ne savait pas qu’on pouvait être attaqué pour des mots qu’on n’avait pas prononcés, qu’on n’avait même pas entendus ». Il ignorait également qu’on pouvait être renvoyé d’un média (i>Télé) pour un délit d’opinion. Il était loin d’imaginer « la loi Pleven » et ses conséquences dramatiques.
S’estimant « traité comme un délinquant », Éric Zemmour affirme que la liberté d’opinion ne vaut « que pour Charlie Hebdo ». Pour lui, la gauche a « rétabli subrepticement le délit de blasphème », qui aujourd’hui permet de condamner « quiconque n’ôterait pas respectueusement son chapeau devant la nouvelle religion, la nouvelle doxa antiraciste, celle de l’identité heureuse, (…) celle de l’islam modéré, religion d’amour et de paix, celle de l’intégration harmonieuse dans le respect des différences. »
En effet, « tous ceux qui ne croient pas en cette nouvelle religion, tous ceux qui n’ont pas la foi doivent se taire ou être condamnés », ajoute-t-il. Pour autant, l’écrivain ne se décourage pas. Loin de là. « J’ai l’honneur, je dis bien l’honneur, d’être devenu une cible privilégiée. La cible privilégiée parce que mes livres ont beaucoup de succès, parce que mes interventions sont regardées, écoutées », clame-t-il.
Et ce dernier de prévenir le parquet : « rien ne m’empêchera de continuer à dire ce que je crois, même si j’ai bien compris que rien n’arrêtera le ministère public dans sa volonté de me faire taire. » Un ministère public qui « sert de relaie à des lobbys antiracistes qui vivent du racisme, ou du prétendu racisme (et encore : de manière hémiplégique), comme d’autres vivent de la défense des baleines ou des ours ».
Confiant, et surtout bien conscient d’être soutenu par une majorité de citoyens contre cette élite contestée, le journaliste conclut : « Un jour, j’en suis convaincu, l’Histoire donnera raison au pot de terre, comme elle l’a donné au grand Bainville, et le pot de fer aura honte. Mais il sera trop tard. » Sera-t-il, sur ce plan, aussi visionnaire que ledit Bainville, qui avait écrit, à l’époque : « Les démocraties ont coutume de reprocher à ceux qui ont prévu les événements de les avoir causés » ?
Voir notre portrait d’Éric Zemmour, une certaine idée du journalisme à la française
Crédit photo : Yves Tennevin via Flickr (cc)