Nous reprenons un article du site Les Crises du 30 septembre 2021 sur la politique d’influence qui illustre – à la suite d’une maladresse éditoriale – une partie du comportement des industriels de l’État profond américain. Le journal sur abonnements Politico publié aux États-Unis et en Europe est une émanation atlantiste rachetée récemment par le groupe allemand Springer Verlag dont l’actionnaire de référence est le fonds américain KKR depuis 2019 et qui a déjà investi dans les médias dans les Balkans via le général David Petraeus, ancien chef de la CIA.
“A Politico newsletter article about President Joe Biden’s withdrawal from Afghanistan originally was labeled as ‘Presented by Lockheed Martin,’ but the label was later removed, according to Internet Archive pages.“https://t.co/TG0n99gZ6u
— Caitlin Johnstone (@caitoz) August 19, 2021
Politico supprime discrètement Lockheed Martin de son bulletin d’information
Cette décision apparemment prise à la suite d’un tweet viral attirant l’attention sur ses relations avec le complexe militaro-industriel.
Source : Responsible Statecraft, Ethan Paul. Traduit par les lecteurs du site Les Crises.
Le parrainage Lockheed était là le 13 août – et puis ce n’était plus le cas.
Politico [média d’informations sur la politique américaine basé à Washington, sa version papier est distribuée gratuitement, NdT] semble avoir mis fin, ou tenté de dissimuler, un accord de parrainage entre Lockheed Martin, le plus grand fabricant d’armes des États-Unis, et son populaire bulletin d’information National Security Daily. Les preuves de l’existence de cette relation ont disparu du site web de Politico.
Depuis fin mars, Lockheed figurait sur la liste des sponsors de la lettre d’information quotidienne – une lecture populaire parmi l’élite de la politique étrangère de Washington qui s’appelait auparavant Morning Defense. Avant cela, son sponsor était Northrop Grumman, le troisième plus grand fabricant d’armes des États-Unis.
Le matin du 16 août, Eli Clifton, conseiller principal du Quincy Institute et collaborateur de Responsible Statecraft, a attiré l’attention sur cette relation dans le contexte du retrait d’Afghanistan dans un tweet qui est ensuite devenu viral ; le financement a également fait l’objet de moqueries sur Reddit. L’édition du lundi du National Security Daily publiée dans l’après-midi ne mentionnait plus Lockheed comme sponsor, pas plus que toutes les éditions ultérieures du bulletin publiées depuis cette date.
De plus, le parrainage de Lockheed a également disparu de toutes les éditions précédentes de la lettre d’information dans les archives de Politico. Mais les outils d’archivage sur Internet montrent que le parrainage était toujours mentionné avant le 16 août.
L’édition du 10 mai de Morning Defense en est un exemple. Avant le 16 août, la mention « Presented by Lockheed Martin » apparaissait sous le titre et la signature. Au milieu de la page, on pouvait également trouver deux publicités Lockheed, l’une vantant les mérites de son avion de combat F‑35 comme « pierre angulaire de la flotte de chasse de l’armée de l’air américaine ».
Mais désormais, ni le parrainage ni les publicités n’apparaissent sur la page. Le même schéma se retrouve dans toutes les éditions du bulletin d’information depuis au moins mars, si ce n’est avant, et aucune note éditoriale n’est jointe pour reconnaître ou expliquer ce changement.
Il existe des preuves claires que le 16 août a été la date décisive. Le parrainage de Lockheed était encore présent sur les éditions du 13 août et du 11 août de la lettre d’information avant cet après-midi-là ; plus tard dans la soirée, il avait disparu des deux.
Certains de ces changements ont été signalés à l’origine par Heavy.com le 17 août, bien que ce rapport ne mentionnait que trois éditions de la lettre d’information, omettant que le parrainage avait disparu de toutes celles qui remontaient au mois de mars.
Il est possible que le parrainage ait pris fin par coïncidence. Il est également possible que Politico ait commis une erreur technique, plutôt que de tenter délibérément de faire disparaître d’Internet toute preuve de sa relation antérieure avec Lockheed.
Quoi qu’il en soit, quiconque tombe aujourd’hui sur d’anciennes éditions de la lettre d’information n’a aucun moyen de savoir que la relation entre Politico et Lockheed existait au moment de la publication, voire qu’elle existait tout court. À un moment d’autocritique profonde sur la politique étrangère américaine – et sur la manière dont l’industrie de la défense a longtemps exercé une influence démesurée à Washington – Politico semble avoir essayé de se débarrasser de tout lien compromettant.
Ni Politico ni Lockheed n’ont répondu aux multiples demandes de commentaires pour préciser si leur relation avait effectivement pris fin, ou si la suppression du parrainage de Lockheed dans les éditions précédentes du National Security Daily était délibérée ou une erreur.
Source : Responsible Statecraft, Ethan Paul, 03/09/2021