Rediffusion. Première diffusion le 26 juin 2018
Le 16 avril 2018, l’OJIM a consacré un article à la couverture médiatique quasi-inexistante en France de manifestations organisées en Allemagne contre la politique migratoire de la chancelière Merkel. Une série de meurtres et d’agressions en ont été les éléments déclencheurs. Ils ont été jusqu’à ces derniers jours passés sous silence en France alors qu’ils sont une des clefs de compréhension du retournement d’une partie de l’opinion publique allemande contre son gouvernement. Un chroniqueur du site d’information Atlantico et le journaliste Claude Askolovitch dans sa revue de presse du 19 juin sur France Inter se sont étonnés du mutisme des médias français à ce sujet. Nous y revenons.
Cela commence à devenir courant : les médias mainstream font le silence ou diffèrent autant que possible la couverture d’événements et de faits divers qui seraient susceptibles d’alimenter le « populisme ».
Quelques précédents
Comme le relatait l’OJIM en avril, à partir des années 80, environ 1 000 jeunes femmes blanches ont été violées par un gang indo-pakistanais dans la ville de Telford en Grande Bretagne. Les faits ont longtemps été passés sous silence tant par les services de l’État que par les médias. Plus près de nous, lors du nouvel an 2015, l’agression sexuelle de centaines de jeunes Allemandes à Cologne par des individus « d’origines arabes ou nord-africaine » selon la Police avait aussi tardé à être révélée. La minimisation et la déformation des faits ont été de mise comme nous vous le relations récemment. On pourrait également parler du retard à l’allumage de l’AFP concernant l’infiltration de terroristes parmi des migrants.
Le retournement d’une partie de l’opinion publique allemande
L’affaire du moment concerne une série de meurtres de jeunes femmes par des migrants arrivés récemment en Allemagne. Le journaliste Claude Askolovitch fait un mea culpa dans sa revue de presse du 19 juin sur France Inter : « Une histoire a peu transpiré dans la presse française » : une jeune allemande, Susanna Feldmann, a été « violée et assassinée par Ali Bashar, un chouette copain venu d’Irak avec la grande vague des migrants de 2015 ». Un camarade dont l’asile avait été refusé mais que les autorités n’étaient pas parvenues à débouter nous informent Les Échos.
Le chroniqueur poursuit : « Cette histoire (…) éclaire la grande crise de la coalition allemande. On a imputé la mort de la jeune fille, sur les réseaux sociaux, à la chancelière ». (…). « J’ai retrouvé dans le New York Times ce texte d’une éditorialiste venue du Tageszeitung, le journal de la gauche allemande, elle s’appelle Anna Sauerbrey qui reconnait ceci. La mort de Susanna vient d’après d’autres meurtres de jeunes femmes perpétrés par des migrants ».
Effectivement, il fallait jusqu’à récemment lire la presse étrangère pour être informé d’événements qui ont été ignorés en France. Ceci bien qu’ils aient connu un retentissement important en Allemagne. Au point de voir des citoyens allemands défiler à plusieurs reprises contre la violence et la politique migratoire de la chancelière allemande. Ce raidissement de l’opinion est sans doute également une explication de la position ferme du Ministre allemand de l’intérieur (CSU) vis-à-vis de la politique migratoire de Mme Merkel.
Comme le relatent Les Échos le 15 juin, après le meurtre de Susanna, « Les députés sont rentrés très marqués de leur circonscription où les gens ne leur parlaient que de cela », raconte un parlementaire. Témoin du choc suscité par cette affaire, qui met en arrière-plan les succès de l’intégration, Horst Seehofer (le ministre de l’intérieur NDLR) a dépêché le président de la police fédérale pour aller chercher lui-même le coupable, qui avait eu le temps de s’enfuir en Irak après le meurtre ».
Si comme l’indique Claude Askolovitch, « le meurtre (de Susanna NDLR) a fait basculer l’Allemagne », il est patent que les médias français ont passé sous silence en leur temps d’autres meurtres de jeunes filles qui ont selon L’Observer « péri sous les coups de migrants » durant les 18 derniers mois : à Kandel, Fribourg-en-Brisgau et Flensburg.
Frilosité des médias français
Ces meurtres ont provoqué un émoi dans le pays qui a atteint un paroxysme avec celui de Susanna, le 22 mai dernier. En particulier parce que le meurtrier censément venu chercher l’asile est sorti aussi librement du pays qu’il y était rentré. La récente révélation par le journal Bild du fait que plusieurs criminels ont demandé l’asile en Allemagne ne devrait pas faire baisser la tension.
Askolovitch se base sur Le Monde pour reprendre à son compte l’affirmation que, en dépit de ces faits divers, « la délinquance est en baisse outre-Rhin». Le New York Times ne réfute pas ces chiffres. Mais le quotidien américain ajoute que « les crimes violents comme les meurtres et des agressions sexuelles ont selon les statistiques augmenté, ce que certains attribuent à l’arrivée de migrants». Des affirmations étayées par Valeurs actuelles dans une étude des statistiques de la délinquance.
Le site Thelocal.de indique pour sa part que l’affaire Susanna évoque « le spectre de la perte de contrôle, un État (allemand) dépassé qui ne maitrise plus sa politique migratoire ». Le journal interviewe une ethnologue : « Ce ne sont plus des événements isolés. Il s’agit d’un choc des cultures et l’Allemagne doit développer des méthodes pour gérer des hommes agressifs issus d’une culture patriarcale ». Imagine-t-on un tel point de vue dans les médias français ?
La « récupération de l’extrême droite »
Le 11 juin, un chroniqueur du site Atlantico s’interroge : « Comme se fait-il qu’un drame (le meurtre de Susanna NDLR) qui bouleverse un pays voisin et si proche ne trouve aucun écho dans les médias français ? ». « Violée et assassinée par deux demandeurs d’asile : mais pas un mot car “l’extrême droite pourrait s’en emparer”! ». « L’explication est donnée par un journal suisse, La Gazette de Lausanne. Relatant succinctement ce qui était arrivé à Susanna Feldman, le journal écrit que “l’extrême droite s’est emparée de l’affaire”! ». Le Monde peut aussi être mentionné pour ce réflexe pavlovien: « le temps de l’émotion a vite laissé place à celui de la récupération ».
Telford, Cologne, attentats de Paris : quand la série d’agressions est connotée, un réflexe partagé semble être, dans le meilleur des cas de relater les faits, mais surtout de s’empresser de dénoncer une « récupération ». Parfois même avant que les politiques ne s’en emparent. Comme si des faits divers ne pouvaient être traités comme des faits de société auxquels il appartient aux partis politiques de répondre.
Il aura fallu attendre que la chancelière allemande soit prise dans la tourmente d’une crise politique pour que les médias français commencent à parler de meurtres de jeunes femmes commis par des migrants. Les manifestations organisées contre la politique migratoire de la chancelière Merkel à partir de l’automne 2017 étaient pourtant des signes avant-coureurs d’une exaspération d’une partie de l’opinion publique allemande. Ce phénomène a été – à quelques exceptions près (notamment TV Libertés, RT actu) — largement ignoré par les médias français.
Il y a fort à parier que la pratique de dissimulation des faits, sous prétexte de ne-pas-faire-le-jeu-de‑l’-extrême-droite, aboutisse à l’effet inverse : la méfiance vis-à-vis‑à vis de médias qui repeignent la réalité en rose ne fait que grandir. Pendant de ce temps, les réseaux sociaux et les médias alternatifs comblent le vide laissé par les informations manquantes.