En cette période de vacances alors que Joe Biden vient de renoncer à sa candidature, nous sortons de l’univers médiatique et vous proposons une œuvre de fiction. Le billet que nous postons est bien entendu fictif, quoique… Nous remercions notre correspondant en Amérique du Nord pour cette fable estivale, qui comme toute fable comporte sa morale.
Tout commença il y a très, très, longtemps, lorsqu’un certain Gutenberg inventa les premiers médias sociaux. L’impression de la Bible de Gutenberg court-circuita impitoyablement la très impériale et agricole église de Rome, celle-ci fondée sur le cycle des saisons, la transmission orale et les enluminures .
Destinée manifeste et nouvelle Terre promise
Et le virus biblique se propagea, se propagea, et se propagea encore, tandis que les boutiques proliféraient. De ce chaos surgit une idée nouvelle et fondamentale : la prédestination. Très vite mal comprise (car le protestantisme classique estimait qu’il fallait tout de même la mériter par une pratique religieuse assidue), la prédestination des incultes fit le lit de certains groupuscules semi-terroristes anglais – les puritains – qui se convainquirent qu’ils étaient le marteau d’une destinée manifeste. Cela exigeait d’eux d’abord d’abolir les monarchies jugées contraires à l’ancien testament, et ensuite de restaurer la Terre Promise qui deviendrait le gendarme du monde.
Et ces prédestinés embarquèrent courageusement sur des coquilles de noix, faisant un bras d’honneur au roi d’Angleterre (et à tous les autres). C’est ainsi que naquirent les premières colonies américaines, celles des pères pèlerins, au tout début du XVIIe siècle. Et c’est ainsi que naquit la Révolution américaine, près de deux siècles plus tard (on est loin de Donald Trump, mais nous allons y venir dans quelques instants).
Le couple isolationnisme/interventionnisme
La merveilleuse révolution américaine réussit un prodige : créer une constitution stable pendant deux-cent cinquante ans, assise sur un peuple divisé en deux. Le pays a constamment dû arbitrer pendant deux siècles et demi entre l’isolationnisme et l’internationalisme, le protectionnisme et le libre-échangisme, le fédéralisme et le centralisme. Ce que nous nommons « la guerre de sécession de 1861–65 » n’en fut qu’un épisode, certes paroxystique.
Ce qui n‘empêcha pas le pays de conquérir tout un continent. Parce qu’au fond, les États-Unis ne sont pas un pays, mais une entreprise en déficit chronique avide de nouveaux pillages afin d’assoir sa survie. Le modèle d’affaire du pays – après ses guerres contre les « sauvages » et les Mexicains – fut pendant deux siècles de se créer des alliés puis de les asservir, voire de les dépouiller. Les observateurs européens se sont d’ailleurs toujours demandé pourquoi l’Amérique choisissait (très souvent) ses ambassadeurs parmi leurs chefs d’entreprises. Réponse : ça faisait partie du « business plan ».
Des alliances aux changements de régime
Mais, depuis l’ère Clinton, sa croissance économique n’a plus été fondée sur les alliances, mais sur la machine infernale des « changements de régimes » y compris aux États-Unis. Le 13 juillet 2024 a ainsi marqué dans le sang le retour paroxystique de cette stratégie sur le sol américain. Un jeune homme qui comme des milliers d’autres gauchistes s’était enregistré comme républicain pour pouvoir voter aux primaires républicaines contre Donald Trump, avait ainsi décidé de réparer le toit d’un entrepôt non loin d’un champ ou se déroulait une cérémonie satanique présidée par un homme orange. Utilisant la crosse de son fusil pour enfoncer des clous, un coup malencontreux partit. La balle zigzagua douze fois, tuant un pompier et blessant deux autres individus ainsi que l’oreille de l’homme orange. Et l’homme orange refusa de présenter ses excuses. Cela n’était pas dans le film, il aurait dû mourir, proclamaient les anti-haine, et les pleureuses au compte d’autrui.
Trump, plus romain que post-moderne
Trump avait maintes fois affirmé son mépris pour la version post-moderne de l’impérialisme américain, celle des changements de régime. Trump était un primitif, il appartenait à la vielle école de l’impérialisme romain entrant en décadence : je conquière un territoire, j’y prélève des soldats pour en conquérir d’autres ou protéger les limes de l’empire. Et, quand ça va mal, je me replie en pillant et volant tout ce que je peux prendre de mon « allié ».
Quel imbécile, ce Trump, quel plouc! Au contraire, s’exclament les post-modernes hors-sol, ce qu’il faut maintenant, c’est piller tout le monde, à commencer par les États-Unis : la constitution du pays, c’est ce que je dis, la bureaucratie des États-Unis, c’est mon business, la police et les services secrets c’est mon business, les technologies, c’est mon business, l’armée et les médias c’est mon business. Et mon business aujourd’hui c’est la conquête de l’Eurosibérie avant que la Chine ne le fasse. Et les Européens sont trop couillons pour le faire eux-mêmes. Kiss My Ass, point final!
La nouvelle guerre américaine
Tel est le cadre de la récente métamorphose de la guerre civile américaine. Une guerre entre deux catégories de prédestinés. D’un côté (Trump) les impérialistes « débonnaires », de l’autre, les prédateurs utilisant les institutions afin d’organiser les prochains bouleversements du monde pour leur seul bénéfice.
On ne saura jamais la vérité sur l’attentat du 13 juillet. Si Trump avait péri, il est probable qu’un diable néoconservateur flatteur du trumpisme – il y en a toute une palanquée – aurait alors surgi lors de la Convention républicaine, saisissant l’occasion de consoler les masses. Et probablement qu’une crise internationale majeure serait également sortie de la boite du dit diablotin.
Républicains archéofuturistes
Mais la providence en a voulu autrement. Ainsi vont ces ruses de l’histoire que l’on nomme hétérotélies. Mais les dieux ont encore du boulot. Les républicains de Trump ressemblent désormais à des sociaux-démocrates « archéofuturistes » (pro traditions, pro constitution, pro technologies) ce qui explique les grands basculements récents dans leurs financements politiques aiguillonnés par Elon Musk, Davis Sachs, et Tucker Carlson. Les démocrates ne ressemblent désormais plus à rien. Morts-vivants agitant leurs vieux mythes comme des moulins à prière, ils sont cependant assis sur une machine électorale hyperpuissante et impitoyable, disposant encore des soutiens du capitalisme médiatique, maintenant avec un candidat qui ne sera plus Joe Biden, trop ensommeillé pour conquérir et sans doute aussi pour gouverner.
Mais un fait demeure, têtu : une nouvelle guerre de sécession sort de l’œuf géopolitique de Salvador Dali, celle d’un monde qui veut s’émanciper de l’empire des prédestinés. Ainsi, vociférant et bavant ces huit dernières années, les brutes anti-Trump ne se rendirent pas compte que le monde avait déjà pris une autre direction. Tout comme la malheureuse Marie-Antoinette dans sa bergerie. Bonnes vacances à tous.