Vous connaissiez Instant articles de Facebook, le Libra de Facebook, Dating de Facebook, Instagram de Facebook, WhatsApp de Facebook, vous saviez que Facebook finance Check News de Libération (comme Google a financé le Decodex du Monde), le monde journalistique célèbre en cette automne 2019 la naissance de Facebook News tab.
Des éditeurs devenus écrivains fantômes et spoliés
En 2015 le réseau social lançait Instant articles. Après un succès auprès des éditeurs en 2016, les médias presse ne recevant que peu de retombées abandonnèrent l’application. Au même moment Facebook mettait en avant les formats vidéo, annonçant début 2015 un milliard de vidéos vues par jour, un chiffre qui explosait à 8 milliards par jour fin 2015. Jusqu’au moment où une enquête montrait que le réseau social avait très largement enflé les statistiques de diffusion, d’un facteur 2 à 9 suivant les mois. Entretemps tout le monde s’était mis à la vidéo, la mode en 2019 est au podcast audio.
Quelques années plus tard, en 2018, Facebook annonçait sa décision de se concentrer sur les contenus familiaux et amicaux au détriment des contenus médias et modifiait son algorithme en conséquence. Certains médias perdirent plus de moitié de leur audience en quelques semaines ou mois. Un site comme Slate US avait plus de 23 millions de vues sur le réseau social début 2017 et moins de quatre millions 18 mois plus tard, une chute de plus de 80%. Ne parlons pas du partage de revenus avec les éditeurs, suivant la célèbre recette du pâté d’alouettes : un cheval pour moi (Facebook), une alouette pour toi (les éditeurs).
Le test Facebook News tab aux États-Unis
Fin octobre 2019, Facebook a annoncé le lancement sous forme de test de News tab. Kesaco ? Une nouvelle mouture de Facebook News avec :
- Les histoires du jour (Today’s Stories) sélectionnées par une équipe de journalistes, ces derniers sans doute choisis parmi les médias partenaires (on craint le pire).
- La personnalisation poussée de vos centres d’intérêt.
- La possibilité de lire les médias auxquels vous avez souscrits.
- Un contrôle pour cacher les articles, sujets ou éditeurs que vous souhaitez éviter.
Qui participe ? Les éditeurs figurant déjà sur l’index News Page, ayant signé le guide de bonne conduite du réseau social, partageant « les standards de la communauté », excluant les « discours de haine », non classés comme « désinformation » et respectant « l’intégrité » du réseau social. Parmi les partants The Wall Street Journal, Time, The Washington Post, BuzzFeed News, Bloomberg, Fox Business, Business Insider, The Post, The Los Angeles Times, etc. Le réseau social en annonce 200 à terme.
Le baiser de la mort
Facebook distribue quelques dizaines de millions de dollars chaque année via son programme « Journalisme », une paillette pour une société qui a gagné 22 milliards de dollars en 2018, en progression en 2019. Les informations des médias ne représentent qu’une fraction du marché pour le réseau social. Elles ne sont qu’un moyen supplémentaire pour préciser les profils des utilisateurs afin de les monétiser ensuite. Un outil utile, mais rien de plus. Le Wall Street Journal (propriété Murdoch) a une position dominante sur son marché et pourra tirer sans doute quelques subsides du réseau social. Les quelques éditeurs qui seront les premiers à participer au nouveau programme en tireront eux aussi quelques bénéfices à très court terme pour mieux se faire plumer ensuite. Puis, comme les autres, ils deviendront des otages des GAFA, coincés entre Facebook (qui devrait bientôt produire aussi ses propres contenus en sous-traitance aux médias classiques comme BFM avec des vidéos), Google qui aspire l’essentiel des revenus de la publicité numérique, Amazon qui livre leurs produits dérivés, Apple qui veut devenir à la fois un tuyau et un filtre pour les informations. Plus dure sera la chute.