Première diffusion le 14/11/2018 — L’Observatoire du journalisme (Ojim) se met au régime de Noël jusqu’au 5 janvier 2019. Pendant cette période nous avons sélectionné pour les 26 articles de la rentrée qui nous ont semblé les plus pertinents. Bonne lecture, n’oubliez pas le petit cochon de l’Ojim pour nous soutenir et bonnes fêtes à tous. Claude Chollet, Président
En ces temps où la violence des troupes de choc du mondialisme capitaliste se nomme « résistance », cependant que la résistance à ce nouvel ordre mondial devient « de la violence haineuse », il fallait bien que le seul journaliste américain proprement « révolutionnaire », seul capable de décoder la superclasse mondiale pour ce qu’elle est, soit devenu la cible desdites troupes de choc. Dans la soirée du 7 novembre 2018, un commando « antifa » a fait une descente au domicile washingtonien de Tucker Carlson (ce dernier était chez Fox News), terrorisant sa femme, sa famille et ses voisins en tambourinant sur sa porte au point de la fissurer, et hurlant des menaces d’usage (« Tucker Carlson, on va se combattre. On connait ton adresse ! Dégage de Washington! ».
Le groupe de résistance « Smash Racism DC » se mettait ainsi en ligne sur Twitter (compte censuré par Twitter depuis), une vidéo montrant ses « résistants » chantant les slogans précités (sous différentes versions), y ajoutant une autre, consacrée aux habituelles odes aux frontières ouvertes (« ni frontières, ni mur, ni États-Unis ! »), sans oublier de publier sur la toile l’adresse, photos à l’appui, de Tucker Carlson, celle de son frère, ou de ses amis proches. Pour conclure enfin sur Twitter sous la référence “#KnockKnockTucker” : « Tucker Carlson, tu ne pourras pas te cacher, toi et ton discours, tes mensonges, ta haine ». Haine il y a effectivement selon la police, qui va traiter ces menaces en vertu des lois américaines sur les « crimes de haine ».
Incitations à la violence
Ceci n’est pas sans rappeler les incitations à la violence de l’intouchable et sous-estimée députée de la Chambre des représentants, madame Maxine Waters. Smash Racism DC n’avait pas manqué depuis son appel de mener quelques opérations publiques, notamment réussissant à chasser d’un restaurant de la capitale le sénateur républicain Ted Cruz, alors qu’il soupait avec son épouse.
Mais pourquoi viser Tucker Carlson ? Tout simplement parce qu’il est le seul journaliste performant de la « résistance à la résistance ». Car c’est un champion de la dialectique et du décodage, un transformateur des règles du jeu. Bref au lieu de gémir ou de faire dans le scrogneugneu nostalgique de la droite ou de l’extrême droite américaine, Tucker Carlson avance sa présentation de la pensée traditionnelle en argumentant comme un activiste de gauche, les pieds bien ancrés dans le monde, assis sur une vaste culture « européenne », féru des leçons de l’Histoire, retournant le gant de ses adversaires, et le plus souvent dans la bonne humeur, voire l’humour.
Insupportable … d’autant que Carlson pulvérise le taux d’écoute. Car il est devenu le premier militant antiraciste américain, défendant les « caucasiens » contre les préjudices causés par la couleur de leur peau, et promouvant une Amérique libérée d’un communautarisme racial jugé contraire aux principes fondateurs de la République.
Fox News en forme
Cela fait maintenant plus de deux ans que Fox News est la chaine câblée la plus écoutée des États-Unis, devenant de facto le centre de la « résistance à la résistance » anti-Trump. Fox News dispose en effet de quatre locomotives : l’émission d’ouverture de la journée (Fox and Friends), puis l’émission du soir (à 20h) de Tucker Carlson Tonight suivie à 21 heures par Hannity et à 22 heures par The Ingraham Angle. Ces programmes d’opinion et d’investigation encadrent la programmation journalistique « équitable et équilibrée » (« Fair and balanced ») de la journée – représentée par les survivants du « Bushisme » –, puis propulsent également (à 23 heures) une excellente émission d’information « objective » : le bulletin de nouvelles de Shannon Bream.
Les affaires vont donc bien pour les héritiers Murdoch, qui semblent avoir renoncé à la mode bling-bling, comme cela semblait le cas après l’élection de Trump (leur star, Megyn Kelly, qui avait quitté Fox News pour le pont d’or de 20 millions de dollars offert par MSNBC, après avoir poignardé son mentor Roger Ailes dans le dos, vient d’ailleurs de se faire salement sortir par ladite chaine au détriment de son amour-propre plus que de son portefeuille, d’autant qu’elle sera bientôt incarnée par Chalize Theron dans une production hollywoodienne). Aujourd’hui la chaîne des Murdoch est non seulement devenue le refuge de la pensée « trumpopuliste », mais aussi la seule où l’on fasse encore du journalisme bipartisan de qualité (les autres chaînes massacrant Trump en continu, dans un style de plus en plus tabloïd et incitatif à la haine).
Hors du sérail
Parmi les champions des taux d’écoute de Fox, Tucker Carlson se distingue par son originalité, car il n’appartient à personne, pas même à Trump. Alors que les très « conservateurs » Fox and Friends visent la famille au travail face aux problèmes de la vie (tout en faisant le panégyrique de Trump, et que le « réactionnaire » Hannity a réussi à réunir une équipe agressive de journalistes d’investigation qui fragilisent le blindage de la collusion anti-Trump menée par l’État « permanent » (ou « profond ») américain, ou que « l’intégriste » Laura Ingraham se focalise sans dentelles sur la religion et le barrage à l’immigration incontrôlée du champion Donald Trump, Carlson, totalement indépendant du sérail de Donald Trump (il n’hésite pas à le critiquer), est le meilleurs spécialiste de la contre-attaque idéologique. Ni « sycophante » ou « conservateur », pas même « réactionnaire », il transpire en lui « le libertarien révolutionnaire » qui a parfaitement décodé ce qui se passe, non seulement aux États-Unis, mais dans le monde. Et qui pose sans cesse des questions d’enfant : « pourquoi vous dites ça, et qu’est-ce que ça veut dire en réalité ? », les répétant ad nauseam, stoppant net ses adversaires.
Biographie, les débuts
Tucker Swanson McNear Carlson est né à San Francisco en 1969 d’un père journaliste et ancien ambassadeur, également ancien directeur de la Corporation for Public Broadcasting et de la Voix de l’Amérique. Sa femme ayant abandonné mari et enfants pour mener une vie de bohème, le père de Carlson s’était remarié avec l’héritière de la grande fortune Swanson (les produits surgelés), également nièce du célèbre sénateur démocrate « de gauche » J. William Fulbright.
Carlson est diplômé d’histoire. Il a fait ses débuts journalistiques à la Policy Review, contrôlée par le think tank qui « faisait » les politiques de Ronald Reagan : The Heritage Foundation. Après quelques emplois transitoires, il a fait un passage au Weekly Standard, fief du néo-conservatisme créé au départ par le #NeverTrump Bill Kristol, tout en écrivant ponctuellement pour les progressistes Esquire, New Republic , et New York Times Magazine, ainsi que pour une machine à scoop : The Daily Beast.
Sa carrière a décollé chez CNN (de 200 à 2005), où il s’était en particulier fait remarquer par ses interventions dans la défunte émission à succès Crossfire, qui opposait des journalistes de droite et de gauche. Se comportant comme un anticonformiste, il fut vite ciblé par l’extrême gauche caviar, en particulier par le célébrissime animateur du Daily Show, John Steward, qui n’avait pas apprécié de se faire démolir. Carlson passa alors chez MSNBC en 2005 pour animer « son » émission et réaliser quelques reportages au Moyen-Orient. Son départ, en 2008, coïncida avec le gauchissement idéologique de MSNBC, qui misait alors sur Rachel Maddow et Ed Schultz pour ses programmes du soir.
À SUIVRE.
Crédit photo : capture d’écran vidéo Fox News