Après les États-Unis en 2020, le Royaume-Uni et l’Allemagne en 2021, Facebook News a fait son arrivée en France courant janvier 2022. Suivant la voie par la signature, en octobre 2020, d’un accord entre Google et l’Alliance pour la presse d’information générale (APIG) sur les droits voisins, il se présente comme une fonctionnalité supplémentaire offrant un résumé de l’actualité par des titres majeurs de la presse nationale française. Néanmoins, comme nous pouvions nous y attendre, ce « résumé » est soumis à quelques critères bien connus…
Pas de vilaines « fausses informations »
Naturellement, la lutte contre les fausses informations est la grande priorité de la plateforme. Pour Meta, maison-mère de Facebook, c’est l’occasion de se racheter une virginité après avoir été accusée de désinformation. Ainsi sera mis en place une « curation » sur la plateforme. Celle-ci sera réalisée par l’AFP, qui, il y a quelques mois, inventait des casseurs zemmouriens à Nantes. Ajoutons à cela que l’agence est formée au « fact-checking » par Google, et nous obtenons un savant mélange d’ « indépendance » et de « pluralité ».
« Vrais médias », de grand chemin ?
Pour Jesper Doub, directeur des partenariats de Facebook News en Europe, la structure ne contiendra que des informations vérifiées, produites par de « vrais médias »[1]. La question est alors de savoir ce qu’est un vrai média pour Jesper Doub et Facebook. Peut-être est-ce un des quatre-vingts médias, dont l’AFP et Le Monde, rémunérés par Meta dans le cadre d’un programme de vérifications des contenus. À ceux qui verraient un conflit d’intérêts, Le Monde vous rassure en indiquant que l’accord est distinct de celui concernant Facebook News. Distinct mais pas opposé, ce qui fait que les « fact-checkeurs » de Facebook News seront rémunérés par Facebook. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Petit pactole à la clé
En outre, s’ajoute un lucratif (petit) pactole, puisque l’accord conclu entre l’Alliance de la presse d’information généraliste (APIG), qui est pour l’instant le principal réseau présent sur la plateforme d’information, et Facebook News est de 60 millions d’euros sur trois ans. Une enveloppe assez peu généreuse, considérée comme une victoire par l’APIG, mais qui interroge sur l’indépendance de la presse. Certaines mauvaises langues pourraient la voir malmener par ces conflits d’intérêts et ces enveloppes généreuses qui, n’en doutons pas, intègrent des contreparties partiellement inconnues du public. Par ailleurs, les exemples américains ou anglais montrent une augmentation notable du trafic sur les sites d’info présents sur Facebook News. De quoi motiver les réfractaires à rejoindre la structure.
Lancement trois mois avant l’élection présidentielle de 2022
Notons que l’arrivé de cette plateforme se fait quelques semaines seulement avant le premier tour de l’élection présidentielle. Avec la création de l’ARCOM, le rendu du rapport Bronner, ou encore le retour de la loi Avia, nous avions observé la volonté de contrôler l’information du gouvernement. Encore une fois, Facebook News n’y échappe pas. Par sa collaboration avec Viginum, la plateforme lancée en 2021, ayant pour but de lutter contre les ingérences numériques durant la prochaine élection, mais aussi avec l’ARCOM (fusion du CSA et d’Hadopi), le gouvernement entend bien garder un œil sur ce qui se dit sur cette nouvelle plateforme d’information afin de « protéger » le scrutin. Seul bémol, cette peur des ingérences s’appuie, notamment, sur l’exemple de l’ingérence russe dans le scrutin présidentiel aux États-Unis en 2016, qu’a complètement détruit le rapport Durham.
Soyons donc rassurés – ou inquiets c’est selon — entre la juteuse rémunération de Meta à l’AFP, et l’influence des officines gouvernementales, l’indépendance et l’impartialité de Facebook News sont assurées…