Fabrice Arfi, journaliste militant à Mediapart, a‑t-il été déprogrammé du « Grand Journal » de Canal+, l’émission phare d’une chaîne cryptée aujourd’hui au centre de tous les débats ?
C’est en tous cas ce qu’affirme le journaliste. Dans un entretien accordé à Télérama, celui-ci assure avoir été contacté par l’émission présentée par Maïtena Biraben à l’occasion de la sortie du livre Informer n’est pas un délit (Calmann-Lévy), qu’il codirige. « La production paraissait alors si emballée par le concept de l’ouvrage et la liste des journalistes qui y ont participé (Élise Lucet, Denis Robert, Gérard Davet, Fabrice Lhomme, Benoît Collombat, Laurent Richard…) qu’elle me propose même de venir participer à une “émission pilote” », raconte-t-il sur son blog. Une émission pour de faux donc, mais avec en ligne de mire une seconde invitation, en direct cette fois-ci et en exclusivité.
Problème, entre l’invitation informelle et la date fixée pour l’émission, les équipes du « Grand Journal » ont lu l’ouvrage en question, constatant la présence d’un chapitre consacré à leur patron, Vincent Bolloré. « Le 9 septembre, la production, si allante la semaine d’avant, appelle, gênée aux entournures, la maison d’édition pour lui annoncer que, finalement, euh…, comment dire ? en fait, eh bien, Le Grand Journal ne fera rien de rien sur le livre », explique Arfi qui, après avoir envoyé un texto pour évoquer ce qu’il considère comme une « censure » liée à Bolloré, affirme qu’une source interne lui a donné raison.
« Je ne sais pas s’il s’agit d’une censure ou d’une auto-censure, mais cela ne change rien au fond », ajoute-t-il, s’étonnant que le « Grand Journal », qui, explique-t-il, « a toujours été très correct avec Mediapart sous Denisot et De Caunes, en dépit des saillies “aphatiennes” », le déprogramme de la sorte.
Invitée de France Inter jeudi 1er octobre, Maïtena Biraben s’est défendue de ces accusations, devenues monnaie courante depuis le début de la saison à l’égard d’une émission que le monde journalistique aime détester depuis le changement de direction. « Vincent Bolloré n’est pas dans mon oreillette et j’ai un cerveau. Il ne m’a jamais appelée pour me demander quoi que ce soit sur l’émission. Il n’intervient pas dans l’éditorial, il n’appelle pas. C’est nous qui décidons », a t‑elle tranché avant d’affirmer qu’il était « faux » de dire que l’émission avait déprogrammé Fabrice Arfi. « Il sera invité dans l’émission », a précisé celle qui est déjà plongée dans une polémique après sa sortie sur le FN, un parti « au discours de vérité ».
Depuis la reprise en main de Canal + par Vincent Bolloré (qui a procédé à de nombreuses mises à l’écart, a reprogrammé les Guignols en crypté et fait passer à la trappe des documentaires gênants), les journalistes font front commun contre le « Grand Journal », une émission autrefois chérie et aujourd’hui d’autant plus haïe… Leur monstre serait-il en train de leur échapper ?
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